«Les femmes du Maroc», une œuvre critique des Orientalistes de l'artiste marocaine Lalla Essaydi, est actuellement exposée au Zimmerli Art Museum (New Brunswick-New Jersey). Cette critique artistique des peintures du début du 19e siècle, jette un regard démystificateur sur la femme arabo-musulmane, rompant avec la vision imaginaire de ces artistes à la recherche de l'Orient mythique. Ce conte photographique écrit en calligraphie arabe, représente des femmes dans la vie quotidienne du milieu du 19e, début du 20e, à la manière des Orientalistes, dont les peintures abordent des thèmes assez variés, reflétant une vision occidentale de l'Orient. Mais la ressemblance s'arrête là. L'objectif de la photographe-peintre, Lalla Essaydi, vise à corriger cette image simpliste de la femme arabo-musulmane de l'époque, longtemps véhiculée en Occident, dit-elle aux journalistes venus découvrir en avant-première cette exposition ouverte ce samedi et qui restera accrochée aux cimaises du Zimmerli Art Museum jusqu'au 6 juin prochain. C'est à partir de ces peintures, notamment «Les femmes d'Alger» de Delacroix que l'idée à germé dans mon esprit et que la série «Les Femmes du Maroc» est née, explique l'artiste. De fait, le visiteur ne pourra s'empêcher d'établir un comparatif entre les 17 tableaux grands formats et leurs originaux miniatures. D'un côté, le regard noir est très présent dans ces corps voilés d'écritures, présentés en gros plan et parfois exagérément agrandis pour «mieux montrer la vision erronée des Orientalistes», insiste-t-elle. Calligraphie au féminin Lalla Essaydi propose une lecture différente de la femme orientale. «Je suis révoltée par cette lecture, ce regard de l'Occident sur l'Orient tendant à confiner la femme à une dimension d'objet», dit-elle. C'est pourquoi elle veut lever le voile sur l'aspect «fétichiste et stéréotypé» de la peinture orientaliste, à travers une approche par l'absurde. Pour ce faire, elle s'attelle à une adaptation des œuvres orientalistes, car chaque «toile-photographie» est accompagnée de son original. Ici, «Les femmes d'Alger» d'Eugène Delacroix, là, la «Grande Odalisque» de Jean Auguste Dominique Ingres, ou encore, plus loin, «Le marché aux esclaves» de Jean Léon Gérôme. Au contraire de ces peintures, où dominent les tons chauds, privilégiant des teintes rouges, jaunes ou brunes, Lalla Essaydi optera pour des couleurs basiques. Le naturel du henné, le blanc de la gaze dans laquelle elle drapera ses modèles, toutes des femmes. L'élément masculin est définitivement absent. Cette juxtaposition du style et des matériaux, qu'elle immortalise derrière son objectif, tranche avec les originaux et crée un réel contraste, voulu par l'artiste. Cette New-yorkaise, née à Marrakech, est diplômée en Beaux-arts et en photographie (Boston et Paris) et de la Tufts University de Medford (Massachusetts). Elle a déjà exposé à Marrakech, Koweit-city, Paris, Londres, Amsterdam et New York.