* Dans les situations de trouble, les investissements en infrastructures ne se font pas. * On peut économiser de lénergie sans changer de mode de vie. Le Haut Commissariat au Plan poursuit la réalisation de son programme «Prospective : Maroc 2030». La dernière réflexion a été consacrée à «lenvironnement géostratégique et économique du Maroc». Cette réflexion est dune grande actualité, sachant que le contexte énergétique au Maroc suscite un certain nombre dinterrogations. Le séminaire organisé par le HCP a été animé par des experts marocains et une quinzaine dexperts de stature internationale appartenant à des institutions prestigieuses dont lAcadémie française des sciences, lUniversité Paris IX Dauphine, Areva, numéro un mondial du nucléaire, lInstitut français du pétrole ou encore le Centre danalyse stratégique et British Petrolium. Il faut dire que lénergie est aujourdhui au centre des préoccupations à cause du passage dune économie où lénergie est abondante et bon marché à une économie où elle est de plus en plus rare et chère. Doù le grand défi du siècle de parvenir à concilier les besoins avec une gestion collective dun bien collectif. Au Maroc, les objectifs de la politique énergétique nationale sarticulent autour des points suivants : la sécurité de lapprovisionnement afin de garantir la disponibilité des produits énergétiques, la recherche du meilleur coût de lénergie afin de contribuer à la mise à niveau du tissu productif, la généralisation de laccès à lénergie ainsi que la libéralisation des marchés et la restructuration des filières dans un environnement de plus en plus compétitif. Le taux de dépendance du Maroc vis-à-vis de lextérieur reste persistant dans lintervalle de 96 à 97%. Globalement, le déficit na fait que saccentuer au cours de la période. Pis encore, la quasi-totalité des besoins en énergie du pays a été satisfaite par des combustibles fossiles importés (pétrole et charbon). Aussi faut-il rappeler quen raison des contraintes budgétaires de lEtat et face à la flambée des cours du pétrole sur le marché international, le Maroc a remis en application le système dindexation des prix des produits pétroliers sur les cours internationaux. Ce système est entré en vigueur en février 2006, après sa suspension depuis lan 2000. Une mesure qui est justifiée par trois considérations que sont le pouvoir dachat de la population, lapprovisionnement du marché national et léquilibre budgétaire de la Caisse de compensation. Mais il faut dire que lenjeu énergétique est désormais mondial. J.-M. Chevalier, professeur à lUniversité Paris IX Dauphine, estime que le monde énergétique global est dune étonnante complexité et que la décision stratégique devrait se faire dans ce contexte. A quand lépuisement des réserves en pétrole ? Les bilans énergétiques sont différenciés dun pays à lautre et, derrière ces bilans, on retrouve dextrêmes rigidités. «Si rien ne change dans les comportements politiques, on va droit dans le mur», ajoute-t-il. La hausse du prix du pétrole est liée à des facteurs conjoncturels tels que la guerre en Irak et les troubles que connaissent de nombreux pays producteurs de pétrole. Le problème est que dans ces situations de troubles, les investissements en infrastructures ne se font pas, doù les réserves qui ne sont pas exploitées. Cette notion de «réserves» est aujourdhui flexible. Les pessimistes estiment que dans 30 ans on naura plus de pétrole. A ce sujet, J.-M. Chevalier estime que la notion de réserves est fluctuante : en 1973, lors du premier choc pétrolier, on les estimait à 30 ans ! Aujourdhui, on les estime à 47 ans de consommation. Mais entre-temps, de nouvelles zones à explorer seront découvertes et les améliorations technologiques permettront sans doute de reculer encore ces prévisions. J.-M. Chevalier estime que le nucléaire nest pas la solution idoine et quil ne peut remplacer les énergies fossiles. Il considère aussi que les énergies renouvelables sont très chères par rapport au pétrole qui, malgré tous les prélèvements effectués, aussi bien par les pays producteurs que consommateurs, reste bon marché. Dans les années à venir, lajustement se ferait certainement par les prix, mais cest au détriment des pays pauvres. Ceci risque de se traduire par une aggravation des tensions mondiales et la survenance dun environnement violent avec des batailles. Toutes ces incertitudes ne pourraient être atténuées sans la recherche dune efficacité énergétique, une diversification des énergies, un système énergétique décentralisé et un remodelage de nos habitudes de consommation. Comment diminuer la dépendance énergétique ? J. -M. Chevalier préconise la diminution de la consommation, et ce aussi bien dans les industries, le transport ou la consommation des ménages. Il pense aussi que la diminution de la consommation sera davantage dictée par des obligations de lutte contre la pollution que par une véritable pénurie. François Scheer, conseiller de la Présidente du directoire dAreva, partage le même avis que Chevalier. Selon lui, si lénergie est aujourdhui au cur des réflexions, cest à cause de deux données. La première a trait à une évolution démographique déterminante et la seconde est une population rurale en baisse, ce qui nest pas sans conséquences sur les besoins en électricité. Ceci laisse prédire que les besoins en énergie vont encore augmenter dans les prochaines années ainsi quun accroissement de la dépendance. Laquelle dépendance nest pas un problème en soi, mais devant accroître le déséquilibre entre offre et demande et, partant, les conflits entre pays consommateurs et producteurs.