Youssef Baghdadi, président du Directoire de Dar Assafaa, société de financement spécialisée dans la finance alternative, revient sur les enjeux de cette niche de financement et explique l'intérêt économique de ces produits. Un intérêt qui dépasse les considérations religieuses. Finances News Hebdo : Etes-vous un «enfant de la maison» Attijariwafa bank ? Youssef Baghdadi: Tout à fait. J'ai intégré le groupe en 1991 dans la filiale Wafasalaf. Mon premier poste était dans l'informatique. Ensuite, 10 ans plus tard, on m'a confié la direction des risques. A ce moment-là, je suis devenu membre du Directoire et j'ai eu une belle ouverture sur l'ensemble des métiers de la banque. Quelques temps après, j'ai pris la responsabilité du pôle commercial en tant que Directeur général adjoint. En juin dernier, j'ai été nommé à la tête de Dar Assafaa. F. N. H. : Existe-t-il une différence dans la gestion d'une société de financement traditionnelle et Dar Assafa ? Y. B. : Aujourd'hui, Dar Assafaa commercialise beaucoup de produits Mourabaha. Les processus sont différents de par l'objet des services que nous fournissons. Un produit Mourabaha n'est pas traité de la même manière qu'un crédit classique. Pour notre part, l'activité consiste à acheter et à vendre avec une marge bénéficiaire. C'est donc différent, bien que nous soyons une société de financement. F. N. H. : Quelle est la taille du marché des produits alternatifs aujourd'hui ? Y. B. : Le marché est encore timide. Les processus ne sont pas fluides. En plus, au niveau de la Mourabaha immobilière, nous souffrons encore d'un obstacle fiscal, car nous payons des droits de conservation aussi bien sur l'achat que sur la vente. Cette double taxation des produits pénalise encore les opérateurs. En chiffres, l'encours du marché s'approche du milliard de dirhams avec une part de marché de plus de 50% pour Dar Essafaa. Nous sommes une société entièrement dédiée à la finance alternative, ce qui nous permet de gérer au mieux les attentes des clients. Nos concurrents sont des sociétés de financement classique qui font de la finance alternative de manière timide. C'est cette spécialisation qui nous permet de capter une grande part de marché. F. N. H. : Pourquoi lancer Dar Assafaa, alors que le marché est encore embryonnaire ? Y. B. : Le groupe est visionnaire. Nous l'avons démontré par le passé. Ce n'est pas dans nos habitudes d'attendre qu'un marché soit à sa taille critique pour nous lancer. En plus, le besoin existe et certains de nos clients ont réclamé ces produits. Certes, nous opérons dans une niche, mais elle sera amenée à grandir lorsque la réglementation évoluera. Les contexte économiques international et national s'y prêtent de plus en plus. Je tiens à signaler qu'au-delà des convictions religieuses, il existe un réel intérêt économique pour ces produits. Ils apportent des solutions concrètes à nos clients. F. N. H. : Qu'attendez-vous de la prochaine loi bancaire où la finance alternative sera semble-t-il institutionnalisée ? Y. B. : Le projet de loi prévoit effectivement le développement des produits alternatifs dans les banques et pas uniquement dans les sociétés de financement spécialisées. Les perspectives de développement n'en seront que plus vastes grâce au large réseau bancaire. Pour l'instant, il y a du flou autour du vote de cette loi. Mon souhait profond est qu'elle soit promulguée rapidement pour qu'on puisse enfin généraliser l'utilisation des produits alternatifs, car il y a une population bancarisée ou non qui n'attend que celle-ci. De notre côté, nous sommes prêts. F. N. H. : Que répondez-vous à ceux qui disent que la finance alternative est chère ? Y. B. : Il existe quelques produits légèrement plus chers, de par la réglementation actuelle, comme expliqué précédemment, mais l'arbitrage coût/avantages les rend attractifs. Je peux dire qu'aujourd'hui, les coûts s'approchent de plus en plus des taux conventionnels. F. N. H. : Peut-on, pour conclure, connaître le profil de vos clients ? Y. B. : Nous sommes, certes, dans un produit de niche en termes de nombre de clients, mais leurs profils sont différents. Cela va du salarié au chef d'entreprise, avec des revenus disparates. Nous ciblons tous les Marocains qui recherchent un financement alternatif.