Bank Al-Maghrib a comme mission principale l'élaboration et la mise en œuvre de la politique monétaire, avec pour objectif principal le maintien de la stabilité des prix. L'aggravation du déficit de liquidité des banques a poussé BAM à procéder, depuis 2007, à une refonte du cadre de la politique monétaire pour améliorer la transmission des décisions du Conseil de la Banque afin d'atteindre cet objectif de stabilité des prix. La Banque centrale a progressivement augmenté ses injections sur le marché monétaire, passant en moyenne annuelle de 3,8 Mds DH en 2007 à 64 Mds DH en 2012. Si ce rôle de prêteur demeure essentiel pour maintenir la confiance des investisseurs, ne constitue-t-il pas une solution de facilité pour les banques ? Voilà bientôt cinq ans que le monde est balloté par la crise financière et économique, sinon ses effets. Dès le déclenchement de la crise, quasiment toutes les banques centrales à travers le monde ont réagi par le biais d'une politique expansionniste qu'elles ont prolongée en prenant des mesures exceptionnelles lorsque les taux d'intérêt à court terme se sont rapprochés de zéro. Ces instruments non conventionnels comprennent la forward guidance, une stratégie qui vise à exercer une pression sur les taux à moyen et long terme en indiquant la tendance future des taux courts; des acquisitions de titres à moyenne et longue durée servant le même objectif (quantitative easing); ainsi que des achats de devises destinés à influer sur les cours de change. Le Maroc, bien que nombre de responsables ont fanfaronné sa résilience, n'a pas échappé à la crise. Et les perspectives sont loin d'être prometteuses. «La conjoncture économique nationale a été effectivement difficile en 2012 avec un ralentissement de la croissance qui devrait se situer à moins de 3% contre 5% en 2011. Cette situation est le résultat de la conjugaison de plusieurs facteurs, notamment des conditions climatiques défavorables qui se sont traduites par une forte contraction des activités primaires. Il y a ensuite, la dégradation de la situation économique dans nos principaux pays partenaires avec de multiples effets négatifs sur la demande extérieure adressée au Maroc, les recettes voyages, les transferts des MRE et le flux des IDE en provenance de ces pays. Enfin, la persistance du renchérissement des prix des produits énergétiques et alimentaires sur les marchés internationaux continue de détériorer la balance des paiements et d'aggraver la charge de compensation», autant de facteurs que nous recense la Banque Centrale. Et d'ajouter, que ces évolutions mettent à rude épreuve la stabilité et la soutenabilité des équilibres macroéconomiques avec notamment une aggravation des déficits jumeaux (budgétaire et extérieur). Le marché du travail en subit également les conséquences avec une création d'emplois quasi nulle en 2012 et une augmentation du chômage des jeunes citadins, malgré une apparente stabilisation du taux de chômage global (de 8,9% à 9%). Par contre, sur le volet de l'évolution des prix, l'inflation a été contenue à 1,3%, malgré la hausse des prix à la pompe des produits pétroliers l'été dernier. Quelle fût dès lors la réaction de Bank Al-Maghrib face à une pareille situation, où tous les indicateurs économiques et sociaux s'affolaient ? «Il faut d'abord rappeler qu'en matière de politique publique, le législateur lui a confié comme mission principale l'élaboration et la mise en œuvre de la politique monétaire, avec pour objectif principal le maintien de la stabilité des prix. A moyen terme, la réalisation de cet objectif constitue un prérequis pour assurer les conditions favorables à une croissance saine et durable, en permettant notamment la préservation du pouvoir d'achat de la population et la réduction des incertitudes pour les agents économiques. Nos décisions en matière de politique monétaire se fondent sur des analyses approfondies de l'évolution de l'économie aussi bien en termes réels que financiers et monétaires. Nous avons développé pour cela plusieurs cadres et instruments d'analyse et de prévision pour mieux apprécier la situation économique et monétaire, et les risques inflationnistes qu'elle induit et prendre ainsi les décisions nécessaires qui -tout en assurant une stabilité des prix- viennent en soutien à l'activité économique notamment à travers la garantie d'un financement adéquat de l'économie», nous explique-t-on du côté de BAM. Mais si les mesures conventionnelles et non conventionnelles prises par les banques centrales ont permis d'éviter à l'économie mondiale d'entrer dans une phase de déflation et de dépression. Il n'en demeure pas moins que la politique monétaire très expansionniste menée à l'échelle internationale n'est pas exempte de risques. Les banques centrales pourraient en effet se sentir dépassées. Comme le rappelle la lenteur de la reprise de l'économie mondiale, la politique monétaire n'est pas à même de résoudre tous les problèmes. Ainsi, les mesures de politique monétaire ne sauraient remplacer la consolidation budgétaire et les réformes structurelles qui sont nécessaires dans de nombreux pays afin d'améliorer le potentiel de croissance, notamment le Maroc. L'objectif premier de la politique monétaire reste d'assurer la stabilité des prix à long terme. Une analyse que soutient la Banque centrale marocaine. Comment dès lors, puiser dans les cadres opérationnel et institutionnel pour rendre la politique monétaire plus dynamique et plus souple face aux aléas conjoncturels ? Force est de reconnaître que la Banque centrale n'a pas attendu la crise pour le faire. En effet, suite