Première année pleine d'activité pour les banques participatives. Ce qu'en pensent Youssef Baghdadi, président du Directoire de Bank Assafa, et Said Amaghdir, président de l'Association marocaine pour les professionnels de la finance participative.
En activité depuis mi-2017, les banques participatives vont terminer dans les jours qui viennent leur première année d'activité pleine. Invités de Boursenews pour commenter l'évolution de cette industrie nouvelle en 2018, deux des vétérans du secteur, Youssef Baghdadi, président du Directoire de Bank Assafa, et Said Amaghdir, président de l'Association marocaine pour les professionnels de la finance participative (AMFP), ont livré une lecture exhaustive du comportement du marché durant les mois écoulés. «Le marché prend forme et les encours de financement montrent qu'il y avait une demande latente à laquelle nous répondons désormais», explique d'emblée Youssef Baghdadi, qui se dit satisfait du démarrage qu'a connu le secteur. Il faut dire que les financements ont dépassé les 2 Mds de dirhams à fin juin 2018 et les professionnels s'attendent à ce que ce chiffre atteigne les 3 Mds de dirhams sur l'année. Chiffre qui a d'ailleurs été confirmé par le wali de la Banque centrale à l'occasion du dernier Conseil monétaire de l'année où il a indiqué que les dépôts ont dépassé le milliard de dirhams alors que les financements Mourabaha culminent à 3,6 Mds de dirhams contre 2,1 Mds à fin juin 2018. Le nombre de comptes ouverts à fin octobre est de 52.000 contre 43.000 à fin juin 2018 et 27.000 en décembre 2017. Said Amaghdir rappelle, pour sa part, que 10% des financements acquéreurs dans l'immobilier se font à travers les banques participatives, un ratio qui va augmenter au terme de l'exercice et qui dénote, selon lui, de l'existence d'un marché potentiel pour le Takaful. Certaines banques agressives sur ce segment, comme Bank Assafa, s'attendent à de belles «surprises» lorsque les chiffres définitifs de l'année seront rendus publics.
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Les nouveautés du secteur Si les banques participatives font «le job» en termes de financement, elles éprouvent des difficultés lorsqu'il s'agit de mobiliser les ressources. Faible couverture géographique par rapport au conventionnel, résistance au changement des consommateurs déjà bancarisés, nécessité d'avoir un circuit bancaire hermétique... constituent les principales causes de pressions sur les liquidités de ces jeunes banques. C'est sans doute pour cela que le principal événement du secteur en 2018 reste l'émission du premier Sukuk souverain marocain. Une transition nécessaire pour mettre en place un marché monétaire participatif et soulager les opérateurs. Selon Said Amaghdir, une prochaine émission est en préparation. Elle devra cette fois-ci permettre aux futures compagnies Takaful de réaliser leurs premiers placements. Bank Assafa avait pris les devants sur le dossier du refinancement, en mettant en place et en faisant valider par le Conseil supérieur des ouléma (CSO) des contrats type sous forme de Wakala Bil Istithmar pour se refinancer auprès des banques conventionnelles (pratique utilisée depuis par les autres banques participatives). Baghdadi estime que la prochaine étape sera l'ouverture de cette Wakala Bil Istithmar à des acteurs autres que bancaires, afin de permettre le démarrage des activités d'épargne et de «bancatakaful» (équivalent participatif de la bancassurance), des produits très attendus par les banques participatives pour canaliser l'épargne et déconstruire, par la même occasion, les idées reçues sur ces banques. Car, selon le patron de Bank Assafa, «il y a une idée forte dans l'imaginaire du consommateur selon laquelle la banque participative est une banque de financement à laquelle il ne faut s'adresser que s'il y a un besoin de financement. Or, avant d'être participative, c'est d'abord d'une banque qu'il s'agit», résume celui qui a mené la première expérience participative et islamique au Maroc en 2010 avec Dar Assafaa. Bank Assafa revendique même des clients non-musulmans et estime que la valeur religieuse ne doit pas être le principal argument de vente pour ces établissements. Ces derniers offrent aujourd'hui la panoplie complète des services bancaires (ouverture de comptes, moyens de paiement, etc.). De plus, pour être conformes, ces banques ne facturent pas plusieurs services bancaires et n'appliquent pas de dates de valeur, des avantages peu connus par les consommateurs. Said Amaghdir abonde dans le même sens, estimant que l'écosystème participatif doit, autant que le système bancaire conventionnel, attirer par ses performances économique, commerciale et financière et s'éloigner du seul argument religieux. Le président de l'AMFP insiste, par ailleurs, sur l'arrivée du Takful sur le marché en 2019. Pour lui, l'évolution des encours de financements participatifs est un signal fort pour l'existence d'un marché pour le Takaful qui sera naturellement «linké» au financement immobilier participatif. Et d'ajouter que le modèle marocain en la matière, avec des assurés qui seront co-copropriétaires des fonds Takaful, sera une singularité que l'on ne retrouve ni au Moyen-Orient ni en Malaisie. ■
L'écosystème attend ses autres piliers L'écosystème participatif doit être complété par un indice boursier Charia Compliant, des OPCVM et des OPCI capables de drainer de l'épargne et rendre ce marché plus liquide. Des chantiers que les professionnels rêvent de voir sur pied dès 2019. Année qui sera, selon toute vraisemblance, placée sous le signe de la profondeur, surtout au passif, en augmentant les dépôts et les sources de financement conformes. Des hormones de croissance dont a assurément besoin le nouveau-né de la finance marocaine.