Si la fixité du taux de change a, à ce jour, permis d'atténuer l'impact des fluctuations des monnaies étrangères, elle constitue en revanche un frein à la productivité dans un monde globalisé. Sous l'effet des exhortations du FMI, BAM préconise aujourd'hui le transfert vers un régime de change plus flexible dans la perspective d'une évolution vers un régime de ciblage d'inflation. Qui ne risque rien n'a rien ! Et le Maroc a fait dès le début le choix de ne rien tenter en matière de taux de change, optant, à partir de 1973, pour un régime de change dit intermédiaire à parité fixe, avec un rattachement du dirham à un panier de devises choisi en fonction de la structure des échanges que le pays accomplit avec ses principaux partenaires étrangers. Ce choix a été dicté par le souci d'atténuer l'impact des fluctuations des monnaies étrangères, particulièrement européenne et américaine. «Depuis le temps, le Maroc a fait le choix d'ouvrir son économie dans un monde globalisé, d'abord à travers l'accord d'association avec l'Europe qui a mené à une plus forte pondération des devises européennes», explique un économiste travaillant sur ce dossier. Ce renforcement sera consacré à l'occasion de l'adoption de l'Euro par l'Union européenne pour aboutir, en 2001, à l'adoption d'un panier constitué exclusivement de l'Euro et du Dollar américain, dans une proportion respectivement de quatre pour un, souligne pour sa part, le Centre marocain de conjoncture. La mise en place d'un tel mécanisme, avec les différents correctifs sus-indiqués, est censée offrir au Maroc les règles de pilotage économique nécessaires à la mise en œuvre de politiques monétaire et budgétaire cohérentes. Néanmoins, ce n'est pas sans contraindre les choix macroéconomiques du pays et la compétitivité de ses échanges et de son économie. Dans une étude «Parité du dirham : évolution et impact sur la compétitivité de l'économie marocaine» publiée en juillet 2011 par le Conseil national du commerce extérieur, l'analyse comparée du taux de change effectif réel marocain, par rapport à un échantillon de pays représentant à la fois les principaux partenaires commerciaux du Maroc ainsi qu'un ensemble de pays concurrents, confirme que la tendance à l'appréciation du dirham génère des désavantages assez importants de compétitivité de change pour les entreprises marocaines. «La rigidité du régime de change a ceci de spécial qu'elle a permis d'accompagner l'ouverture du Maroc dans ses multiples accords de libre-échange d'une part, et d'autre part, de le préserver des chocs et de l'instabilité qui prévalent sur les marchés extérieurs», soutien notre économiste qui n'occulte pas les effets négatifs de la surévaluation sur les principaux agrégats macroéconomiques : déficit budgétaire, balance des paiements, inflation et taux d'intérêt. Et par ricochet, elle affecte indirectement la croissance économique par ses incidences sur les exportations, l'emploi, les finances publiques et la balance des paiements... Mais aussi sur les recettes fiscales au titre des activités du commerce extérieur et sur la valeur des flux de la dette extérieure. Qu'attendre de plus ? De l'avis des administrateurs du FMI, le Maroc est, actuellement, dans de bonnes dispositions pour réussir son rééquilibrage budgétaire et défendre la viabilité extérieure de ses exportations pour s'engager dans des perspectives favorables de croissance. Cet organisme, à défaut de dicter, suggère un assouplissement du taux de change pour renforcer la compétitivité dans une concordance avec les politiques macroéconomiques, note le CMC. Sous l'effet des exhortations du FMI, Bank Al-Maghrib préconise aujourd'hui le transfert vers un régime de change plus flexible dans la perspective d'une évolution vers un régime de ciblage d'inflation, ce qui implique pour l'autorité monétaire de contrôler directement l'évolution des prix locaux. Pour les conjoncturistes, ladite orientation se présente, de ce fait, comme une stratégie de stabilité interne et comme une alternative du ciblage monétaire qui consiste à déterminer un taux d'accroissement monétaire de référence susceptible d'assurer la stabilité des prix, avec pour objectif ultime de protéger le niveau de vie des ménages. Cela nécessite, en guise de préalable, une énergique capacité à maintenir la soutenabilité budgétaire à moyen terme, doublée de l'opportunité de disposer d'un système financier tout aussi dynamique que résilient. L'ensemble étant conditionné par les prédispositions des acteurs économiques impliqués à soutenir le nouveau régime et à en maîtriser les fondements. Quid du risque ? La migration vers un régime de change flexible peut être attrayante, surtout dans l'optique où les fluctuations du taux de change pourraient servir de dopage des exportations. Mais la flexibilité peut aussi être source d'incertitude et renforce, de ce fait, pour les opérateurs, l'aléa qui prédétermine le risque. Pour le CMC, l'attrait de l'assouplissement du régime de change réapparait dans un contexte où les échanges extérieurs du Maroc continuent à afficher un inusable déficit commercial qui a atteint 196,4 milliards de DH en 2013 contre 169 milliards de DH en 2012. Le taux de couverture des importations par les exportations a atteint 48,2% contre 47,7% en 2012. Faut-il pour autant pointer du doigt uniquement la rigidité du taux de change et estimer qu'un plus grand flottement du dirham peut, à lui seul, combler les déficits macroéconomiques ? Pour les conjoncturistes, la tentation est grande d'essayer d'emprunter le modèle égyptien qui repose sur un régime de change flottan, ou le modèle tunisien qui s'appuie sur un régime de change mixte. Ce faisant, et contrairement à la situation vécue par le Maroc, ces deux pays ont bénéficié, par le biais de dépréciations de leurs monnaies respectives, surtout au cours de la phase antérieure au printemps arabe, d'avantages comparatifs certains. En contrepartie, le Maroc, par son ancrage au panier «Euro-Dollar», a gagné en stabilité macroéconomique qui lui a permis de favoriser l'investissement et confiner l'inflation dans des limites réduites. Cela dit, les impératifs induits par les différents accords de libre-échange et les impulsions de la mondialisation obligent le Maroc à s'inscrire, à court ou à moyen terme et d'une manière évolutive, dans un régime de change plus flexible. Telle est la conclusion du CMC à laquelle adhèrent de nombreux spécialistes, tout en appelant à juguler tous les aléas d'une telle décision. Pages réalisées par S. Es-siari & I. Bouhrara