◆ Entre l'arrêt de l'activité, la rémunération des employés ou encore les charges fiscales et les loyers, les patrons de cafés et de restaurants au Maroc vivent un calvaire. ◆ Le président de l'Association nationale des patrons de cafés et de restaurants du Maroc, Noureddine Harrak, lance un cri de détresse.
Finances News Hebdo : Plusieurs secteurs ont ralenti leurs activités à cause du confinement. Comment le segment des cafés et restaurants a-t-il été impacté ? Noureddine Harrak : Tout a commencé lorsque le premier cas a été enregistré au Maroc le 2 mars dernier. Les revenus des cafés et des restaurants au Maroc ont diminué de manière spectaculaire, et après la décision de fermeture approuvée par le gouvernement dans le cadre des mesures de précaution et d'efforts proactifs pour limiter la propagation de l'épidémie de Corona le 16 mars, une grande peur régnait parmi les professionnels. Une décision que nous avons saluée, car nous ne voulons pas, à nous seuls, être des zones de transmission de l'infection, mais les coûts économiques et sociaux de cette décision sont bien plus importants que certains ne le pensaient.
F.N.H. : En quoi consiste l'ampleur des pertes du secteur ? N. H. : Il est difficile de déterminer avec précision les pertes en nombre, car le secteur des cafés et des restaurants au Maroc connaît de grandes mutations. En plus de la multiplicité des positions légales dans lesquelles les cafés et les restaurants se trouvent, certains sont des propriétés privées, d'autres liés par des contrats de location et d'autres encore par des contrats de gestion libre. L'un des plus importants problèmes qui a rapidement fait surface et dérouté les professionnels, concerne le loyer, les prêts et obligations avec les fournisseurs, les prêts d'équipement et de nombreuses autres factures. En outre, ces établissements sont la seule source de revenus pour la majorité des professionnels du secteur. A la suite de cette épidémie, ils se sont retrouvés sans ressource aucune et, la décision soudaine de fermer leurs cafés et restaurants les a empêchés de prendre les précautions nécessaires. Mais le calvaire est surtout lié au refus des banques d'octroyer à ces professionnels les aides nécessaires pour contrer les effets tragiques de cette pandémie sur leurs ressources.
F.N.H. : Quel retour avez-vous des membres de votre association ? N. H. : La plupart des cafés et des restaurants au Maroc ont souffert et souffrent toujours de cette crise. Un certain nombre d'entre eux sont au bord de la faillite, et contrairement à ce que certains pensent des bénéfices réalisés par le secteur, cette idée est complètement fausse. Leurs revenus n'atteignent plus un montant significatif, principalement en raison de l'absence d'une loi pour organiser le secteur ainsi qu'à la multiplicité des impôts et diverses taxes. Un certain nombre de professionnels ont eu recours à des prêts pour régler des révisions d'impôts aléatoires ces deux dernières années.
F.N.H. : En tant qu'association, quel est le soutien que vous avez offert aux propriétaires de cafés et de restaurants gravement touchés par la crise ? N. H. : Nous avons proposé au Comité de vigilance économique (CVE) de prendre des mesures urgentes pour atténuer, même légèrement, l'impact sur les professionnels, en particulier les plus touchés. Il s'agit de leur accorder des crédits pour subvenir aux dépenses nécessaires à leur famille, en adoptant des formulaires remplis électroniquement avec des conditions et des critères prédéfinis. Nous avons demandé aussi que la période de notification relative au loyer soit modifiée et étendue à trois mois afin de travailler pendant toute une année après la fin du confinement. Nous avons également formulé une proposition concernant la question du loyer pour dispenser le propriétaire de la taxe pour cette année, en échange de l'exonération du locataire ou de la répartition des dommages avec lui pour la durée du confinement. Aussi, nous avons suggéré l'arrêt de la taxe, des déclarations fiscales et de toutes les collectes, et le soutien des contributions dues à la CNSS.
F.N.H. : Suite à votre appel à l'aide adressé au Chef du gouvernement et au Comité de vigilance économique, avez-vous reçu une réponse à votre demande ? N. H. : Malheureusement, ce n'est pas la première fois que nous écrivons au Premier ministre. Nous n'avons pas reçu de réponse de sa part, ni du Comité de veille économique, mais nous sommes en contact direct avec certains de ses membres comme Omar Moro, président de la Chambre de commerce, d'industrie et de services (CCIS), ainsi que Nadia Fettah, ministre du Tourisme, et d'autres membres. Nous tablons sur une réunion pour le mercredi 29 avril durant laquelle le CVE devrait prendre les mesures nécessaires, car la situation est devenue très compliquée. Si aucune mesure n'est prise, cela aura des répercussions catastrophiques pour les professionnels et pour l'avenir des travailleurs et du secteur.
F.N.H. : Comment voyez-vous le secteur après la crise ? Avez-vous dressé des plans à long terme pour le sauver ? N. H. : Ce qui nous importe au sein de l'ANPCRM pendant cette période, est l'ouverture d'un dialogue avec le CVE afin de dresser ensemble un plan pour aider le secteur à rebondir à nouveau et à assurer le maintien des emplois par ces établissements. Le manque de communication est le problème majeur qui caractérise la relation entre les professionnels et les institutions de l'Etat. Ce que les propriétaires des cafés et des restaurants au Maroc subissent avant et pendant cette crise, n'est que le résultat de l'absence de cette communication. Nous avons tiré la sonnette d'alarme au Chef du gouvernement, au ministre du Travail et d'autres institutions. Aujourd'hui, le Covid- 19 n'a fait qu'aggraver la situation. La sortie de crise est difficile et compliquée. Elle prendra du temps et nécessitera également de grandes décisions qui nous aideront à sortir de la crise et à corriger les profonds déséquilibres juridiques auxquels le secteur est soumis.