Les exploitants cherchent à défier le diktat de la sécheresse et opter pour de nouvelles cultures plus rentables. La baisse des coûts de forage des puits, du matériel de pompage et d'irrigation ainsi que des subventions allouées par l'Etat ont encouragé les fellahs à s'en équiper. Les agriculteurs marocains ont appris à cohabiter avec la sécheresse qui est devenue un phénomène structurel du secteur. Pour atténuer la dépendance à la pluie, certains fellahs ont opté pour l'irrigation afin de faire face aux diktats de la nature et améliorer leur revenu, le stabiliser et basculer vers d'autres cultures à forte valeur ajoutée. Avec le manque de pluie qui perdure depuis novembre dernier, les professionnels du secteur du forage de puits, de vente et d'installation de matériels d'irrigation enregistrent avec satisfaction une hausse de leur activité. Les exploitants ont compris qu'il est possible d'apprivoiser la sécheresse, ou du moins en atténuer les effets, avec l'aspersion. A défaut de l'existence d'un périmètre irrigué, ils optent pour la méthode de l'irrigation localisée, qui consiste à forer un puits et d'en pomper l'eau pour alimenter les cultures. «Malgré la multiplication des opérateurs, le forage de puits est en nette augmentation. Il y a une forte demande, que ce soit pour de nouveaux forages ou pour l'approfondissement ou l'entretien des puits existants», explique Mohamed Aït L'hous, secrétaire général de l'Association des professionnels de forage de puits. Cette tendance haussière s'explique également par la baisse des prix du forage, aidée en cela par la forte concurrence, l'utilisation de la technique du sondage et aussi les subventions allouées par l'Etat pour soutenir l'activité. «Avant les années 90, le forage se faisait uniquement par la méthode classique. Les professionnels de cette activité utilisaient la dynamite ou les marteaux piqueurs, à défaut, le creusement était réalisé par des pioches. C'était une opération dangereuse, longue et coûteuse. Certes, les puits avaient un diamètre plus grand permettant leur curage, mais le creusement ne pouvait pas atteindre une certaine profondeur et n'assurait pas un débit d'eau suffisant pour les exploitants. En revanche, la méthode du sondage est rapide et moins coûteuse, aboutissant à des résultats satisfaisants», explique Aït L'hous. En effet, la méthode classique de forage coûtait pas moins de 500 DH le mètre. Selon la nature du sol, le prix pouvait augmenter. En revanche, le creusement par sondage ne dépasse pas 200 DH le mètre. Il faut rappeler que cette technique a été introduite au Maroc par des opérateurs syriens, qui ont eu pendant un certain temps le monopole de l'activité, avant que des professionnels marocains ne s'y intéressent. Outre les opérations de forage, les ventes de matériels d'irrigation connaissent, elles aussi, un essor remarquable. «C'est devenu cyclique; lors de chaque année de sécheresse, on note une forte demande sur le matériel d'irrigation. Mais même lors des années humides, il y a un intérêt. La baisse des droits de douane et des taxes, la subvention accordée par l'Etat et l'effet volume ont également réduit les prix. Ces éléments ont incité les agriculteurs à s'équiper de ce genre de matériels», explique Brahim Harrati, président de l'Association des vendeurs de matériel d'irrigation. «Ces produits ont eu la cote auparavant dans les régions connues pour les cultures d'exportation ou d'arboriculture comme les fruits et les légumes. Actuellement, il y a un intérêt grandissant dans toutes les régions du pays, même dans les régions sahariennes», ajoute Harrati. Au fil des ans, le réseau des installateurs et vendeurs de matériel d'irrigation n'a cessé de se développer au grand bonheur des exploitants, qui trouvent une offre diversifiée. Pompage d'eau : le butane très consommé ! L'essor des forages de puits s'explique aussi par le développement des énergies utilisées. Auparavant, les pompes fonctionnaient à l'aide de moteurs diesel, et dans une moindre mesure, à essence. Actuellement, la plupart des exploitants ont opté pour le butane du fait que c'est un produit subventionné. Il n'existe pas de moteur homologué sur le marché fonctionnant au gaz mais seulement des anciens moteurs de voiture (Renault 18 ou 21) qui ont été réaménagés pour cette opération. Des professionnels agissant dans l'informel sont devenus maîtres en la matière. Il faut noter aussi que l'électrification du monde rural a incité les fellahs à l'utiliser pour le pompage d'eau notamment pour les usages domestiques ou l'irrigation des petites superficies. Les énergies renouvelables, particulièrement le solaire, sont en progression.