Bank Al-Maghrib prépare le terrain à une nouvelle organisation du marché des paiements électroniques en l'ouvrant à de nouveaux opérateurs. L'objectif avoué est d'assurer l'essor des moyens de paiements virtuels et de les généraliser pour les utilisateurs qui bénéficieront d'une offre de services à plus forte valeur ajoutée. Les retombées économiques et financières attendues sont nombreuses. Le Maroc s'apprête-t-il à vivre sa révolution dans le domaine du paiement électronique ? C'est en tout cas le souhait de Bank Al-Maghrib (BAM) qui a fait de la refonte du paysage des systèmes de paiement l'une de ses priorités. Dans cette optique, la Banque centrale a présenté à la presse son nouveau modèle de régulation des systèmes de paiement qui doit permettre l'entrée en lice de nouveaux opérateurs sur ce marché. L'objectif est d'aboutir à une organisation du marché qui consacre la séparation nette entre l'activité d'acquisition (qui relève du domaine concurrentiel et commercial) et celle de switching (demande d'autorisation et compensation) qui, généralement, est une activité à but non lucratif. Il s'agit aussi de multiplier les opérateurs dans ces deux activités à l'image de ce qui se fait dans la plupart des pays, et aussi à l'image de ce qui a été réalisé avec la réussite que l'on connait, dans le domaine des télécoms. L'objectif in fine de ce nouveau modèle est d'instaurer davantage de concurrence et de compétitivité en termes de coûts au bénéfice du client et d'élargir la gamme des produits à des solutions innovantes adaptées aux besoins évolutifs des utilisateurs. Alors que le Maroc ne compte jusqu'à présent qu'un seul opérateur, que ce soit dans l'acquisition ou le switching, l'arrivée de nouveaux entrants serait à même de redonner un second souffle au marché du paiement électronique qui en a bien besoin. De nouveaux acquéreurs ont d'ailleurs déjà été agréés par Bank Al-Maghrib comme ce fut le cas pour M2M et Al Barid Bank. En ce qui concerne l'activité de switching, 2 appels d'offres ont déjà été reçus et ont été soumis à une commission d'évaluation qui se penche sur les moyens humains et financiers mis en place, les infrastructures, la conformité, etc... Des gains substantiels pour l'économie Le diagnostic établi par la Banque centrale montre que le marché domestique des paiements peine à décoller. Le taux de pénétration par habitant ne dépasse pas 28% et le nombre de paiements moyen effectué par carte est de 2,4, ce qui de l'aveu même de Mounir Razki, directeur des opérations monétaires à BAM, est «très insuffisant». Il ajoute que la pratique du paiement par carte et du TPE est loin d'être ancrée dans les habitudes de consommation des Marocains. Il soulève également le problème de l'équipement en TPE, notamment de la part des commerçants. Aujourd'hui, il est encore impossible de payer par carte dans les petits commerces, les boulangeries, les bus, les taxis, etc... Sur les quelque 800.000 commerçants identifiés comme structurés, on ne compte que 29.000 TPE, dont seulement 50% sont activés. En outre, 70% de ces TPE se concentrent sur l'axe central Casablanca-Rabat-Marrakech-Tanger-Fès. Le potentiel de croissance du paiement électronique est donc loin d'avoir été exploité, et pour BAM il est temps de passer à la vitesse supérieure. D'autant que les retombées économiques de cette ouverture du marché sont palpables. Il s'agit de l'un des principaux arguments de la Banque centrale pour convaincre l'ensemble des opérateurs des bienfaits de cette orientation : les moyens de paiement électroniques sont un levier de croissance redoutable qu'on aurait tort de négliger. En effet, un benchmark réalisé par BAM montre que l'utilisation généralisée de moyens de paiement électroniques permet de gagner jusqu'à 1 point de PNB ! Sans compter les gains et les économies réalisés grâce à la réduction des coûts de gestion des moyens de paiement de masse pour les banques. Car la gestion de la fiduciaire coûte cher : ressources humaines mobilisées, délai de mobilisation, assurance, sécurité etc... On estime à ce titre que le coût de la monnaie fiduciaire représente près de 15% du coût total des opérations. L'autre argument de poids avancé par BAM est la réduction des risques en termes de sécurité. Voilà qui ne devrait pas laisser indifférentes les banques marocaines. La réglementation s'adapte Qui dit nouveau marché et nouveaux protagonistes, dit nouvelle réglementation. Pour BAM, il s'agit d'adapter les règles du jeu pour assurer de façon pérenne l'essor du paiement électronique. Cela passe tout d'abord par la refonte des statuts de Bank Al-Maghrib. Une refonte qui est en cours puisqu'elle a déjà été entamée depuis 3 ans. Parmi les axes forts qui figurent dans ces statuts, on retrouve le renforcement de la résilience des infrastructures de paiement, l'introduction de l'obligation d'agrément, et le renforcement de BAM en matière de surveillance et de contrôle des systèmes et moyens de paiement. Dans cette volonté d'adaptation du cadre normatif des systèmes de paiement, la Banque centrale s'inspire largement des bonnes pratiques internationales. Ainsi, pour le cadre normatif des infrastructures de paiement, BAM compte se conformer au nouveau corps de normes de référence pour les infrastructures des marchés financiers (IMF) édictés par les comités CSPR/OICV en avril 2012. Ce comité, qui est une émanation de la Banque des règlements internationaux, est aux IMF ce que le comité de Bâle est aux établissements de crédit : il édicte des règles liées aux IMF pour assurer leur résilience contre le risque systémique. En calquant sa réglementation sur ses recommandations, BAM envoie un signal fort aux opérateurs, notamment internationaux sur la crédibilité du système. Car l'essor du paiement électronique n'est en fin de compte qu'une question de confiance. Les exigences de BAM BAM édicte 15 exigences minimales à l'attention des opérateurs qui souhaitent intégrer le marché du Switch. Ces 15 « commandements » devront être respectés par les personnes morales habilitées à créer et exploiter une plateforme de routage des autorisations et des flux de compensation. Parmi les exigences-phares, et qui s'appliquent aussi aux anciens opérateurs, citons l'interconnexion qui implique que l'opérateur doit assurer l'interconnexion de l'ensemble des banques entre elles. Citons aussi l'interopérabilité de la solution proposée, les exigences de sécurité, de confidentialité des données, de constitution de garanties, et même de la mise en place d'un plan de continuité d'activité.