Pour célébrer la femme, la galerie Living 4 ART prête ses cimaises à l'artiste-peintre Mohamed Essoulimani, du 5 mars au 4 avril. Par R. K. Houdaïfa
De Delacroix à Regnault et à Mantel, une constellation d'artistes, happés par le Maroc, se sont évertués à en restituer les splendeurs. Mais leur regard envouté est souvent biaisé… S'ils ont fait escale en «Orient», c'était dans l'esthétique dessein d'abreuver leur art en rade à des sources susceptibles de le régénérer. Reste à savoir si leur représentation est aussi réaliste, aussi fidèle, aussi soucieuse de vérité qu'ils le prétendent. Soit. Pour certains, les nonchalantes odalisques de Delacroix ou de Matisse (La Mauresque, Odalisque au fauteuil turc), figées dans des positions lascives, sont des créatures irréelles personnifiant les obscurs désirs de leurs créateurs. On peut en dire autant de ces femmes entassées dans un bain ou cantonnées dans un gynécée qui engluent les toiles orientalistes. Le projet consisterait à faire croire à une représentation «réaliste», à la vérité de la mise en scène de l'Oriental farouche ou de la musulmane soumise. D'où cet «Orient» de bric et de broc où le décor n'apparaît étranger aux yeux de l'Occidental que pour mieux cacher ses propres désirs incarnés. Quels sont, donc, ces désirs ? Voir les femmes réduites à l'état d'odalisques, passant leur temps recluses dans un harem, ou à se faire belle pour séduire. «La femme orientale est une machine et rien de plus, elle ne fait aucune différence entre un homme et un autre homme. Fumer, aller au bain, se peindre les paupières et boire du café, tel est le cercle d'occupations où tourne son existence», écrivait Gustave Flaubert à Louise Colet. C'est cette image, immensément réductrice, incroyablement irréaliste, qui hante la peinture orientaliste. Fantasme, quand tu nous tiens ! Une ode aux femmes Dans l'histoire de l'art, la femme fut comme modèle de la représentation artistique, sinon plus célébrée comme muses ou sources d'inspiration. De fait, «la femme peut être idéalisée, incarnant la beauté, la sagesse, la mère, l'idéal de pureté, la maternité, l'amour absolu, la musicienne... Au-delà des portraits que l'on retrouve à travers l'histoire, on peut dire que, globalement, la femme est essentiellement inscrite depuis des siècles en peinture dans un contexte sacré pour qu'elle se libère par les artistes à travers des portraits attestant l'évolution de son image dans l'art pictural», lit-on dans la fiche de présentation du solo-show de Mohamed Essoulimani, intitulée «Femme enchantée». Cette exposition se veut une reconnaissance «pour ses réalisations (la femme, ndlr), sans égard aux divisions, qu'elles soient nationales, ethniques, linguistiques, culturelles, économiques ou politiques. C'est une occasion de faire le point sur les luttes et les réalisations passées et, surtout, de préparer l'avenir et les opportunités qui attendent les futures générations de femmes». Né en 1974 à Casablanca, Mohamed Essoulimani donnera à voir des portraits de femmes – artistes; car luthiste, violoniste et pianiste – «souvent empreints de gravité». Belles, parfaites et, en même temps, si inaccessibles. Ne me touche pas, semblentelles dire. Et l'on se demande si ce n'est des hurlements de douleur ou vociférations de colère ? Il y a sans doute un peu des deux dans leurs cris silencieux.