En cas de décès de l'assuré, aucune clause légale n'oblige les compagnies d'assurance à contacter les bénéficiaires désignés. Si ces derniers ne sont pas au courant de l'existence de l'assurance en cas de décès et qu'ils ne se manifestent pas, ils perdent le capital au profit de la compagnie au bout de cinq ans. En France, le délai de prescription est de dix ans et les compagnies ont l'obligation de chercher et de contacter les bénéficiaires désignés. Le secteur des assurances au Maroc se porte globalement bien. Deuxième marché en Afrique après celui de l'Afrique du Sud, avec un taux de pénétration (rapport entre primes émises et PIB) qui a atteint 3,10% en 2012 contre 2,98% en 2011, il a enregistré l'année dernière un chiffre d'affaires global de 26,03 Mds de DH, contre 23,9 Mds de DH un exercice auparavant, soit une progression de 8,92%. Ce chiffre d'affaires est tiré par l'assurance vie et capitalisation qui enregistre une progression de 14,5% à 8,84 Mds de DH. Si l'assurance vie s'inscrit dans une dynamique haussière depuis quelques années, c'est parce qu'elle est à la fois objet d'épargne et de retraite, permettant ainsi à l'assuré de mettre un peu de beurre dans l'épinard de ses vieux jours. C'est aussi parce que le législateur a mis en place un ensemble d'avantages et de dégrèvements fiscaux incitatifs, tant lors de la souscription des polices (c'est-à-dire à l'entrée) que lors de la remise des prestations aux bénéficiaires (sortie). Des bénéficiaires qui peuvent être soit les assurés eux-mêmes, dans les assurances en cas de vie, appelées également assurance en cas de survie ou de capitalisation, soit les autres personnes (généralement les membres de la famille) dans les assurances en cas de décès. Ainsi, pour l'assurance en cas de vie, «lors de la souscription, le montant affecté aux primes est déductible des revenus du souscripteur à condition que la durée des règlements des primes soit supérieure à huit ans et que le montant du capital soit réglé à l'assuré après qu'il ait atteint l'âge de 50 ans révolu. Lors de la sortie, les assurés ne sont imposables que sur les 60% du montant du capital leur revenant», précise Abdelaziz Erchidi, consultant-sénior et formateur en assurance. En ce qui concerne l'assurance en cas de décès, les assurés ne bénéficient d'aucun abattement fiscal lors de la souscription, mais sont totalement exonérés sur le montant du capital à la sortie. Maroc vs France Le régime fiscal particulièrement attrayant explique également le développement de l'assurance vie en France. Rien que pour le mois d'avril 2013, l'assurance vie a enregistré une collecte nette positive de 1,9 milliard d'euros. A cette date, l'encours des contrats d'assurance vie (provisions mathématiques + provisions pour participation aux bénéfices) s'élève à 1.416,2 milliards d'euros, soit une progression de 4% sur un an. Ce succès tient aussi à la réglementation en vigueur qui, quelque part, «surprotège» les bénéficiaires. En effet, les compagnies d'assurance sont dans l'obligation de rechercher les bénéficiaires désignés en cas de décès du souscripteur. Cette obligation est légitimée par le fait que certaines personnes peuvent être désignées comme bénéficiaires sans avoir été mises au courant. Il appartient ainsi aux compagnies d'assurance de les localiser et de les informer. Raison pour laquelle d'ailleurs, lors de la souscription, il est demandé à l'assuré de fournir moult informations sur le bénéficiaire désigné (nom, prénom, date de naissance, dernier lieu de résidence, nom de jeune fille si c'est une femme...) afin de pouvoir le localiser assez rapidement. Et vu le niveau de développement de l'assurance vie en France, des cabinets spécialisés dans la recherche de bénéficiaires ont vu le jour. Mais il n'en existerait que cinq... pour 150 compagnies proposant l'assurance vie. La raison est simple : même si la loi les y oblige, la plupart des compagnies sont peu enclines à aller à la recherche des bénéficiaires, parce que plus l'argent reste dans leurs caisses, plus il génère des profits du fait des placements qui sont effectués. D'ailleurs, on estime aujourd'hui à 5 milliards d'euros le montant que détiennent les compagnies d'assurance dans l'Hexagone et non réclamé par les bénéficiaires. Au Maroc, les bénéficiaires désignés ne jouissent pas de la même... attention. En épluchant un