à l'aggravation du déficit de liquidité des banques, la Banque centrale a procédé, depuis 2007, à une refonte du cadre de politique monétaire permettant l'amélioration de la transmission des décisions du Conseil de la Banque pour atteindre l'objectif de stabilité des prix. A cet effet, BAM a mis en place un certain nombre de mesures telles que la conduite d'opérations de refinancement à plus long terme et l'élargissement des collatéraux éligibles, apprend-t-on auprès d'une source au sein de la Banque centrale. Déficit de liquidité: une autre paire de manches Se pose dès lors, dans un contexte marqué par une raréfaction des liquidités, la question de savoir sur quelle base la Banque centrale fixe les besoins de liquidités et pourquoi malgré ses interventions régulières, ces besoins persistent et s'amplifient. Il faut d'abord noter que l'évolution du déficit de liquidité des banques est guidée par l'évolution des facteurs autonomes et plus particulièrement l'évolution des avoirs extérieurs nets et de la circulation fiduciaire. Le suivi et la prévision de l'évolution de ces facteurs permettent à la Banque centrale d'estimer le besoin des banques, par rapport à une période de réserve afin d'injecter la liquidité nécessaire via l'instrument adéquat, souligne-t-on. Et les avoirs extérieurs, qui affichent un trend baissier depuis la fin de l'année 2007, suite au creusement du déficit commercial, demeurent la principale source de la détérioration structurelle des conditions de liquidité bancaire au Maroc. «Dans ce contexte, Bank Al-Maghrib a pleinement joué son rôle en maintenant la liquidité des banques à un niveau adéquat pour le financement de l'économie tout en prenant les dispositions nécessaires pour assurer une meilleure transmission de la politique monétaire, permettant ainsi d'atteindre l'objectif de stabilité des prix. En effet, la Banque centrale a opté pour une politique accommandante qui s'est traduite notamment par une série de baisses du ratio de la réserve obligatoire, le ramenant de 16,5% en 2007 à 4% en 2012, ainsi que par l'élargissement des instruments de politique monétaire et des collatéraux éligibles», estime-t-on du côté de BAM. Ce rôle de prêteur demeure essentiel pour maintenir la confiance des investisseurs. D'ailleurs, depuis le début de la crise en août 2007, on a pu voir à diverses occasions à travers le monde entier plusieurs banques centrales voler au secours d'institutions financières en péril. Cependant, certains économistes et analystes estiment que la politique monétaire au Maroc nécessite de reprendre un peu de dynamisme et que les techniques d'injection de liquidité sont passives car si elles permettent à la banque centrale d'injecter des liquidités, celle-ci n'a pas d'influence sur l'utilisation de ces ressources. Et cela pourrait représenter un risque potentiel d'affectation des ressources bancaires à des usages non-productifs voire spéculatifs. La Banque centrale souligne qu'en plus des opérations de refinancement de long terme sous forme de pension livrée à 3 mois effectuées à compter du 4ème trimestre 2011, BAM a également initié, en décembre 2012, un prêt garanti par des effets privés destinés aux TPE et PME pour une durée de 3 mois. «Certes, le taux directeur reste l'un des principaux instruments de la politique monétaire et peut-être le plus connu du grand public, il n'est cependant pas la seule variable de décision. Pour une appréciation juste et complète de la politique monétaire de la Banque, il faudrait tenir compte de l'ensemble des actions entreprises», souligne un responsable au sien de BAM. «C'est ainsi que dans le contexte de stabilité des prix qui a prévalu ces derniers mois et en soutien à l'activité économique en décélération, nous avons agi sur plusieurs instruments en même temps. En plus de la réduction du taux directeur à 3% en mars dernier, comme vous l'avez rappelé, et pour faire face aux besoins croissants en liquidité, nous avons ramené le taux de réserve obligatoire à 4% (contre 16,5% en 2007), impliquant ainsi une injection structurelle de liquidité dépassant 45 milliards de dirhams, et nous avons supprimé les comptes sur carnets de l'assiette de calcul de la réserve obligatoire, permettant de la sorte d'injecter indirectement près de 4,6 milliards de dirhams. Nous avons en parallèle augmenté progressivement nos injections sur le marché monétaire passant en moyenne annuelle de 3,8 milliards en 2007 à 64 milliards de dirhams en 2012. Bank Al-Maghrib a également introduit les opérations de refinancement à 3 mois et a élargi le collatéral éligible aux opérations de politique monétaire aux titres de créance négociables et aux effets privés». Et pour faciliter l'accès des TPE/PME au financement bancaire, la Banque a initié, pour la première fois, des opérations de prêts garantis uniquement par les effets représentatifs des créances sur les PME et les TPE. Par ailleurs, elle prévoit le lancement d'un observatoire national de la TPME, en coordination avec la CGEM, l'ANPME et les partenaires concernés. «Ceci étant, notre pays a besoin de revoir son modèle de croissance caractérisé par une faible compétitivité externe et basé sur une demande interne stimulée par les valorisations salariales et un système de subventions généreux et généralisé dont le coût est hors portée de l'Etat. Les périodes de crises constituent généralement des opportunités à saisir pour le lancement et la mise en œuvre des réformes structurelles. Pour la concrétisation de ces opportunités, l'intérêt national doit absolument avoir la primauté sur le reste », conclut-on.