Les Echos quotidien: Le 4e colloque international sur la gouvernance des finances publiques, organisé sous la houlette de la TGR, a tenu ses travaux le weekend dernier. Quelle est la portée de cet événement ? Noureddine Bensouda: C'est un évènement important surtout dans le paysage actuel. Cette 4e édition porte, en effet, sur la gouvernance des finances publiques en France et au Maroc et ses perspectives. L'objet est de s'imprégner de l'expérience de la France dans ce domaine et de recueillir les avis de nos experts et de nos décideurs politiques sur le sujet. Quatre points essentiels sont traités. Le premier est celui des réformes en cours: réforme budgétaire, comptabilité publique et gestion intégrée de la dépense. Le deuxième sujet concerne la soutenabilité des finances publiques autant du point de vue des dépenses que des recettes. Vient ensuite la question de la réforme des contrôles financiers publics où l'on traite des différents contrôles. Enfin, nous avons dédié un atelier aux finances locales et régionales. La Fondation internationale des finances publiques (Fondafip) est la cheville ouvrière avec le Maroc et notamment la TGR pour l'organisation de ce colloque au nom du ministère de l'Economie et des finances avec la participation active de la DGI. Améliorer la performance de la dépense publique paraît être l'un des objectifs majeurs de la réforme des finances publiques. Quels leviers faudait-il mettre à contribution pour parvenir à cela ? La performance est à considérer d'un point de vue qualitatif. Il s'agit, pour faire simple, de rendre la prestation et d'assurer le service public, au meilleur prix. Car ce n'est pas en cherchant la prestation au meilleur coût qu'on aura réalisé l'objectif. Sur un autre volet, il s'agit d'intégrer une autre vision du droit consistant en un assouplissement du cadre réglementaire. On part du principe qu'un cadre légal ne peut prévoir toutes les situations à l'avance. Le challenge consiste, donc, à s'adapter au fur et à mesure aux situations qui se posent et à rectifier le tir chemin faisant. La dépense publique de l'administration a entièrement été dématérialisée depuis janvier dernier par la généralisation du système de gestion intégrée de la dépense (GID). À présent, un des axes de développement de ce système porte sur son ouverture à la Cour des comptes et à l'Inspection générale des finances (IGF). Comment cela devrait-il se faire ? C'est effectivement l'un des axes déclinés par le chantier de la réforme des finances publiques. En fait, il s'agit de la suite logique de l'ensemble d'un processus. Au départ, il y a la programmation de la loi de finances qui est opérée par le budget et qui est soumise au Parlement lequel se prononce sur l'octroi des budgets nécessaires et l'autorisation des dépenses. Vient par la suite la phase de mise en œuvre qui implique l'ordonnateur. Intervient ensuite la phase de contrôle qui est opérée par la TGR à deux niveaux: en termes de régularité, et en termes de validité. Au bout de la chaîne, il faut rendre compte par la reddition des comptes. Cela se fait auprès du Parlement qui s'assure que les autorisations qu'il a données ont été respectées et c'est d'ailleurs pour cela qu'une loi de règlement est votée par le Parlement. Parallèlement, il faut également rendre compte à la Cour des comptes et à l'IGF, deux organes qui exécutent, pour la première, le contrôle administratif et, pour la seconde, le contrôle par les juges. Un des objectifs assignés au système GID est de «dégager des ressources qui seraient utilisées plus avantageusement». Comment cela se fera-t-il concrètement ? En plus d'être un accélérateur de la dépense, le système GID consiste en une modernisation qui permet d'évaluer le taux d'exécution des différents budgets. L'idéal quand il y a autorisation d'un budget c'est que celui-ci soit exécuté de manière à tendre vers une réalisation à 100%. Le but est de réduire, au maximum, les reports de crédits car ceux-ci dénotent des ressources qui ne sont pas utilisées à bon escient. Un ministère plus dépensier aurait pu, en effet, utiliser ces ressources pour créer de l'emploi ou pour assurer des prestations sociales. Le chantier de mise en place de la comptabilité de l'Etat devait livrer son bilan d'ouverture le premier trimestre de l'année en cours. Où en est-on actuellement ? Le chantier est bien avancé. Les premiers résultats de nos travaux nous permettront d'avoir une base de travail préliminaire que nous pourrons améliorer par la suite. Je rappelle que la portée du chantier est de se conformer à un principe fondamental qui est la reddition de compte et l'on entend par là rendre compte aussi bien aux instances législatives qu'aux instances juridictionnelles et surtout à l'opinion publique. Un projet de mise en place d'une liste noire d'entreprises exclues des marchés publics a été évoqué en début d'année par votre prédécesseur. Ce chantier est-il toujours d'actualité ? Il ne s'agira pas forcément d'une liste noire. Je préfère parler de systèmes d'évaluation. La démarche consiste à détenir une cartographie des fournisseurs pour déterminer ceux qui s'inscrivent en conformité avec la législation et qui respectent les délais et la prestation. C'est plutôt dans ce sens qu'ira notre démarche et ce projet est en cours. Quels sont les autres champs de réformes que vous identifiez comme prioritaires ? Pour l'instant, j'apprends le métier. Mon action s'inscrira dans la lignée du travail de modernisation mené jusqu'à présent. Au lendemain de votre nomination à la tête de la Trésorerie générale du Royaume (TGR), l'idée de la création d'une «Direction des finances publiques», qui regrouperait la TGR et la Direction générale des impôts, est revenue de manière insistante. Est-ce que ce projet est, aujourd'hui, écarté ? Cette question n'est pas de mon ressort. L'organisation adoptée pour l'heure, au Maroc, s'appuie d'une part sur une Direction générale des impôts en charge de poursuivre l'amélioration de la gestion de l'impôt. Et d'autre part, il y a la TGR en charge de gérer la comptabilité publique. Cela recouvre plusieurs attributions. D'abord le paiement des salaires de tous les fonctionnaires, mais aussi le paiement des pensionnés pour le compte de la Caisse marocaine des retraites. La TGR entretient également des relations privilégiées avec la Caisse de dépôt et de gestion. De plus, nous exécutons les décisions de la Direction du Trésor s'agissant d'emprunt autant intérieur qu'extérieur. Parallèlement, nous gérons tous les aspects relatifs à la fiscalité locale en matière de recouvrement, autrement dit tout ce qui est ordonnancé par les collectivités locales. Une autre attribution de la TGR porte sur le volet marché public, aussi nous intervenons dans toutes les commandes publiques de l'Etat et des collectivités locales. À côté de tous ces champs d'intervention une attribution fondamentale de la TGR consiste en la mobilisation de l'information financière. C'est en effet sur la base de l'information centralisée par la TGR que le gouvernement peut avoir une idée sur l'exécution des Lois de Finances à la fin de chaque mois. Et c'est à partir de cette situation des finances publiques que nous établissons aussi bien la loi de règlement à la fin de l'année courante que les prévisions de la Loi de Finances pour les années futures.