contrat d'assurance vie, nous avons pu constater qu'il n'y a pas d'informations détaillées demandées à l'assuré : une seule ligne est consacrée à la case bénéficiaire en cas de décès-invalidité et intitulée «Bénéficiaire désigné». «Dans la pratique, les assurés soit laissent cette rubrique vide; dans ce cas, le capital revient aux héritiers légaux du défunt. Soit ils citent nommément le ou les bénéficiaires, parfois avec un pourcentage pour chacun; dans ce cas, le capital est réglé uniquement à la personne ou aux personnes désignées. Soit encore ils précisent «mon conjoint, mes enfants, mes parents...», sans les citer nommément. Dans ce cas, le capital est versé entre les mains du ou des conjoints survivants et non divorcés, et aux autres survivants désignés», souligne Erchidi qui précise qu'«il n'est pas nécessaire de préciser dans cette rubrique, l'âge, l'adresse, le nom de jeune fille». Néanmoins, ajoute-t-il, «il est toujours loisible à l'assuré, et selon le Code des assurances, de passer outre cette rubrique en faisant établir un testament authentique (par acte notarié ou par acte adoulaire) en y précisant, et à sa guise, le ou les bénéficiaires avec suffisamment de renseignements sur eux». Bien évidemment, le problème ne se pose pas lorsque l'assuré met au courant son conjoint (ou ses proches) qu'il est le bénéficiaire désigné en cas de décès. C'est lorsque le bénéficiaire ignore l'existence de l'assurance en cas de décès qu'il y a problème, d'autant qu'aucune clause légale n'oblige les compagnies d'assurance à le contacter afin de lui remettre le capital. «Lors du décès de leurs assurés, ayant une cause naturelle ou accidentelle, les assureurs, pour honorer leurs engagements dans les meilleures conditions, doivent être obligatoirement et officiellement mis au courant du décès au moyen d'une déclaration de sinistre», indique Erchidi. «Cette dernière doit être faite par le ou les bénéficiaires lorsque les polices d'assurance en cas de décès sont souscrites par des personnes physiques (généralement en faveur des membres de leur famille) ou par l'employeur, le responsable de l'association, le ou les bénéficiaires lorsque l'assurance a été souscrite par des personnes morales (SARL, sociétés anonymes...) au nom de leurs salariés, ou encore par des associations, des clubs... au nom de leurs membres qui deviennent ainsi des adhérents», ajoute Erchidi. Une telle démarche ne peut effectivement être entreprise que si le bénéficiaire connaît l'existence du contrat d'assurance en cas de décès. Sinon, il risque de tout perdre, d'autant qu'il lui appartient de réclamer le capital lui revenant dans un délai bien précis. Un délai fixé par l'article 36 du Code des assurances à cinq ans à compter de la date du décès. «Passé ce délai, le capital est retenu par l'assureur et se transforme ainsi en boni; en d'autres termes, le montant vient en déduction des dépenses», précise Erchidi. En France, en revanche, toutes les actions liées à un contrat d'assurance sont prescrites dans un délai de deux ans à partir de l'évènement qui y donne naissance : le souscripteur du contrat d'assurance-vie ne peut plus alors agir en justice contre l'assureur. Néanmoins, il est précisé au niveau du site officiel de l'administration française «service- public.fr» que «ce délai est porté à dix ans lorsque le bénéficiaire est une personne distincte du souscripteur, et dans le cas d'un contrat d'assurance contre les accidents atteignant les personnes, lorsque les bénéficiaires sont les ayants droit de l'assuré décédé». Ainsi, dans ces conditions, seule l'action du bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie est prescrite dans un délai de dix ans. Obligation des compagnies de contacter les bénéficiaires désignés, délai de prescription de dix ans... sont autant de facteurs qui ont contribué à accroître la confiance des Français en l'assurance vie. Peut-être serait-il bon de penser à faire évoluer la réglementation marocaine dans ce sens afin de rendre ce produit encore plus attractif. Aujourd'hui, combien d'argent se balade dans les caisses des compagnies d'assurance marocaines et qui devait revenir de droit à des bénéficiaires désignés ? Nul ne le sait. En attendant, finissez-en avec les cachotteries ! Mieux vaut être prévenant jusqu'au bout : mettez au courant vos proches s'ils sont désignés comme bénéficiaires !