L'agissement sur l'urbain peut donner un élan à l'économie. Les métropoles ont besoin d'une vision pour, au moins, les vingt prochaines années. Les stratégies sectorielles doivent trouver leurs places, comme le plan Emergence, la Vision 2020 pour le tourisme, ou la Stratégie logistique pour l'artisanat. Le point avec Driss Effina, expert en immobilier. Finances News Hebdo : Pensez-vous que le débat sur la politique de la ville commence à donner ses fruits ? Driss Effina : Le débat que le ministère a fait sur la politique de la ville est intéressant. Il a donné un éclairage précis sur le sujet. Car c'est la première fois que le Maroc opte pour cette orientation bien affichée. L'Etat, en quelque sorte, menait une politique de la ville non déclarée. Actuellement, on essaie de fédérer l'ensemble des acteurs sur le même projet. Une remarque fondamentale s'impose et qui consiste à lancer des stratégies de ville avant de lancer les programmes. Par exemple, on doit avoir une vision de Casablanca dans vingt ou trente ans, au minimum. Ce ne sont pas des schémas directeurs ni des plans d'aménagement. Cette stratégie donne de la visibilité pour le long terme. Nous sommes passés à la phase d'exécution sans faire l'étape de la stratégie. Or, nous ne devons pas être limités à la vision minimaliste de la politique de la ville qui consiste à lutter contre les bidonvilles, la marginalité ou avoir des zones industrielles ou zones d'activité. La vision doit être plus large, globale et intégrée. Par exemple, la politique économique n'est pas de lutter contre la pauvreté, mais plutôt de créer des richesses et d'assurer des mécanismes pour leur bonne répartition. La politique de la ville doit tirer la cité vers le haut. Notre économie, c'est la somme des économies des villes. Comme cela existe dans les pays développés, le gouvernement doit lancer des plans de villes. F. N. H. : Qu'en est-il d'un référentiel commun pour les villes marocaines ? D. E. : Il faut bien définir ce référentiel. C'est un terme vague et qui peut donner lieu à différentes interprétations. Préserver le patrimoine, lancer des infrastructures de proximité lutter contre les bidonvilles, créer des espaces verts traduit la vision politique du ministère. Il faut le dire, nous sommes dans des projections minimalistes de la politique de la ville. Il est plutôt opportun de donner un cadre adéquat pour les entreprises, les citoyens et les différents acteurs locaux pour se développer et contribuer à l'essor du pays. F. N. H. : On constate dans la première phase du programme de la politique de la ville, l'absence de Casablanca et Rabat... D. E. : C'est vrai, nous sommes en train d'aller à contre-courant. Car, qu'on le veuille ou pas, le Maroc est tiré par des pôles économiques et urbains. C'est bien de réduire les inégalités régionales et de soutenir les autres villes, mais cela n'empêche que des métropoles ont un poids énorme pour tirer le pays vers le haut et jouer le rôle de locomotive. Marrakech, qui a un profil touristique, doit avoir une politique de la ville adaptée. La décision du tramway de Rabat ou de Casablanca devait normalement faire partie de cette politique de la ville. Une ville comme Casablanca a besoin d'un quartier d'affaires de dimension internationale comme celui de «La Défense» à Paris. Cette métropole doit être dotée d'équipements stratégiques pour hisser son niveau, et cela nécessite la contribution de l'Administration centrale. C'est un plan imposé par le gouvernement à la commune mais, en contrepartie, elle lui offre un financement conséquent. La politique de la ville, c'est en quelque sorte un Plan Marshall. Elle a un sens économique et non urbanistique. Elle a été attribuée au ministère de l'Habitat car il intervient au niveau foncier. C'est ce département qui trace le développement urbain. Mais cela n'empêche d'autres départements, notamment celui de l'Intérieur, d'avoir de larges champs d'intervention, surtout au niveau des collectivités locales. F. N. H. : Mais qui décide finalement pour un projet de ville ? D. E. : Le projet de ville peut être conçu par le ministère de l'Habitat, mais il nécessite la convergence de plusieurs acteurs. L'idée est que le projet soit conçu pour la commune et accompagné par les autorités centrales. Car les entités locales maîtrisent bien les besoins, les contraintes et les spécificités du terrain. Chaque ville doit avoir sa propre vision. On ne peut pas développer quartier par quartier. Les plans d'aménagement, les schémas directeurs, les Agences urbaines sont supervisés par le département de l'Habitat. Il faut donc harmoniser ces projets, sinon aucun document ne sera appliqué, ou bien il y aura toujours des retards dans leur réalisation. Les villes doivent avoir une vision au moins sur vingt ans pour se développer. Les schémas directeurs et les plans d'aménagement doivent s'inspirer de ces visions stratégiques. Si nous agissons sur l'urbain, nous pourrons donner un élan à notre économie. Les stratégies sectorielles comme le plan Emergence, la Vision 2020 pour le tourisme, la Stratégie logistique pour l'artisanat, doivent également trouver leurs places. L'un des handicaps majeurs du plan Emergence est lié au retard des zones industrielles au niveau de leur réalisation et les ZI relèvent de l'aménagement urbain. On ne peut pas développer l'industrie alors qu'il existe un foncier cher.