Sa position de leader sur le marché des assurances n'entame en rien ses ambitions : Wafa Assurance reste agressive aussi bien au Maroc qu'en Afrique, continent où elle a opté pour un modèle de développement hybride combinant greenfield et acquisition. Invité de la rédaction de Finances News Hebdo, Ali Harraj, PDG de Wafa Assurance, se confie sans langue de bois. Il détaille la stratégie de la compagnie, mais s'exprime aussi avec aisance sur l'actualité qui touche ce secteur, marquée par de nombreuses évolutions réglementaires. Il a assumé plusieurs responsabilités dans différents secteurs avant d'atterrir dans le domaine des assurances en février 2015. «Je m'y sens bien. C'est un secteur que je découvre et qui est très passionnant. Il fait appel à différentes expertises et métiers et représente par conséquent la synthèse de tout ce que j'ai eu à faire jusqu'à présent, parce que je suis passé par l'industrie, l'automobile, la finance (Caisse de dépôt et de gestion), la banque (CIH)....», confie d'emblée Ali Harraj, PDG de Wafa Assurance. Se retrouver aux commandes de la première compagnie d'assurances marocaine est évidemment un gros challenge. Car être leader d'un marché Les performances de Wafa Assurance devraient d'ailleurs être à l'image du secteur pour lequel il est attendu une hausse à deux chiffres. «Hormis l'automobile qui a bénéficié de l'effet de l'usine Renault Tanger, rares sont les secteurs au Maroc qui dégagent des évolutions à deux chiffres, surtout dans un pays où le taux de croissance oscille entre 2 et 4,5%, selon que la campagne agricole est bonne ou non», fait-il remarquer. «Cela veut dire qu'il y a encore un potentiel au niveau des assurances qui n'est pas encore adressé, particulièrement au niveau de la Vie qui peut notamment être encore davantage tirée vers le haut par l'innovation, sachant qu'elle a été véritablement boostée ces dernières années par le réseau bancaire», analyse-t-il. C'est dire que la bancassurance reste une réussite. Peut-on aller plus loin, c'est-à-dire au-delà des produits liés à la personne ? A cette interrogation, Ali Harraj répond qu'il est ouvert à ce que les banques commercialisent les produits dommages, comme cela se fait sous d'autres cieux. Sauf que les courtiers et agents, déjà contrariés par le modèle de bancassurance développé au Maroc et qui aura suscité à une certaine époque de vives polémiques, ne souscriront certainement pas à cette évolution. «Il y a de la place pour tout le monde dans ce marché et l'objectif est de travailler en bonne intelligence avec les courtiers et agents qui sont, rappelons-le, nos partenaires et nous avons besoin d'eux», tempère le patron de Wafa Assurance, qui se dit néanmoins favorable «à une ouverture progressive qui n'empêchera aucunement le réseau traditionnel d'exister, eu égard, entre autres, à son rôle éminemment important en termes de conseil et d'accompagnement». Il faut convenir, en effet, que les acteurs du marché sont de plus en plus appelés à s'accommoder de l'évolution des modes de distribution des produits d'assurances, surtout avec l'avènement des nouvelles technologies. Le digital a ainsi ouvert une nouvelle page dans la relation client-assureur. «La gestion des sinistres se faisant désormais via des plateformes, le contact physique entre le courtier ou l'agent et le client devient de plus en plus rare», confirme Harraj. Néanmoins, la dématérialisation se heurte encore à de nombreux freins (culturels, réglementaires...), mais qui peuvent être surmontés avec le temps, comme l'ont fait d'autres pays. «Avec cette nouvelle génération qui a grandi avec Internet et qui est hyper connectée, la digitalisation qui existe actuellement dans le domaine bancaire va forcément s'étendre à d'autres secteurs comme celui des assurances, lequel est aussi dans une optique d'optimiser ses charges et de faciliter la vie à ses assurés», conclut-il. Un modèle hybride en Afrique Le taux de pénétration de l'assurance dans la zone Cima (Conférence interafricaine des marchés d'assurances) est