Les finances de l'Etat ne se trouvent pas dans une bonne posture, comme en témoignent la baisse du taux d'accroissement des recettes fiscales, les dépenses publiques qui ne cessent de progresser, sans compter le niveau d'endettement qui prend des proportions au point de s'attirer les foudres de la Cour des comptes. A l'évidence, ces vulnérabilités ne peuvent laisser insensible le Trésorier général du Royaume, Noureddine Bensouda, qui porte un regard sans concession sur l'état des finances publiques. C'est un Noureddine Bensouda rompant avec tous les stéréotypes concernant les technocrates ou les grands commis de l'Etat tenant souvent un discours policé, qui s'est récemment présenté à la tribune de la Chambre française de commerce et d'industrie (CFCIM) qui organisait une rencontre portant sur le management dynamique des finances publiques. Le Trésorier général du Royaume (TGR) a porté un regard critique, peut-être objectif, diront certains, sur la cadence des réformes concernant les finances de l'Etat. Devant un parterre composé en grande partie d'opérateurs et d'investisseurs français, Bensouda a fermement prôné la stabilité fiscale pour donner plus de visibilité aux acteurs du secteur privé. Celui-ci ne s'est pas exonéré de souligner la dégradation des finances publiques, confortée par la chute du taux d'accroissement des recettes, conjuguée au fait que le taux de couverture des dépenses ordinaires par les recettes ordinaires a été de 87,8% à avril 2014, ce qui fait qu'une partie des dépenses ordinaires et l'essentiel des dépenses d'investissement continuent d'être financés par l'endettement. Ce qui n'est pas de nature à rassurer la Cour des comptes qui a récemment tiré la sonnette d'alarme sur le niveau d'endettement du pays qui a atteint 62,1% du PIB, hormis la dette des établissements et entreprises publiques (EEP). A en croire le TGR, la refonte fiscale qui tarde de voir le jour au Maroc a des composantes essentielles que sont la réforme de la comptabilité publique et celle du budget de l'Etat. L'articulation de la réforme fiscale En véritable pédagogue, Noureddine Bensouda s'est employé à la Chambre française de commerce et d'industrie à donner sa vison de la vocation des finances publiques, celle de procurer les ressources nécessaires à l'Etat pour mener à bien ses politiques publiques, tout en évitant d'hypothéquer l'avenir des générations futures par l'endettement. Le patron de la TGR estime qu'un management dynamique des finances de l'Etat devrait désormais avoir comme trame principale un nouveau paradigme collaboratif. En d'autres termes, la réforme fiscale doit se faire dans un esprit collégial avec tous les acteurs (Etat, Collectivités locales, entreprises) pour garantir son succès. Du reste, la principale tare qui plombe le système fiscal actuel est son ambivalence entre l'universalité et les multiples mesures dérogatoires. A ce titre, Bensouda juge que la réforme fiscale aura pour principale tâche de résorber cette dichotomie, en ciblant les secteurs dont l'exonération est réellement opportune pour le développement du pays. La réforme de la comptabilité publique devrait aussi être érigée en priorité dans le sillage de la réforme fiscale. Et pour cause, elle permettra de mieux mesurer les coûts des politiques publiques, la reddition des comptes, tout en renseignant sur le patrimoine exhaustif de l'Etat. Cette réforme comptable permettra l'introduction de la certification des comptes de l'Etat par la Cour des comptes, ce qui est un atout de taille auprès des investisseurs internationaux et des agences de notation. Lors de la rencontre, la question de l'alourdissement de la charge fiscale sur les entreprises a été évoquée, ce qui a permis au TGR de confesser que la création de l'impôt sur le ciment ou la contribution à la solidarité, étaient de nature à entraver l'activité des entreprises. Pour assurer la stabilité fiscale, gage de sérénité pour les entrepreneurs privés, Bensouda a évoqué la pertinence d'instaurer la règle d'or fiscale qui consiste à ne pas changer plus d'une fois pendant 5 ans un dispositif fiscal. Celui-ci a aussi livré quelques dispositifs qui figureront dans les prochaines réformes fiscales et budgétaires. Ainsi, les crédits au personnel seront limitatifs et non évaluatifs, les reports de crédits seront aussi limités. Ce qui est d'autant plus justifié si l'on sait que certains départements ministériels disposent de crédits dont ils ne font pas usage, pénalisant ainsi d'autres entités dont le manque de crédits budgétaires est criard. Ce qui entraîne aussi la fourniture de services publics en moins pour le citoyen. Tendre vers une meilleure gouvernance des finances publiques implique aussi de changer de logique de raisonnement, car pour le TGR, certains pensent que l'importance d'une administration se mesure à l'aune de l'importance de son budget. Or, celui-ci estime qu'il faudrait plutôt s'interroger sur le rendement des services fournis aux usagers ainsi que leur qualité. Enfin, le Trésorier général du Royaume juge que la masse salariale pèse lourdement sur le budget de l'Etat non pas à cause d'un effectif pléthorique, mais en raison de l'existence de doublons de poste au sein de l'administration et des collectivités locales. En définitive, la réforme des finances publiques doit incontestablement s'inscrire dans une vision globale pour en récolter les fruits escomptés.