"Les femmes du Maroc", une oeuvre critique des Orientalistes de l'artiste marocaine Lalla Essaydi, est actuellement exposée au Zimmerli Art Museum (New Brunswik-New Jersey). Par Bouchra Benyoussef New York-30/02/10 -"Les femmes du Maroc", une oeuvre critique des Orientalistes de l'artiste marocaine Lalla Essaydi, est actuellement exposée au Zimmerli Art Museum (New Brunswik-New Jersey). Cette critique artistique des peintures du début du 19-ème jette un regard démystificateur sur la femme arabo-musulmane, rompant avec la vision imaginaire de ces artistes à la recherche de l'Orient mythique. Ce conte photographique écrit en calligraphie arabe, représente des femmes dans la vie quotidienne du milieu du 19ème-début du 20ème, à la manière des Orientalistes dont les peintures abordent des thèmes assez variés, reflétant une vision occidentale de l'Orient. Mais la ressemblance s'arrête là. L'+objectif+ de la photographe-peintre, Lalla Essaydi, vise à "corriger" cette image "simpliste" de la femme arabo-musulmane de l'époque, longtemps véhiculée en Occident, dit-elle aux journalistes venus découvrir en avant-première cette exposition ouverte ce samedi et qui restera accrochée aux cimaises du Zimmerli Art Museum jusqu'au 6 juin prochain. C'est à partir de ces peintures, notamment "Les femmes d'Alger" de Delacroix que l'idée à germé dans mon esprit et que la série "Les Femmes du Maroc" est née, explique l'artiste. De fait, le visiteur ne pourra s'empêcher d'établir un comparatif entre les 17 tableaux grands formats et leurs originaux miniatures. D'un côté, le regard noir est très présent dans ces corps voilés d'écritures, présentés en gros plan et parfois exagérément agrandies pour "mieux montrer la vision erronée des Orientalistes", insiste-t-elle.
+Calligraphie au féminin+ Lalla Essaydi propose une lecture différente de la femme orientale. "Je suis révoltée par cette lecture, ce regard de l'Occident sur l'Orient tendant à confiner la femme à une dimension d'objet", dit-elle. C'est pourquoi elle veut lever le voile sur l'aspect "fétichiste et stéréotypé" de la peinture orientaliste, à travers une approche par l'absurde. Pour se faire, elle s'attèle à une adaptation des œuvres orientalistes, car chaque "toile-photographie" est accompagnée de son original. Ici, "Les femmes d'Alger" de Eugene Delacroix, là, la "Grande Odalisque" de Jean Auguste Dominique Ingres, ou encore, plus loin, "Le marché aux esclaves " de Jean Léon Gérôme. Au contraire de ces peintures, où dominent les tons chauds, privilégiant des teintes rouges, jaunes ou brunes, Lalla Essaydi optera pour des couleurs basiques. Le naturel du Henné, le blanc de la gaz dans laquelle elle drapera ses modèles, toutes des femmes. L'élément masculin est définitivement absent. Cette juxtaposition du style et des matériaux, qu'elle immortalise derrière son objectif, tranche avec les originaux et crée un réel contraste voulu par l'artiste. Toutes les surfaces visibles, toile de fond, sol, draperie, peau, sont peints en calligraphie arabe. Traditionnellement, une forme d'art masculin, la calligraphie est ici, associée, par lalla Essaydi, au henné, pour enjoliver les tableaux mais également pour écrire à l'aide d'une +seringue+ son histoire, le déroulé de sa vie. D'abord à Marrakech, à l'abri d'une famille conservatrice, puis dans d'autres pays, notamment en Arabie Saoudite, en France et aux Etats-Unis. Cette écriture, illisible, au premier regard, est agencée telle une fresque, d'où jaillit de temps à autre, une lettre, un mot, puis deux - "Al Maarifa " (connaissance), "Al Ouloum" (Sciences)... tel un journal intime entrouvert. C'est le "journal de ma vie", lance-t-elle. "Tous ces écrits que vous voyez, représentent ma vie, mon quotidien. J'ai toujours rêvé d'écrire", confie-t-elle. "C'est une manière très originale d'aborder l'art", souligne Suzanne Delehanty, directrice du Zimmerli Museum, faisant part de sa fierté d'abriter cette "exposition majeure" qui "sonde les perspectives de cette artiste respectée". Cette new-yorkaise, née à Marrakech, est diplômée dans les Beaux arts et en photographie (Boston et Paris) et de la Tufts University de Medford (Massachusetts). Elle a déjà exposé à Marrakech, Koweit-city, Paris, Londres, Amsterdam et New York.