extrêmement faible, aux alentours de 0,7%. En se positionnant en Afrique à travers six filiales en Tunisie (1), au Sénégal (2), en Côte d'Ivoire (2) et au Cameroun (1), Wafa Assurance espère tirer profit du potentiel de développement que compte ce marché. Cela, en ciblant en priorité les pays d'implantation du Groupe Attijariwafa bank afin de développer des synergies, particulièrement dans la bancassurance. «Avec cette particularité que les filiales bancaires peuvent distribuer les produits dommages dans ces pays», fait savoir Harraj. «Certes, à part la Tunisie où nous réalisons de bonnes performances, avec une position de leader pour une part de marché de 16%, nos chiffres sur le reste de l'Afrique ne sont pas significatifs, puisque nous venons à peine d'y démarrer nos activités», ajoute-t-il. «Sur ces marchés, nous emmenons notre modèle économique et notre expertise reconnue dans la Vie. Par contre, dans la Non-vie, c'est moins évident, parce que nous sommes un acteur parmi d'autres (compagnies, réseaux de courtiers...) et il nous faut trouver notre place. Mais nous ne comptons pas faire de la figuration, puisqu'au Sénégal par exemple, nous ambitionnons d'avoir une part de marché naturelle de minimum 10% dans la Non-vie à horizon 3 à 4 ans», laisse entendre notre invité. Si l'Afrique représente un réel relais de croissance pour Wafa Assurance, cela ne l'empêche pas pour autant de consolider son ancrage au niveau domestique, où les professionnels s'attendent à une amélioration du taux de pénétration de l'assurance (3% auparavant) au terme de l'année 2016. Un taux qui reste le plus important en Afrique, hors Afrique du Sud. Il faut néanmoins signaler qu'aller brouter dans les prés africains est devenu maintenant beaucoup plus compliqué, notamment à cause du durcissement de la réglementation dans la zone Cima qui impose désormais aux compagnies un capital minimum de 5 milliards de FCFA (environ 80 MDH). Cette contrainte, comme nous le signalions (www.financenews.press.ma), explique, entre autres, que Wafa Assurance ait réajusté sa stratégie pour combiner greenfield et acquisition. «Cette nouvelle réglementation a précipité l'adoption de cette option» hybride, confirme Ali Harraj. L'acquisition constitue dès lors une nouvelle fenêtre de tir pour la compagnie, solide financièrement, et qui a les moyens de saisir les opportunités qui se présenteront sur ce marché très atomisé, où pullulent les petites structures fragiles. Mieux encore, Wafa Assurance va cibler d'autres marchés où n'est pas forcément présent Attijariwafa bank, comme notamment certains pays anglophones. Mais que ce soit au Maroc ou dans le reste de l'Afrique, l'objectif est le même et clairement défini pour Wafa Assurance : «nous sommes pour la croissance rentable», martèle Ali Harraj. Raison pour laquelle Wafa Assurance a inscrit la fourniture de services de qualité dans son ADN. «Il nous arrive de perdre des appels d'offres...., mais jamais lorsque nous soumissionnons de nouveau pour un marché pour lequel Wafa Assurance a déjà été adjudicataire. Simplement parce que nous fournissons des services de qualité. C'est le cas notamment de notre partenariat avec Barid Bank dans la bancassurance qui dure depuis 10 ans maintenant et qui a été prolongé, puisque notre compagnie a été retenue, suite à un appel d'offres, pour l'assurance et l'assistance», assure Ali Harraj. Précisant que, «par contre, sur de gros marchés auxquels nous soumissionnons pour la première fois, il nous arrive de perdre parce que nous ne sommes pas capables de brader les prix pour proposer des prestations qui ne sont pas de qualité, juste pour faire des chiffres. Ce n'est pas dans notre culture. Il faut savoir aussi que l'expertise de Wafa Assurance est mondialement reconnue, d'autant que nos partenaires étrangers, notamment dans la réassurance, préfèrent s'allier à nous qu'à d'autres acteurs au Maroc. C'est particulièrement le cas pour les grands chantiers où nous avons développé une vraie expertise en ce qui concerne la gestion des gros risques techniques. Ce qui légitime notre forte présence dans presque tous les grands projets structurants lancés dans le Royaume». Pages réalisées par D. William
