Les conditions macroéconomiques internes permettent un élargissement additionnel des bandes de fluctuation du Dirham. Les professionnels y voient des retombées sur le commerce externe et une manière de résorber tout choc externe.
Par : Adil Hlimi
Le Maroc a décidé de procéder, après avis de Bank Al-Maghrib, à un élargissement de la bande de fluctuation du Dirham de ±2,5% à ±5% par rapport à un cours central fixé par Bank Al-Maghrib, selon une parité 60% EUR et 40% USD. Le timing est particulier, d'autant plus qu'en octobre dernier, le wali de Bank Al-Maghrib avait indiqué que ce passage était conditionné par l'anticipation d'un choc externe. Les opérateurs sont donc en droit de se demander si cette décision est liée de près ou de loin aux retombées économiques négatives du Covid-19, surtout que des Banques centrales ont pris des mesures pour faire face aux conséquences potentielles de l'épidémie. Dans leur communiqué officiel, Bank Al-Maghrib et le ministère des Finances précisent que l'élargissement intervient après l'atteinte des objectifs assignés à la première phase initiée en janvier 2018. «Cette nouvelle étape est entamée dans un contexte macroéconomique et financier favorable», selon les autorités monétaires du Royaume. Ils insistent sur le caractère «volontaire» de ce processus qui s'étale sur plusieurs étapes et qui permettra de renforcer la capacité de l'économie à absorber les chocs et à soutenir sa compétitivité. BAM rassure pour sa part quant à la poursuite de son rôle de régulateur de marché en cas de nécessité. Rôle qu'elle a plutôt assuré en retrait jusqu'à présent, étant donné que le marché des changes a fonctionné en autonomie depuis le début de la réforme.
Chocs externes Le prix du pétrole et les matières premières industrielles ont vu leurs cours plonger. Le seul choc apparent auquel veut faire face le Maroc avec cette réforme est d'éviter l'impact d'une flambée de l'Euro sur nos réserves en devises. La baisse surprise des taux de la FED 24h avant la décision de l'élargissement a produit un rapide rebond de la monnaie européenne face aux autres devises, dont le Dirham qui a perdu 1,3% ce jour-là.
Les professionnels confiants Abdelaziz Lahlou, directeur économie chez Attijari Global Research (AGR), a été l'un des rares analystes à se pencher sur la question dans un papier adressé à ses clients. «Nous pensons que le timing retenu pour implémenter cette réforme est approprié», dit-il d'emblée. Ce timing, selon AGR, va assurer une transition la plus fluide possible. L'état des fondamentaux est lui aussi mis en avant car «quoi que cela puisse paraître paradoxal, ce genre de mesures est approprié aussi bien quand les fondamentaux sont en bonne posture... ou en situation de choc». «Une telle mesure constitue un effet de catalyseur pour rétablir les équilibres», explique l'économiste.
Bénéfices économiques Pour l'analyste, les retombées positives sont d'abord à observer sur les échanges extérieurs. En effet, la balance commerciale constitue toujours un handicap pour la croissance au Maroc et cette réforme oeuvre pour que le commerce extérieur vienne en soutien de cette dernière. Un second effet est sur l'inflation, car les dernières projections communiquées lors du communiqué trimestriel de la Banque centrale laissent présager une reprise de l'inflation sans pour autant s'éloigner de son niveau structurel au Maroc. «Cette réforme du régime de change inciterait à une surveillance accrue de cet agrégat», conclut l'expert.
Un marché de change plus mature Les experts d'AGR font remarquer que la première phase de flexibilisation du Dirham, qui a duré près de 26 mois, a enregistré un développement remarquable du marché des changes. Le marché interbancaire a gagné en profondeur grâce à un nouveau dispositif de cotation avec l'implication des «Market Markers». A ce titre, le volume moyen mensuel des 3 derniers mois s'établit à 62 MDH contre 37 MDH une année auparavant. Cette volumétrie permet ainsi de constituer un prix référentiel crédible pour les cotations clients. Par ailleurs, Bank Al-Maghrib joue parfaitement son rôle de dernier ressort, avec une absence d'intervention depuis avril 2018. En effet, après l'accompagnement de la réforme à travers une injection globale de 294 millions de dollars au T1-2018, le régulateur a estimé que les mécanismes de marché fonctionnaient convenablement. Enfin, les banques ont démontré qu'elles sont dans la capacité de combler mutuellement leurs besoins en devises avec des positions globalement excédentaires.