«La vie est un voyage, avec un point de départ et un point d'arrivée». Ceci est la première réplique de mon prochain film. En effet, je suis réalisateur, je fais des films, avec toute la connotation et la dénotation que cela implique. Depuis tout petit, ce monde m'a impressionné. Depuis tout petit, j'ai eu un rêve. En effet, je suis réalisateur, je raconte des histoires, voici la mienne. Si je devais raconter mon histoire, je commencerai par sa fin, ou plutôt, le début de sa fin. Permettez-moi d'imposer mon style, je suis un fanatique du montage éclaté, je n'aime pas le linéaire. En effet, il y a trois ans de cela, sont apparus les nouveaux cahiers des charges pour la production audiovisuelle et les nouvelles procédures qui vont avec. Tout devait désormais faire l'objet d'appels d'offres. Vous me direz c'est normal, on parle des deniers publics, et donc, pour plus de franchise, de clarté et de transparence... C'est bien beau tout cela, mais ce que vous semblez ignorer, pour ne pas dire occulter, c'est qu'on parle aussi de création, de culture et de rêve. On ne peut donc appliquer ces procédures sans aucune adaptation, comme s'il s'agissait d'une entreprise de BTP. Le résultat est sans appel : des professionnels au désarroi, des boites de production qui font faillite et des fonctionnaires qui chôment. Ouille ! Je récidive. Oui, on chôme, car hors sujet, aucune case n'a été prévue pour ces professionnels liés par des contrats avec les chaînes publiques. Un coup, c'est un conflit d'intérêts, un autre, c'est un changement de procédures, et puis tous ces genres télévisuels désormais inaccessibles hors appels d'offres, auxquels les internes n'ont pas accès. La boucle est bouclée, mais qui est le premier ? L'oeuf ou la poule ? Ni l'un ni l'autre, ça doit être le rêve. En effet, je suis réalisateur, Je suis réalisateur à la SNRT depuis 2005, et depuis, je rêve, je réalise, je raconte des histoires. Durant ces années, j'ai eu la chance de rencontrer des hommes de rêve. Ça a commencé par Mr Magazine, il fut cru, imprévisible mais sincère. Il m'a même, parfois, privé d'exprimer mon point de vue, ce que j'ai accepté volontiers, il était vrai. Puis, j'ai rencontré Mr documentaire, mûr, partageur et généreux. Il m'a ouvert une nouvelle porte, celle de raconter des histoires vraies, mais selon ma vision. Vint le moment où je fis la connaissance d'une dame d'exception, joueuse, fidèle, vicieuse, pudique, extravagante, propre ou pas, là n'est pas la question, Mme fiction. En effet, je suis réalisateur, et un réalisateur c'est souvent un dictateur. M'est venu l'idée d'arranger une rencontre entre Mme fiction et Mr documentaire, ça a plutôt bien marché. Revenons à celle qui m'a charmé, séduit et dont je ne peux plus me passer : Mme fiction, éclater la narration, c'est mon vice. Je vous avais prévenu, elle m'a emporté dans son univers à raconter des histoires à tort et à travers jusqu'à atterrir dans la planète revolver «Lferdi» ma plus belle réussite jusqu'à aujourd'hui. Il fut un petit bout de choux ce qu'on appelle téléfilm ... pardonnez-moi, télé-métrage, pardonnez-moi, un long métrage, qui avec un petit peu de volonté et beaucoup d'amour, a sillonné la planète. Oui, il a été aimé, chouchouté, encadré et même primé. Mais ça, c'était avant, il y a de cela trois ans. Retour au point de départ ou plutôt d'arrivée, celle des appels d'offres : la crise cardiaque. Jusqu'à quand ? Ne voyez-vous pas l'urgence de tout un secteur, la détresse de tous ceux qui en vivent, ne comptez-vous pas le réanimer ? Notre domaine était tel un marié tiré à quatre épingles, propre, bien rasé, très excité par ce que l'avenir compte lui réserver. Le sort s'est acharné. Vos mesures ont échoué, car mal préparées. Trois années se sont écoulées et aucunes prémices de changement. Alors oui les journées d'étude, les commissions et les ‘tawsiyate'. On a tout notre temps et puis l'audiovisuel c'est quoi ? C'est juste un divertissement, un luxe dont on peut se passer. Ce n'est pas si important pour la bonne santé culturelle du pays. Ce n'est pas comme si on parlait du quatrième pouvoir ou du septième, huitième voire du neuvième art. Comment osez-vous, sous prétexte de l'égalité des chances, avorter toutes les chances de rêver, d'exister, de créer et donc de réaliser ? En effet, je suis réalisateur et je continuerai de rêver, de raconter des histoires, la mienne, la vôtre ou la leur. En tout cas j'y crois, ceci est mon rêve. La vie est un voyage, avec un point de départ et un point d'arrivée. J'ai connu mon point de départ, je connais mon point d'arrivée. Personne ne m'empêchera de l'atteindre. En effet, je suis réalisateur, et la politique n'est pas mon fort, que ce soit de l'autruche, ou du porc. Alors punissez moi ! S'il vous en vient l'envie. Détestez moi ! Si cela vous fait du bien, ou vous permet de vous rapprocher les uns des autres. Mais ce que je pense, je le clame haut et fort. En effet, je suis réalisateur, dans le collimateur de qui au juste ? Par Raouf SEBBAHI