Amnistie fiscale ou déclaration rectificative ? Mesure générale prévue par un acte législatif et ayant pour objet d'effacer un fait punissable en matière fiscale envers les contribuables récalcitrants : c'est ainsi qu'est définie l'amnistie fiscale, dont l'objectif est de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales. Dans le cadre du PLF 2020, les dispositions prévues dans ce sens rentrent-elles dans le cadre de l'amnistie ? L'argentier du Royaume est catégorique : «on ne parle pas aujourd'hui d'amnistie, mais de déclaration rectificative. Même chose pour les personnes physiques, nous parlons de contribution libératoire». Najib Akesbi, économiste, est d'un tout autre avis. Car, pour lui, il s'agit bien d'une amnistie s'appliquant «au contribuable en infraction qui, d'une manière ou d'une autre, n'a pas rempli ses obligations fiscales, douanières, de change…; et cela peut être pour le principal, les majorations».
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Le gouvernement joue-t-il alors sur les termes ? A l'évidence, c'est comme faire la différence entre bonnet blanc et blanc bonnet. Toujours est-il que pour Akesbi, «nous avons fait une amnistie fiscale en 2014, et à force d'en faire, cela n'a plus de sens. Par essence, une amnistie fiscale n'a d'effet que si elle est rarissime, pour ne pas dire ultra exceptionnelle. Il faut que l'amnistie fiscale s'inscrive dans un tournant historique, voire un changement de paradigme», estime-t-il. Selon lui, «une telle mesure aurait pu se comprendre si l'on était arrivé à élaborer un nouveau modèle de développement. Elle servirait alors à accompagner ce processus de changement global». «Mais qui connaît actuellement ne serait-ce que le début du commencement des orientations du nouveau modèle de développement ?», se demande-t-il, non sans souligner que «si la précédente amnistie fiscale avait réussi, le gouvernement n'aurait pas besoin d'en refaire une nouvelle 5 ans après». Et à supposer qu'elle ait un peu marché, «cela voudrait dire que depuis 2014, il y a eu beaucoup de sorties de capitaux», analyse Akesbi. «Cela signifie que les raisons fondamentales qui justifient les infractions sont toujours là, notamment le manque de confiance, d'opportunités d'investissement au Maroc, de conditions de sécurité, de visibilité…», ajoute-t-il. Dans ce contexte, difficile alors pour le gouvernement d'atteindre les objectifs escomptés à travers cette nouvelle «amnistie fiscale», surtout que, à la différence de 2014, elle fait sauter le verrou de l'anonymat. Mais à défaut de remplir les caisses de l'Etat, cette mesure devrait, tout au moins, permettre de rétablir la confiance des agents économiques. C'est l'un des paris du gouvernement. Mais cette «amnistie» ne va-t-elle pas, plutôt, créer un effet pervers ? C'est ce que pense Akesbi, pour qui l'on envoie un mauvais signal aux citoyens : celui de l'impunité. «On s'installe dans une sorte de routine frauduleuse par excellence, où les fraudeurs sont assurés de l'impunité à travers l'amnistie», explique-t-il. Et d'ajouter que «vous n'êtes crédible que lorsque les gens sont certains que s'ils fraudent, votre main sera lourde. Mais si les contribuables sont convaincus qu'on peut toujours trouver un arrangement, qu'est-ce qui va changer» ? Pour Akesbi en tout cas, si l'objectif de cette amnistie fiscale est purement «financier», il n'en demeure pas moins qu'elle met en jeu «la crédibilité de l'Etat, laquelle n'a pas de prix». «On est en train de détruire les fondements même du rapport contribuable – Etat», conclut-il. ◆