La banque centrale a décidé de ramener à 4 % le taux de la réserve monétaire au lieu de 6 % auparavant. Une décision qui contraste avec les jeux de scénarios voulant que la banque des banques agit sur le taux directeur pour le réviser à la baisse encore une fois. BAM aurait plus de faciliter à gérer les fluctuations de liquidité en stabilisant l'évolution des taux du marché monétaire, sans pour autant mettre à mal l'expansion des crédits. Cette mesure lui permettrait en plus de garder sous contrôle toute spirale inflationniste. Jouahri se réjouit du fait que le taux de rejet des demandes de financement ne dépasse guère les 15 %. Effectivement, la banque centrale a fini par céder aux pressions des banquiers et les exigences de l'équilibre du marché monétaire. À l'issue de la réunion trimestrielle du conseil de Bank-Al Maghrib (BAM), son gouverneur Abdellatif Jouahri a annoncé, lors d'un point de presse à Rabat, que le taux de la réserve monétaire est ramené à 4 % au lieu de 6 % auparavant. Une décision qui contraste avec les jeux de scénarios voulant que la banque des banques agit sur le taux directeur pour le réviser à la baisse encore une fois. Jouahri et ses troupes ont décidé enfin d'appuyer sur le bouton des réserves obligatoires, afin d'amortir l'effet des fluctuations autonomes de la liquidité. Cet instrument de politique monétaire a l'avantage de réduire la dépendance des banques de la création monétaire de BAM. L'expansion de cette spirale infernale de besoins en liquidités est due, comme l'a expliqué Jouahri, dans une large mesure aux ponctions de liquidités suite aux opérations en devises. Ce dernier n'a pas précisé pour autant s'il s'agit d'opérations d'achat de devises sur le marché de change. Cela impliquerait non seulement les besoins des entreprises mais également ceux du Trésor, en raison de la hausse sans cesse croissante des dépenses au titre des investissements directs étrangers. Autrement dit la progression notable des flux financiers sortant. Jouahri avait juste souligné que le problème qui se pose n'est pas celui des montants c'est à dire des injections monétaires(opérations d'avances à 7 jours…)mais bel et bien la destination des liquidités mises sur le marché. Là, faut-il le souligner, il met les doigts sur les vraies plaies à l'origine de l'hémorragie de liquidités observée. Par destination il entend très bien l'objet du placement de l'argent, qui coulait à flot avant le déclenchement de la crise mondiale: «est-il utilisé dans la création de richesses? », se demande le wali de BAM. Le problème du déficit extérieur Les tensions sur les liquidités sont à attribuer, selon BAM, aux opérations en devises qui induisent des ponctions de liquidité estimées en moyenne à 5 milliards de dirhams. Ces dernières sont elles aussi attribuables à l'écart qui existe entre les achats de devises par les banques commerciales et les cessions de billets de banque étrangers. Les besoins des entreprises se trouvent aggravés par ceux du Trésor. L'Etat devrait en fait faire face au déficit extérieur estimé à 8 % au terme de l'année en cours. Fortement indépendant des importations, l'Etat devrait payer une facture salée à l'import exprimée en devises étrangères. Suite à quoi l'amenuisement des avoirs extérieurs continue sur sa lancée. L'encours des placements du trésor sur le marché monétaire est tombé de 3,7 milliards de dirhams au deuxième trimestre 2012 à 1,2 milliards en moyenne quotidienne durant le troisième trimestre. « De même, les opérations du Trésor (hors interventions sur le marché monétaire) ont impacté négativement la liquidité bancaire de 4,2 milliards de dirhams en raison de la différence entre, d'une part, les souscriptions bancaires aux adjudications des bons du Trésor (13,7 milliards de dirhams) et l'encaissement des recettes fiscales y compris le 2e acompte de l'IS et la deuxième et dernière tranche des dividendes de l'OCP (2 milliards de dirhams), et d'autre part, les remboursements des échéances de la dette intérieure au profit du système bancaire (12,9 milliards de dirhams), le règlement des dépenses de compensation (10,5 milliards de dirhams) et le paiement des salaires des fonctionnaires (5,3 milliards de dirhams) », peut-on lire dans le dernier rapport sur la politique monétaire. La maîtrise de l'inflation Le seuil intolérable qu'avaient franchi les besoins de liquidités sont à l'origine de cette décision d'abaisser le taux de réserve monétaire à 4 % dans l'objectif de soulager en quelque part l'encours des dépôts bancaires auprès de l'institution d'émission. Une décision qui fait d'une pierre deux coups. D'abord, les banques bénéficieraient d'une bouffée d'oxygène gagnant ainsi plus de périmètre de jeu en lien avec l'abaissement du montant des réserves obligatoires à déposer. Ensuite, BAM aurait plus de faciliter à gérer les fluctuations de liquidité en stabilisant l'évolution des taux du marché monétaire, sans pour autant mettre à mal l'expansion des crédits. Cette mesure lui permettrait en plus de garder sous contrôle toute spirale inflationniste. La configuration prévisionnelle laisse dégager une stabilité des prix. Le taux d'inflation selon la prévision centrale devrait se situer sous la barre des 2% au terme de l'année en cours. Ce scénario ne tient pas compte, néanmoins des mesures éventuelles de décompensation. Répondant à une question sur ce point précis, Jouahri laisse entendre que la réforme prévue de la caisse de compensation prendrait plus de temps pour qu'elle soit prise dans la base des éléments constituant la prévision centrale, du moins à l'horizon 2013. il semble parfaitement en commun accord