«C'est une décision politique et je l'assume», dixit Abdelilah Benkirane, Chef du gouvernement marocain. Il n'a pas versé dans l'anaphore pour confirmer la hausse du salaire minimum interprofessionnel garanti, comme l'a fait dernièrement le Premier ministre, Manuel Valls, devant le Parlement français. Mais le «J'assume» de Benkirane en dit néanmoins long sur le malaise que suscite cette décision, surtout vis-à-vis du patronat. Et le moins que l'on puisse dire est que la hausse du SMIG de 10%, en deux temps (juillet 2014 puis juillet 2015), met le gouvernement dans une position inconfortable, en ce sens qu'elle légitime plusieurs interrogations. A l'heure actuelle, cette mesure est-elle appropriée ? La Confédération générale des entreprises du Maroc n'avait-elle pas son mot à dire ? La nouvelle stratégie d'accélération industrielle 2014-2020 mise en place par le gouvernement et visant à créer 500.000 nouveaux emplois en 7 ans sera-t-elle compromise ? Quelles seront, in fine, les conséquences de cette décision sur l'économie marocaine ? Débattre de l'augmentation du SMIG, en ces temps où, rigueur budgétaire oblige, le gouvernement tend à grignoter le pouvoir d'achat des citoyens par le truchement de mesures aussi discutables les unes que les autres (décompensation, multiplication des taxes sur l'automobile, hausse de la taxe intérieure de consommation de certains produits, participation au Fonds de cohésion sociale), pourrait paraître à la limite indécent. Mais encore faut-il reconnaître qu'outre les implications sociales de cette mesure destinée à donner un peu d'air frais aux «smigards», il y a des enjeux économiques on ne peut plus importants. Et le patronat n'a pas fait d'économie dans les mots pour le démontrer, relevant d'emblée qu'une telle hausse, appliquée sans contreparties, viendra éroder davantage la compétitivité de l'industrie marocaine et ne manquera pas d'avoir un impact sur l'emploi industriel. Si on ajoute à cela l'indemnité pour perte d'emplois, l'écotaxe et l'extension de l'AMO aux soins dentaires qui sont autant d'éléments qui viennent alourdir les charges auxquelles font face les entreprises marocaines, les craintes du patronat de les voir perdre davantage en compétitivité paraissent largement justifiées. Déjà qu'en la matière elles ne sont guère bien lôties... Mais bon, y a-t-il de quoi lancer des cris d'orfraie ? Car, après tout, Benkirane est clair dans son propos : il «assume» cette hausse. Et bien évidemment ses conséquences. Dès lors, il semble peu probable qu'il réponde à l'appel du pied lancé par la CGEM pour l'organisation d'un sommet social ?