Vous l'avez sans doute remarqué. Lorsque vous souhaitez faire un retrait à un guichet automatique bancaire (GAB) à partir de vendredi soir, vous avez une grande chance que cette opération banale se transforme en un vrai parcours de combattant dont la quête consiste à trouver un guichet qui fonctionne. Entre théorie du complot et mauvaise foi des employés d'agences, les explications fusent de toutes parts. Les plus avisés relieront même cela au déficit de liquidité du secteur bancaire. Nous avons posé la question aux responsables. C'est devenu la discussion du moment sur les terrasses de cafés. Les vendredi après-midi, cette discussion s'invite également dans les bureaux des entreprises. Faire un retrait bancaire lorsqu'on est dans l'urgence devient une véritable source d'angoisse, surtout le week-end. Et pour cause, beaucoup de GAB tombent soudainement en panne et affichent soit des messages d'erreurs de système ou alors vous font patienter une bonne minute avant de vous afficher froidement que l'opération ne sera pas possible. Quant aux retraits interbancaires, n'en parlons pas car au delà de 500 DH de retrait, ce n'est même pas la peine d'essayer ! Quasiment toutes les banques sont concernées par ces problèmes, mais certaines plus que d'autres comme la BMCE, Attijariwafa bank, la Société générale ou encore la Banque populaire à en croire les témoignages recueillis. C'est d'ailleurs au sein de ces banques que nous avons fait notre enquête. Rien d'anormal pour les concernés L'enquête commence tout bêtement dans les agences bancaires. Nous nous sommes fait passer pour des clients de la banque et avons posé une question simple aux responsables : «Pourquoi beaucoup de GAB ne fonctionnent-ils pas le week-end ?». Sans surprise, tous nous ont répondu qu'il n'y a pas plus de problèmes que d'habitude. Nous n'avons même pas tenté de suivre la voie officielle pour demander aux responsables régionaux des explications sur le sujet, car nous aurions sûrement été confrontés au même type de réponse... Mais, en creusant plus et de manière officieuse, un chef d'agence a bien voulu nous expliquer la situation de sa banque, et cela sous couvert d'anonymat. Pour lui, le problème est d'une grande absurdité: «Certains croient que le problème est lié au déficit de liquidité du circuit bancaire et que nos responsables nous demandent de le faire exprès. Bien au contraire, nos responsables, du moins dans ma banque, sont de plus en plus exigeants sur la maintenance des GAB. Nous recevons aujourd'hui un mailing quotidien qui nous rappelle d'alimenter correctement les GAB de nos agences. La source du problème est autre. Depuis quelque temps, nos guichetiers se sont fait «offrir» des téléphones à usage professionnel pour rester joignables les jours fériés. Lorsque le GAB se vide pendant ces périodes, un signal est envoyé au service qui surveille ces opérations et qui va se charger d'appeler le guichetier de l'agence pour lui demander d'alimenter le GAB dès que possible. Pour éviter d'être dérangés les week-ends, les guichetiers créent facilement un dysfonctionnement sur le GAB. Il suffit de mal brancher un câble réseau pour le faire ! Ainsi, un autre message que celui de l'insuffisance de fonds remonte au siège et l'employé n'est pas dérangé. Cette pratique se généralise petit à petit dans nos agences». Voilà donc pour l'explication non conventionnelle de ce phénomène. Et la liquidité bancaire dans tout cela ? Si l'explication que nous avons reçue de notre source est valable pour une banque, elle ne l'est pas pour toutes les autres. Ensuite, on voit mal comment cette industrie laisserait ses employés lui créer un problème d'image et de notoriété aussi facilement. En d'autres termes, si les banques jugeaient effectivement que le problème des GAB constamment alimentés était si important, elles auraient pris leurs dispositions de manière plus importante, en augmentant par exemple le montant des dotations par guichet qui peuvent atteindre jusqu'à 600.000 DH. Une autre explication peut ainsi être évoquée. C'est celle de l'insuffisance de liquidités dans le circuit. Notre chef d'agence n'y croit pas, mais les chiffres sont parlants. Lors du premier trimestre, un pic de retrait net de monnaie fiduciaire a été enregistré à 1,3 Md de dirhams à l'occasion des vacances scolaires. Lors du deuxième trimestre, ce montant a rebaissé pour atteindre 1,2 Md de dirhams. Il y a ainsi fort à parier que les banques essayent en cette période de l'année qui coïncide avec les vacances scolaires, le Ramadan et une partie des congés, de limiter les retraits bancaires. Mais aucune preuve ne peut être apportée sur d'éventuelles directives données dans ce sens par les tops managers de ces établissements. Une chose est sûre, un établissement bancaire n'a nullement le droit d'interdire à ses clients l'accès à leurs dépôts, pour quelque motif que ce soit.