L'Organisation japonaise du commerce extérieur (Jetro) a récemment célébré en grande pompe l'ouverture de son bureau de Rabat. En s'ancrant ainsi au Maroc, le Japon espère donner un coup de fouet à ses relations commerciales et d'investissements avec le Royaume, et partant investir le prometteur marché africain. Une convention de coopération a été signée entre l'AMDI, Jetro et Maroc Export. En décidant d'ouvrir un bureau de représentation à Rabat, le 76ème du genre dans le monde, le 6ème en Afrique et le premier au Maghreb, le Japon affirme sa ferme volonté d'intensifier ses échanges commerciaux et d'investissements avec le Maroc. En effet, nonobstant les bonnes relations diplomatiques qui unissent les deux pays depuis des décennies, leurs relations économiques sont demeurées, jusqu'à aujourd'hui, assez timides, voire anecdotiques. Jugez plutôt : alors que le Japon est le deuxième émetteur d'IDE (investissements directs à l'étranger) dans le monde en 2013 avec près de 123 milliards de dollars d'investissements, l'Afrique ne compte que pour 0,6% de ces IDE, et sur cette part, le Maroc n'en draine que 1,4%. Le géant asiatique n'est que le 26ème partenaire commercial du Royaume avec un volume d'échanges commerciaux en 2013 de 5 milliards de dollars, soit moins de 1% du total des transactions extérieures. «Nos échanges commerciaux et d'investissements restent modestes et en deçà des considérables potentialités dont recèlent nos deux économies», résume Moulay Hafid Elalamy, ministre de l'Industrie, du Commerce et de l'Investissement, et ce en dépit de certaines success stories comme celle de Sumimoto, producteur de câbles automobiles, et premier employeur étranger au Maroc (près de 16.000 employés). Aujourd'hui, l'heure est donc au rattrapage du temps perdu, et l'ouverture de Jetro Rabat vient en quelque sorte corriger cette aberration. Un rapprochement logique Les raisons d'un tel rapprochement entre le pays du Levant et celui du Couchant sont évidentes. Il s'agit pour le Japon de tirer profit des atouts du Maroc : une stabilité politique rassurante, une croissance économique soutenue, et une position géographique avantageuse renforcée par de nombreux accords de libre-échange. «Le Maroc, au carrefour de l'Europe et de l'Afrique, a le potentiel pour constituer une destination de premier choix pour l'implantation des entreprises japonaises», assure Hiroyuki Ishige, président de Jetro. Il faut dire que l'argumentaire marocain pour séduire les offic iels japonais est bien rodé. M.H Elalamy a énuméré les avantages concurrentiels de la destination Maroc. Mise à part la stabilité institutionnelle du Royaume et le fondement libéral de son économie ouverte sur le monde, le ministre de l'Industrie évoque pêle-mêle un environnement des affaires en constante amélioration, un déploiement de programmes d'infrastructures «d'une envergure sans précédent» qui assurent aujourd'hui des conditions favorables à l'investissement, des accords de libre-échange (ALE) avec 56 pays offrant un accès à un marché de plus d'un milliard de consommateurs, des offres de valeurs intégrées et compétitives (Plan Maroc Vert, stratégie énergétique, Vision 2020 pour le tourisme, stratégie logistique, Plan Halieutis et Plan d'accélération industrielle (PAI). A propos du PAI, Elalamy estime qu'il «offre d'importantes opportunités aux groupes internationaux en quête de croissance et de compétitivité, grâce à la logique des écosystèmes qu'il prône». Avant d'ajouter : «les groupes japonais sont invités à s'associer à la dynamique d'accélération industrielle au Maroc, en investissant dans divers secteurs présentant un potentiel certain tels que l'automobile, l'aéronautique ou la construction navale au titre desquels le Japon dispose de positions dominantes». L'Afrique en ligne de mire Hamid Benlafdil, directeur de l'Agence marocaine de développement des investissements (AMDI) abonde dans ce sens. Selon lui, les entreprises japonaises auront accès non seulement au marché marocain, mais aussi au marché africain, nouvelle frontière de la croissance. Malgré l'absence d'ALE avec les pays africains, il y a une présence forte des entreprises marocaines dans divers secteurs comme les télécoms, le secteur bancaire, celui des assurances ou encore les minières et l'immobilier. «L'empreinte du Maroc en Afrique c'est 750 millions de consommateurs africains», lance-t-il comme un slogan. Et eu égard aux besoins extrêmement importants en Afrique, les opportunités sont innombrables et concernent différents secteurs comme celui de l'énergie de l'agroalimentaire, de la chimie, des infrastructures etc... Si l'on ajoute à cela le climat favorable à l'investissement étranger instauré au Maroc, avec en figures de proue l'absence de différenciation entre entreprises marocaines et étrangères qui bénéficient des mêmes droits et incitations, et le libre rapatriement des capitaux pour les non-résidents, on obtient le package complet du produit Maroc tel que vendu aux Japonais. Des arguments qui raisonnent comme une douce musique aux oreilles de Tokyo, en particulier celui du positionnement marocain en tant que hub financier et commercial vers les pays de l'Afrique subsaharienne. L'alléchant gâteau africain auquel ils n'ont que peu goûté contrairement au voisin chinois, attise de plus en plus la convoitise des nippons. «Les entreprises japonaises ont des technologies et des services de haute qualité, mais cela n'est pas suffisant pour percer sur les marchés africains», avoue H. Ishige. Selon lui, les sociétés japonaises pourront bénéficier du réseau et de l'expérience du Maroc en Afrique, notamment francophone. «De nombreuses entreprises marocaines sont déjà présentes sur le continent, particulièrement en Afrique francophone, et l'expertise marocaine peut jouer un rôle très important pour permettre l'établissement d'une relation gagnant-gagnant pour les entreprises des deux pays», explique-t-il. Diversification des partenaires Pour le Maroc, ce rapprochement avec le Japon recèle un intérêt stratégique. Il s'inscrit parfaitement dans le cadre de la stratégie marocaine de diversification de ses débouchés commerciaux. L'apathie de la zone Euro dont la demande à l'égard des produits marocains tarde à reprendre, a fini par convaincre les autorités marocaines de se tourner vers des destinations jusqu'ici peu ou pas explorées. C'est le cas du Japon, comme l'explique Zahra Maafiri, DG de Maroc Export, qui promeut le produit Maroc : «nous n'avons jamais eu de stratégie agressive sur le marché japonais comme ce fut le cas pour nos marchés traditionnels comme l'Europe, l'Afrique ou les pays du Golfe. Aujourd'hui, nous avons une offre très diversifiée et avec l'ouverture de Jetro à Rabat, le Japon montre son intérêt pour le Maroc. Nous devons profiter de cette attention». Plus largement, c'est le marché asiatique qui est visé «il y a un grand potentiel pour développer nos exportations sur ce marché» ajoute-t-elle. Pour mettre à profit ce rapprochement maroco-nippon, une convention de partenariat a été signée en marge de l'évènement entre Jetro, Maroc Export et l'AMDI. «C'est un accord qui pose les jalons d'un dialogue entre les organismes de promotion. Il facilitera l'échange de données et d'informations, l'assistance technique, permettra d'avoir une meilleure connaissance des circuits de distribution au Japon et de savoir comment accéder à ce marché, dans la mesure où jusqu'à présent, nous ne disposions pas d'informations fiables sur le Japon», explique Z. Maafiri.