La Bourse de Casablanca est euphorique en ce début d'année 2017. Le Masi, son indice-phare, gagne déjà 10,67% après seulement 7 séances de cotation, volumes à l'appui. Sur quoi cette hausse vertigineuse repose-t-elle ? Eléments de réponse. A peine le temps de souffler, après une année 2016 achevée en fanfare (croissance du Masi de 30,46%, soit la meilleure performance depuis 9 ans), que l'indicephare de la Bourse de Casablanca (BVC) redémarre en 2017 sur les chapeaux de roues, affichant une croissance spectaculaire. Après seulement 7 séances de cotation (au terme de la séance du mardi 10 janvier), le Masi gagnait déjà 10,67% sur l'année, à 12.886 points. Il surclasse, et de loin, les autres places financières africaines (voir tableau). L'indice se rapproche même de son niveau pré-printemps arabe. A l'époque, début 2011, le Masi culminait à plus de 13.300 points, avant d'entamer une lente et inexorable baisse causée par les bouleversements et les troubles qu'a connus la région. Ces années de vaches maigres semblent bien lointaines à présent. Hormis la journée atone du 2 janvier, toutes les séances de cotation de ce début d'année 2017 ont terminé dans le vert. Deux journées consécutives de fortes hausses sont à signaler. Le jeudi 5 janvier, le marché action gagnait 3,04% au terme d'une séance à sens unique, porté par un volume de transactions sur le marché central de plus de 700 millions de DH. La séance du vendredi 6 janvier a, elle aussi, été particulièrement folle. Une journée comme la Bourse n'en avait plus connu depuis longtemps. L'indice ouvrait à 3,6%. Au final, le Masi gagnait 2,84 %, achevant son rallye à 12.532 points. Durant cette séance, en milieu de journée, il a même testé les 12.900 points ( 5%), avant de refluer. Du quasi jamais vu de mémoire de trader. Le tout, sur fond de volumes très importants : 1,17 milliard de dirhams de DH ont été échangés sur le marché central pour la seule séance de vendredi. Les volumes de transaction justement sont considérables depuis quelques semaines : sur les 5 premières séances de cotation de 2017, 2,6 milliards de DH de transactions ont été réalisés, dont 2,34 milliards de DH sur le marché central. Sur cette première semaine, la moyenne des volumes journaliers atteint 520 millions de DH, contre un volume quotidien moyen (vqm) de 201,8 millions de DH en 2016. A ce rythme, les volumes conséquents enregistrés durant les années fastes de la Bourse, au milieu des années 2000, ne seront plus hors d'atteinte. Ce qui frappe aussi, c'est la vitesse avec laquelle les résistances tombent les unes après les autres, sans grande résistance justement. La barre des 11.600 points, sur laquelle le marché a buté plusieurs fois par le passé, a été franchie sans anicroche fin décembre : un signe que la vague acheteuse est forte. Consensus sur la hausse Aujourd'hui, il y a un consensus quasi généralisé auprès des opérateurs du marché, qu'ils soient analystes ou traders, sur la poursuite du trend haussier du marché en 2017. Il n'y a pas eu un tel consensus haussier depuis bien longtemps. «La tendance haussière devrait se confirmer en 2017», indique la société de Bourse Upline dans son document annuel, récemment publié, consacré au marché action. Le broker pronostique même une croissance du Masi de 11% sur le premier trimestre 2017 à 12.900 points. Les explications recueillies auprès des analystes face à cette soudaine vitalité de la BVC convergent toutes vers les mêmes éléments : abondance de liquidité, environnement de taux bas prolongé qui incite les investisseurs à aller chercher de meilleurs rendements sur le marché action, perspectives positives pour les résultats annuels des sociétés cotées, anticipation de la bonne campagne agricole en 2017. Ils constituent globalement le cocktail à l'origine de cette vague d'achat. Par ailleurs, les dernières IPO réussies, notamment celle de Marsa Maroc, auraient contribué à rétablir la confiance des investisseurs dans un marché action décevant ces dernières années. Upline Securities exclut aussi toute idée de bulle spéculative. En effet, cette hausse des cours devrait être accompagnée d'une hausse de la masse bénéficiaire. Une masse bénéficiaire qui devrait profiter du redressement des immobilières, de l'amélioration du résultat des opérations de marché pour les bancaires, de la baisse du coût de l'énergie pour le BTP et de l'augmentation du résultat financier pour les assurances, ou encore de l'impact de la hausse du Dollar et des prix des métaux sur les minières. Cette anticipation positive sur les bénéfices des sociétés cotées devrait «à la fois rendre les multiples de valorisation attractifs et améliorer le potentiel d'upside», estime la SDB. Les instits à la manœuvre Pourtant, cette hausse vertigineuse du marché action laisse perplexes d'autres professionnels du marché. L'un d'entre eux, possédant une longue expérience de la Bourse marocaine, s'interroge sur la vitesse de la hausse et sur la liquidité. «La question est de savoir qui sont les acheteurs», fait-il remarquer. Et ce ne sont pas les étrangers a priori. «Nous n'avons pas remarqué un afflux particulier des investisseurs étrangers ces dernières semaines», apprend-on auprès de plusieurs sociétés de Bourse de la place. Les particuliers alors ? «Si l'on regarde les chiffres de l'Asfim (Association des sociétés de gestion et fonds d'investissement marocains), on constate que durant les trois dernières semaines de décembre 2016, ce sont près de 1,8 milliard de DH de souscriptions à travers des OPCVM ouverts au grand public qui ont été enregistrés». «Or, poursuit notre interlocuteur, il est inimaginable qu'une telle somme provienne des particuliers». C'est presqu'autant que le montant des souscriptions par les particuliers à une Offre publique de vente populaire comme celle de Marsa Maroc l'an dernier (2 milliards de DH). Pour notre interlocuteur, «une telle hausse doit nous amener à être vigilants. Car tout ce qui est brutal n'est pas bon. Et une telle hausse aussi rapide n'est pas justifiée dans une Bourse qui demeure, malgré tout, peu profonde, avec un nombre limité d'actionnaires et un turnover qui reste encore relativement faible». Cela posera d'ailleurs problème lorsque les investisseurs voudront réaliser leurs bénéfices : qui apportera la contrepartie ? Bref, vous l'aurez compris. La vitalité retrouvée du marché action suscite autant d'enthousiasme que d'interrogations. Pour l'instant, tant que ça grimpe avec de gros volumes, tout va bien. Et ce ne sont pas les courtiers qui diront le contraire. Par A. E Un effet «Banques participatives» ? L'annonce par Bank Al-Maghrib de l'octroi des 8 agréments pour le lancement des banques participatives auraitelle eu un impact positif sur les valeurs concernées, à savoir les banques cotées et les immobilières ? C'est en tout cas l'avis de certains analystes. Les futures banques participatives devraient en effet distribuer en priorité des financements à destination des acquéreurs de logement, par le biais des produits de Murabaha. L'encours des crédits immobiliers destiné aux ménages devrait donc mécaniquement augmenter. Mais, là aussi, les avis divergent. Pour un professionnel de la place, il n'est pas opportun de justifier la forte hausse des actions dans ces deux secteurs par l'annonce des agréments. «Les banques sont loin d'être prêtes, il reste encore beaucoup à faire avant le lancement des produits participatifs. En tout cas, une telle annonce ne justifie aucunement la hausse vertigineuse constatée dans ces deux secteurs», soutient-il, excluant ainsi toute corrélation..