L'Association marocaine des investisseurs en capital présente une feuille de route pour soutenir le capital-amorçage. Le diagnostic est de notoriété publique. Mais il fallait l'institutionnaliser pour pouvoir s'y attaquer frontalement. L'écosystème entrepreneurial n'est pas au mieux. Il souffre de plusieurs maux structurels qu'il faut tenter de résoudre. Quelques initiatives singulières, et parfois peu soutenues, ont tenté de s'attaquer à ce qui représente le futur de la PME marocaine. On pense notamment à la Caisse centrale de garantie et ses fonds Innov Invest. Désormais, la prise de conscience est, semble-t-il, plus répandue, au point que l'Association marocaine des investisseurs en capital (AMIC) a constitué, en novembre 2016, une commission amorçage afin de travailler de façon collégiale avec l'ensemble des composantes de cet écosystème et mettre en place un cadre optimal pour le développement du financement en amorçage risque au Maroc. La commission amorçage a mandaté le cabinet Grant Thornton pour élaborer un diagnostic, à la lumière d'un benchmark sur les meilleures pratiques en cours dans des pays comparables au Maroc afin d'énoncer des recommandations.
Résultats de l'étude L'étude est multidimensionnelle et s'attaque à plusieurs volets (financement, culture, cadre juridique et fiscal...). Elle rappelle à quel point les freins à l'entrepeneuriat sont nombreux. Absence d'une définition juridique de la start-up, rigidité et inadaptation des formes juridiques, lourdeur de la procédure de la loi sur les OPCC pour les fonds dédiés à l'amorçage, absence d'une fiscalité adaptée... Le financement est aussi un obstacle qui se dresse contre tous les porteurs de projets. L'aversion au risque des investisseurs, le faible dynamisme des Businessangels ou encore l'absence de plateformes opérationnelles de crowdfunding pèsent sur la motivation des entrepreneurs. Ceux-là même qui souffrent d'un manque d'autonomie financière qui ne permet pas de mener un projet à bien et d'attendre qu'il devienne rentable. D'autres problèmes sont évoqués dans l'étude : l'accès difficile aux marchés publics, la problématique des délais de paiement longs et préjudiciables à la survie des start-up ou encore la barrière à l'entrée pour des marchés stratégiques. La fameuse première commande est souvent évoquée par les start-up. Plus elle arrive tôt, plus cela réduit le taux de mortalité. Le volet culturel est également mis en cause. Tabou de l'échec, faible implication des grandes entreprises et des fondations privées dans l'écosystème «Open Innovation» ou encore la visibilité insuffisante des success-stories des entrepreneurs marocains, ce qui ne cultive pas assez la culture de la réussite auprès des jeunes.
Une feuille de route Ce diagnostic fait, les membres de l'AMIC, en collaboration avec le patronat et les autres parties prenantes, ont eu la tâche facile pour ressortir avec une feuille de route sur 3 ans. Il s'agira d'asseoir et de stabiliser le cadre réglementaire pour ensuite accroître la surface de contact des start-up sur leur environnement. Concrètement, il s'agit de définir juridiquement la start-up et travailler pour que son statut juridique soit normalisé. Cela passera par l'utilisation d'une plateforme CGEM-gouvernement fédérant les acteurs de l'écosystème innovant. Il s'agit aussi de l'établissement d'un modèle de contrat d'investissement dédié à l'amorçage ainsi que de la réforme de la SAS, du statut OPCC (conditions, flexibilité, capital, procédure et autres) et/ou véhicules dédiés. Les dispositions relatives à la liquidation des start-up (médiation, accélération des procédures, structures de défaisance) sont aussi à mettre en place pour un environnement agile. L'ouverture de la commande publique à ces entreprises est également un chantier prioritaire. On parle aussi d'une augmentation de la dotation d'achats en devises pour les start-up labellisées et de la simplification des paiements électroniques en devises. Des éléments sur lesquels l'Office des changes doit statuer. A horizon du plan, les professionnels disent vouloir mettre en place un marché secondaire pour l'échange de parts de capital des start-up, créer un innovation Bond, et pousser à l'adaptation des statuts CFC pour accueillir les start-up étrangères installées au Maroc ou marocaines ayant des activités à l'export. ■
Innov Invest : Seule initiative concrète pour le moment En attendant la concrétisation du plan de route de l'AMIC, Innov Invest, une initiative publique portée par la Caisse centrale de garantie, est la seule initiative concrétisée pour le moment. Le montant total des fonds sous gestion, dans le cadre d'Innov Invest, se chiffre à 860 MDH. Ce fonds prévoit aussi une poche allouée aux structures d'accompagnement pour le financement de leurs programmes de monitoring, d'incubation et d'accélération des start-up. Les différents benchmarks réalisés dans le cadre de l'étude de l'AMIC montrent que les pays qui ont réussi à mettre à niveau leur tissu entrepreneurial ont tous profité d'actions publiques et de programmes gouvernementaux de soutien.