Le gouverneur de BAM appelle au respect du contenu de la Loi de Finances en matière de déficit. Maintien du taux directeur à 3%. Les crédits d'investissement et d'équipement sont en baisse. Bank Al-Maghrib a tenu dernièrement la réunion trimestrielle de son Conseil. Aucune décision majeure n'a été prise cette fois-ci. Selon Abdelatif Jouahri, «le contexte est marqué par un attentisme des investisseurs. Il n y a pas de problème de prix du crédit». Pour cette raison, la Banque centrale n'a pas jugé opportun de baisser à nouveau son taux directeur ou de prendre toute autre décision d'assouplissement monétaire, le prix de l'argent n'étant pas la source de l'arrêt de l'expansion des crédits, principalement ceux destinés à l'investissement et à l'équipement. Comme à l'accoutumée, le gouverneur de Bank-Al Maghrib a commencé sa conférence de presse par un tour d'horizon de la situation économique et financière de nos partenaires européens et américains. Bank Al-Maghrib constate que l'économie américaine se redresse avec un taux de croissance de 2,5% pour le troisième trimestre de cette année grâce, entre autres, à la politique monétaire non conventionnelle de la FED qui compte continuer à inonder l'économie américaine de liquidités jusqu'à ce que le taux de chômage repasse sous la barre des 6%. Du côté de l'Europe, BAM ne s'attend pas à une sortie de crise en 2013. La Banque centrale est confortée dans sa vision par des prévisions de croissance très prudentes de la part de la BCE qui s'attend à une variation du PIB comprise entre -0,9% et 0,3% en zone Euro l'année prochaine. Sur le plan national, BAM a noté qu'il n'y a pas de pressions sur les prix. Les sources de pressions externes et internes étant absentes actuellement. A ce titre, l'inflation à l'horizon des 6 prochains semestres devrait rester en ligne avec l'objectif de stabilité des prix. Ainsi, l'inflation devrait se situer autour de 1,2% en 2012, de 1,7% en 2013 et de 1,5% au premier semestre 2014, pour s'établir à environ 1,7% en moyenne sur l'horizon de prévision. Ces prévisions sont basées sur l'hypothèse de stabilité des salaires sur la période ainsi que la stabilité des prix à la pompe. Finances publiques en berne Le bât blesse au niveau des finances publiques, car malgré une amélioration des recettes publiques qui devront s'établir à 3,5 Mds de dirhams en 2012, les dépenses explosent, portées par la charge de compensation qui aura coûté 55 Mds de dirhams à l'Etat contre 33 Mds inscrits dans le projet de Loi de Finances. Jouahri a déclaré à ce sujet : «Je ne porte pas de jugement de valeur sur l'action du gouvernement, mais j'aurais préféré qu'on s'en tienne à ce qui est inscrit sur la Loi de Finances. Quand on annonce un chiffre, il faut le respecter». Le déficit public au titre de l'année 2012 devrait ainsi s'établir à 6% du PIB. Cette estimation est identique à celle du FMI (voir page 10). Sur le plan monétaire, BAM note la poursuite de la modération de la création monétaire avec un agrégat M3 dont la progression annuelle s'établit à 3,6% à fin octobre 2012, alors qu'elle était de 4,4% un trimestre auparavant, tandis que celle du crédit est revenue de 6,3% à 5,4% reflétant un rythme en deçà de la tendance long terme. L'expansion du crédit devrait se situer à 7% en 2012, après une estimation de 8% dans le rapport monétaire de septembre. Pour expliquer ce ralentissement, Jouahri a déclaré que «les crédits à la consommation, à l'habitat et tous les crédits contractés par les ménages de manière générale augmentent, mais que les crédits à l'équipement et les crédits d'investissements, publics et privés, se contractent». Sur le solde négatif de la liquidité bancaire, qui continue à avoisiner les 70 Mds de dirhmas, Jouahri déclare clairement que BAM continuera à injecter des liquidités tant que le secteur en aura besoin. Il n'y aura pas de restrictions à ce sujet. Cette expansion monétaire à faible vitesse se retrouve à la Bourse de Casablanca qui souffre à son tour d'un assèchement des liquidités. Le gouverneur de Bank Al-Maghrib a changé de ton pour en parler : «La situation est grave. Les valeurs marocaines inscrites au MSCI sortent une à une de cet indice et cela aggrave le manque de liquidité de la place». Jouahri, tout en admettant que la Bourse ne reflète que la situation économique, ajoute que «pour que Casablanca Finance City devienne un véritable hub financier, il faut développer rapidement de nouveaux instruments financiers et accroître l'effort de banalisation du monde de la finance». BAM devrait, entre autres, à travers sa fondation, travailler à démocratiser la culture financière des citoyens marocains. Enfin, quant aux recommandations du FMI sur le régime de change flexible, BAM assure avoir intégré cette donnée dans sa politique, mais le timing est mauvais à cause du déséquilibre de la balance commerciale. Une telle mesure ne devrait pas garantir l'objectif de stabilité des prix, principale préoccupation de Bank-Al Maghrib. La lecture de BAM sur le ralentissement économique Selon le gouverneur de Bank Al-Maghrib, il est risqué pour un pays comme le Maroc de baser son modèle de croissance sur la consommation interne. Il faut accroître la compétitivité des entreprises à l'international et diriger les politiques sectorielles du gouvernement avec une même feuille de route. BAM juge que le faible niveau d'investissements en 2012 trouve son explication dans le retard d'application de la Loi de Finances, à cause de l'échéancier politique qui a suivi l'adoption de la nouvelle Constitution, d'une part, et de l'attentisme des opérateurs privés, d'autre part. Sur ce dernier point, l'enquête que mène habituellement BAM auprès des établissements bancaires montre qu'il n y a pas de projets d'investissements considérables en phase de lancement, et cela n'a rien à avoir avec la capacité d'accès au crédit. C'est ce qui pousse BAM à ne pas revoir ses taux à la baisse. «On ne s'appuie pas sur des données de court terme pour prendre des décisions de moyen terme», a déclaré Jouahri, en supposant que 2012 est une année d'exception. Encore faut-il que l'investissement public reparte en 2013 sans aggraver le déficit public. Une équation qui peut être résolue grâce à la réforme de la Caisse de compensation tant attendue.