En l'espace de six mois, l'Etat a emprunté plus de 2 Mds de dollars sur le marché international. Cela suscite une inquiétude chez certains. Pour le ministre de l'Economie et des Finances, Nizar Baraka, la fréquence des émissions obligataires à l'international serait synonyme de la confiance portée aux fondamentaux de l'économie nationale (sic !). Le séminaire organisé récemment par l'association Attac Maroc consistait à tirer la sonnette d'alarme sur l'évolution croissante de la dette publique et son impact sur le développement national. Et voilà qu'une semaine après, le ministre de l'Economie et des Finances, Nizar Bakara, convoque une conférence de presse en marge des Assemblées générales de la Banque africaine de développement pour annoncer en grande pompe, et surtout pour justifier, l'évolution de la dette extérieure du Maroc qui ne cesse de poursuivre un trend haussier. Son encours total est de 25% du PIB actuellement. Un emprunt obligataire salvateur ? A en croire les déclarations du ministre, l'emprunt obligataire international du Maroc pour un montant de 750 millions de dollars serait opportun à plusieurs égards. Tout d'abord, cela attesterait de la volonté gouvernementale de soutenir, à la fois la croissance et la diversification des sources de financement de l'économie nationale. Aussi, cet emprunt international libellé en dollar, permettrait-il de pallier le déficit de liquidité tout en résorbant la décélération des financements à l'économie, selon N. Baraka. A titre informatif, les besoins de financement de l'économie sont passés pendant les quatre premiers mois de 2012, par rapport à la même période de 2013, de 19 Mds de DH à 28 Mds de DH. L'argentier du Royaume estime aussi que cet emprunt obligataire démontre la confiance qui est accordée par les marchés financiers internationaux au Maroc, notamment dans les réformes macroéconomiques en cours (décompensation, réduction du déficit budgétaire de 7 à 3%, réformes fiscales, etc.). Le ministre de l'Economie et des Finances loue les vertus de sa sortie à l'international pour l'emprunt obligataire, en précisant que le recours au marché intérieur serait inopportun actuellement du fait d'un manque de liquidité notoire. De surcroît, cela aurait pour effet mécanique d'augmenter les taux d'intérêt. Dans la même foulée, il estime que les conditions de taux d'intérêt sont plus favorables à l'international qu'au niveau domestique. Toujours, dans l'optique de rassurer une opinion publique de plus en plus circonspecte quant aux bienfaits de la dette publique, le ministre a donné l'exemple de l'Egypte qui a une dette extérieure estimée à 90% de son PIB. Ce qui est très largement au-dessus de celle du Royaume qui est de 25% du PIB. Toujours selon lui, le coût du nouvel emprunt obligataire de 750 millions de DH est très avantageux par rapport à des pays émergents, voire développés, comme la Turquie qui a émis des emprunts obligataires à des taux supérieurs à ceux du Royaume. A ce niveau, il convient de préciser que cet emprunt du Maroc est ventilé de la manière suivante : 500 millions de dollars pour dix ans au taux d'intérêt de 4,1%. Les 250 millions de dollars restant pour une période de trente ans à un taux d'intérêt de 5,5%. L'agence de notation Standard and Poor's a émis la notation BBB concernant cet emprunt. A ce titre, rappelons que la note BBB signifie que le Maroc a la capacité de payer les intérêts et le capital. Mais cela veut aussi dire que des conditions économiques défavorables ou une modification des circonstances peuvent affecter l'aptitude au service normal de la dette. Cela doit conduire à plus de prudence lors des prochaines sorties sur le marché international. Le profil des investisseurs pour cet emprunt reste avantageux, selon N. Baraka, car il s'agit des compagnies d'assurance et de pension (essentiellement européennes et américaines) qui sont des investisseurs à long terme. Lors de la conférence de presse, l'argentier du Royaume a aussi martelé que : «L'émission de cet emprunt obligataire était un véritable succès car il s'est fait avec des spreads (écart de crédit) réduits sur les dix et trente ans». Baraka a argué que les retombées de cet emprunt ne peuvent être que bénéfiques pour le pays. Parmi les bienfaits de l'émission obligataire, le ministre a fait observer que cela permettrait de consolider les avoirs extérieurs et surtout de réduire la pression sur le marché intérieur. Au-delà du discours apaisant Il est assez aisé de constater que le rythme des sorties du trésor pour contracter un emprunt sur le marché international interpelle à plus d'un titre. Dans ce cadre, certains observateurs font remarquer qu'en l'espace de six mois seulement (entre décembre 2012 et mai 2013), l'Etat est sorti deux fois sur les marchés internationaux, ce qui lui a permis de contracter un prêt total estimé à plus de 2 Mds de dollars (1,5 Md de dollars en décembre 2012 et 750 millions de dollars en mai 2013). Ces différentes sorties suscitent l'inquiétude chez certains macroéconomistes qui estiment que la dette publique ne sera plus soutenable à très court terme. Et pour cause, le service de la dette a atteint 108 Mds de DH en 2012, ce qui équivaut au double du budget de l'éducation et neuf fois celui de la santé. Le service de la dette extérieure qui est en hausse, a absorbé en moyenne annuelle 18,5 Mds de DH durant la période (2004-2011). A contrario, N. Baraka rappelle pour sa part que cette fréquence du recours aux marchés internationaux est un indicateur fort, reflétant la confiance portée sur les fondamentaux de l'économie nationale. Le ministre va plus loin en suggérant que la fréquence des émissions d'emprunt obligataire au niveau international était un bon indicateur dans les pays européens. Mais on observe que le Maroc doit à ses créanciers internationaux plus de 23 Mds de dollars. Ce qui est colossal si nous savons que les recettes ordinaires en 2012 étaient de 193 Mds de DH. Par ailleurs, en échange de l'obtention de la ligne de crédit, on se rappelle que le Maroc avait pris un certain nombre d'engagements auprès du FMI. Certains s'inquiètent d'ores et déjà, car les responsables du Fonds monétaire effectueront une visite au Royaume à la fin du mois de juin. Cette visite aura pour objectif d'évaluer la situation macréconomique du pays. Or, la question qu'on peut se poser est de savoir, eu égard au timing relativement court, si les réformes entreprises par le gouvernement ont commencé à faire leur effet. Le FMI répondra certainement à cette question au cours du mois courant.