Assurances – Intermédiaires : Des relations fluidifiées Un an après l'entrée en vigueur de la circulaire encadrant les relations entre intermédiaires et compagnies d'assurance et fixant des conditions minimales relatives à l'encaissement des primes et au paiement des sinistres, les relations entre les deux parties se sont pacifiées. Cette circulaire a en effet permis d'entamer le processus d'assainissement d'un secteur où les arriérés sont chiffrés à des milliards de dirhams. «Hormis la phase de transition qui était difficile, aujourd'hui tout se passe bien. De nouveaux rapports ont été établis avec les intermédiaires à travers notamment les protocoles d'accord de rééchelonnement des remboursements que nous avons signés avec eux et qui leur permettent de pouvoir poursuivre sereinement leurs activités. Notre objectif n'est pas de les asphyxier, d'autant que nous tenons compte du montant de l'arriéré et du rythme de production de l'agent ou du courtier, pour fixer la durée des échéances de remboursement», souligne Ali Harraj, précisant néanmoins qu'«il y a quelques cas plus complexes qui vont être réglés avant fin juin». Quid de l'arrivée de nouveaux concurrents ? L'arrivée sur le marché marocain d'Allianz inquiète-t-elle ? «Non», rétorque Ali Harraj, même s'il reconnaît qu'il faut s'attendre à ce que la nouvelle venue, qui dispose déjà d'une expérience internationale avérée, soit agressive. «Une concurrence qui apporte de la valeur ajoutée au secteur, à travers par exemple l'innovation, est toujours la bienvenue», note-t-il. «Globalement, il faut juste qu'il y ait une concurrence saine dans le secteur, dans le respect des règles d'éthique», conclut-il.
Vers un nouveau contrat-programme Trop ambitieux, l'ancien contrat-programme va être enterré. «Un nouveau contrat-programme est en cours d'élaboration, avec des objectifs réalisables», confirme Ali Harraj. Il devrait notamment intégrer de nouvelles assurances obligatoires. «Nous insistons, à ce titre, pour que soit pris en compte la multirisque habitation, et ce d'autant que tout le monde en a besoin», ajoute-t-il. Rappelons que le cadre réglementaire du secteur connaît de nombreuses évolutions, avec la mise en place du cadre législatif de l'assurance Takaful, l'obligation des assurances tous risques chantier et RC Décennale, la révision à la hausse du montant minimum des garanties RC Auto ou encore l'instauration du principe de solvabilité basée sur les risques encourus par les compagnies d'assurances. A cela, s'ajoute la loi portant création du régime de couverture des conséquences d'évènements catastrophiques. «Outre la mise en place d'un fonds de garantie, c'est le principe de solidarité qui va prévaloir à ce niveau pour couvrir les assurés, mais surtout ceux qui n'ont pas les moyens. Des surprimes modiques vont être appliquées sur les contrats d'assurance», précise Ali Harraj, non sans souligner que «tous les assurés vont être couverts pour leur habitation principale à concurrence du montant d'un logement social. Par ailleurs, il y aura des plafonds qui seront définis, parce que le système n'est pas fait pour indemniser tout le monde sur la valeur des biens en cas de survenance d'un événement catastrophique».
Nouveau gouvernement : Une urgence Le Maroc attend toujours d'avoir un nouveau gouvernement. Une situation ubuesque qui dure depuis maintenant 5 mois et qui irrite passablement les opérateurs économiques. «Nous sommes quand même perplexes et étonnés face à ce qui se passe. Heureusement qu'au Maroc les institutions fonctionnent normalement. Mais il faut bien qu'il y ait un gouvernement et que la machine économique reparte pour donner un signal fort aux acteurs du marché et également aux investisseurs étrangers», note Ali Harraj, non sans avertir que «nous sommes dans l'urgence, car si on loupe ce premier trimestre, ce sera très compliqué après».