* La baisse du pouvoir d'achat des Marocains menace le gouvernement Jettou. * Un contexte favorable pour une montée en force des syndicats... * La balle est aujourd'hui dans le camp du gouvernement. Le Dialogue social a bel et bien repris. Le Premier ministre Driss Jettou en a initié le premier round. Une série de réunions avec les cinq centrales syndicales les plus représentatives ont été tout récemment tenues au siège de la Primature. Ces réunions ont été consacrées à l'examen de plusieurs dossiers sociaux inhérents à la cherté de la vie, la couverture médicale, la retraite et à l'état des libertés syndicales. Notons que le débat a été dominé par l'épineuse question du pouvoir d'achat des Marocains vu le contexte socio-économique dans lequel intervient cette rentrée sociale. En effet, le pouvoir d'achat des populations à faible revenu a pris un coup dur après les récentes augmentations des prix des produits de première nécessité dues essentiellement au renchérissement, à plusieurs reprises, du prix du baril de pétrole à l'international, sans parler d'une conjoncture assez spéciale qui fait presque coïncider rentrée scolaire et mois de Ramadan. Contexte difficile pour le moins que l'on puisse dire. Les parties prenantes au dialogue sont conscientes de ce fait et essaient d'en faire, chacune à sa manière, son cheval de bataille. Les syndicats, d'après différentes déclarations, auraient signifié au chef du gouvernement leur refus des hausses de tarifs décidées pendant l'été et ont tous évoqué la nécessité d'augmenter les salaires, et en particulier le Smig, et revoir à la baisse l'Impôt général sur le revenu (IGR).Le chef de l'exécutif, quant à lui, a surtout tenu à éclairer les partenaires sociaux sur la réalité des contraintes qui pèsent sur le Budget de l'Etat, notamment celles que la facture pétrolière induit. Il a affirmé que son gouvernement a été obligé de décider de telles hausses et que, malgré cela, l'Etat supporte toujours un grand fardeau... Le Budget craque, fait-il comprendre. Rapports de forces Ce qui renforce la position des syndicats rend celle du gouvernement encore plus faible. Les syndicats se sont rabattus sur la hausse des prix pour meubler leur discours. Plusieurs composantes de la société civile, mais aussi des partis de la gauche radicale ont appelé à une série de manifestations contre la vie chère; des ONG reviennent à la charge pour demander au gouvernement d'avoir le courage de tenir ses promesses au moment où il avait décidé de passer à l'indexation. Une mission de consultation du Fonds monétaire international (FMI) avait annoncé dans son rapport, rendu public en juin dernier, que notre pays devrait éviter que de nouvelles concessions salariales, accordées dans le cadre du dialogue social, n'érodent les gains générés par le succès du départ volontaire à la retraite... À près d'un an des élections législatives, le gouvernement est assailli de toutes parts. Il serait donc vain de croire que le Premier ministre, qui a toujours su bien manuvrer face aux syndicats, s'y résolve. Le Premier ministre avait affirmé que le gouvernement avait le choix entre l'augmentation des salaires et la révision de l'Impôt général sur le revenu. Notons qu'au moment où nous mettons sous presse, une nouvelle grille de l'IGR a été publiée par les autorités compétentes. Les premières estimations sur la moin-value pour le Budget à ce niveau tablent sur 2,5 milliards de DH. Y aura t-il alors une augmentation des salaires et en particulier celle du Smig ? Les syndicats y tiennent et n'accepteront point de concessions sur ce dossier sous prétexte que les catégories les plus vulnérables, soit l'écrasante majorité, ne sont pas concernées par l'IGR. «A quoi bon son réaménagement ?», affirme un syndicaliste ayant requis l'anonymat. Et d'ajouter : «Un relèvement du niveau du salaire minimum s'impose. Il y va de la stabilité du pays et de la quiétude de ses habitants». Le gouvernement, pris au piège, doit mettre les bouchées doubles pour calmer les esprits. A peine 20 jours nous séparent du délai réglementaire pour le dépôt de la Loi de Finances devant le Parlement. En effet, d'ici le 20 octobre, il faudra au moins deux autres Conseils de gouvernement et un Conseil des ministres. Des arbitrages seront nécessaires pour une dizaine de ministères... Les syndicats ont proposé la formation d'une commission tripartite, formée du gouvernement, des centrales syndicales et du patronat, pour se pencher sur le dossier du Smig. D'autres dossiers attendent le gouvernement en 2007, et pas des moindres, puisqu'il s'agit de la réforme des régimes de retraite, de dépasser les difficultés de la mise en place de l'AMO, des fonctionnaires de l'Etat exclus des promotions des trois dernières années, et dun autre dossier non moins épineux : certains employés des collectivités locales et de l'administration publique qui ne touchent même pas le Smig. En attendant, Driss Jettou a plutôt réussi à calmer son monde. Mais jusquà quand ?