avec la fameuse expression de William Shakespeare : «Avant de douter , je veux voir. Après le doute, la preuve». Toujours sur le chapitre de l'inflation, casse-tête de toutes les banques centrales, les assurances de Jouahri trouvent leur raison dans les fondamentaux même de la structure de l'économie nationale. Celle-ci compte plus sur les secteurs non échangeables (Telecoms, BTP, services financiers et autres…) qui concentrent à eux seuls plus de 70 %, que sur ceux échangeables. Ainsi, « l'analyse détaillée de l'évolution des prix à la consommation par catégorie échangeable (IPCXE) et non changeable (IPCXNE) indique que la tendance fondamentale des prix est tirée, dans une large mesure, par l'inflation des biens non changeables qui, depuis mars dernier évoluait en territoire négatif, en liaison principalement avec la régression des tarifs des services de communication », note-t-on. Avant d'ajouter que les contributions des prix des biens changeables et des biens non changeables à l'inflation sous-jacente s'élèvent respectivement à 1,0 et -0,6 point de pourcentage en juillet et en août. Pour plus de détails, l'inflation des biens échangeables (IPCXE) a enregistré une moyenne de 2,3 % contre -0,7 % pour l'indice de la catégorie non échangeable (IPCXNE), sur les huit premiers mois de l'année. Au vu des ces évolutions Jouahri reste confiant quant à l'absence de toute source de tensions inflationnistes, qu'elles soient externes ou internes. Son assurance par rapport à l'absence de pressions inflationnistes provenant de la sphère monétaire , détaille-t-il, est due à la bonne orientation de la situation monétaire et financière. Les crédits poursuivraient leur rythme de croissance avec une moyenne annuelle de 8 %. Il en est de même pour la progression de la masse monétaire qui évoluerait de 5 %, bien qu'avec une vitesse moindre. S'agissant des risques encourus, les créances en souffrance marqueraient une progression relativement inquiétante de 5 % mais qui reste quoi qu'il en soit et acceptable. Maintien du taux directeur à 3 % L'absence jusqu'à présent de pressions inflationnistes provenant de la sphère monétaire informe sur la politique monétaire restrictive en vigueur. La dernière révision à la baisse du taux directeur ramené à 3 % au lieu de 3,25 % a porté ses fruits. Dressant un bilan d'étape, Jouahri affirme que les premiers résultats dénotent d'un effet positif de la baisse du coût des emprunts c'est-à-dire les taux appliqués à l'ensemble des catégories du crédit bancaire, comme en atteste «la forte régression» des taux débiteurs. « Pour ce qui est des taux débiteurs, les résultats de l'enquête de Bank Al-Maghrib auprès des banques, pour le deuxième trimestre 2012, indique une diminution de 39 points de base du taux moyen pondéré du crédit bancaire, revenant ainsi à 6,13 % », est-il souligné. Cette diminution des conditions débitrices des banques aurait un impact positif, selon Jouahri , sur les conditions d'accès au financement surtout pour les PME. Aucun moyen pour mesurer quantitativement les propos de ce dernier. Puisque le financement des crédits reste la bête noire de nos banquiers, habitués à «la facilité» : faire de l'argent sans risque et surtout à court terme. On est encore loin de la culture du risque, malgré les tentations de Jouahri de jeter la balle dans le camp des entreprises. «J'ai demandé personnellement à la CGEM, qui se plaint toujours, de me transmette les dossiers de demande de prêts bancaires non acceptés ou rejetés catégoriquement », lance-t-il. De l'avis de Jouahri, ces entreprises ne proposent pas de montage financier solide. Il se réjouit du fait que le taux de rejet des demandes de financement ne dépasse guère les 15 % au Maroc. Jouahri se targue aussi du classement du Maroc au niveau de la région MENA en termes de volume des crédits distribués aux PME-TPE. «Nous sommes classés premier avec un total de plus de 30% sur l'ensemble des emprunts accordés », se félicite-t-il. Ceci dit, il faudrait savoir que les PME représentent l'essentiel du tissu entrepreneurial avec plus 96 %. La frilosité des banques à l'égard de ce noyau dur de l'économie informe sur sa structure fragile. Elle renseigne également sur le degré contesté de compétitivité de la PME marocaine. Un constat corroboré d'ailleurs par le gouverneur de BAM. Les failles en termes de compétitivité et de productivité sont liées aussi à l'environnement et au climat des affaires au Maroc. Le cadre juridique et la bureaucratie administrative «répressive» y sont pour quelque chose. Dans la foulée, les tares sont légion. À commencer par le modèle économique poursuivi. Jusqu'à présent la libéralisation de l'économie, à travers les multiples accords de libre échange signés, n'a pas abouti. Elle pourrait générer même l'effet inverse. Les déficits doubles de la balance des paiements et du budget invitent à mûrir la réflexion sur le modelé économique approprié, en dehors de toute contrainte politique. Une économie tournée essentiellement vers le marché local, c'est-à-dire tirée principalement par la demande interne, a prouvé ses limites, pour reprendre les propres termes de Jouahri. Que faire alors? Le dilemme du choix s'impose d'autant plus que le Maroc a opté pour la constitutionnalisation des équilibres macroéconomiques et l'économie de marché. Jusqu'à preuve du contraire, les islamistes au pouvoir n'ont semble-t-il aucun modèle économique bien ficelé à proposer. S'inscrire dans la continuité des politiques économiques en place depuis des décennies ne résout en rien les problèmes structurels du pays. Le tournant politique semble fondre comme neige au soleil…