Des scénarios d'accompagnement du système de compensation sont proposés dans la note stratégique de la Banque mondiale. Nadine Poupart, économiste senior et coordinatrice du Développement humain pour le Maroc auprès de la Banque mondiale, nous éclaire sur la note stratégique «Ciblage et protection sociale au Maroc». - Finances news hebdo : Quels sont les objectifs de la dernière note stratégique «Ciblage et protection sociale au Maroc»? - Nadine Poupart : La note stratégique a été réalisée à la demande du ministère des Affaires générales et a pour objectif d'identifier des options pour développer un système de protection sociale intégré afin de protéger le revenu des individus pauvres et vulnérables, de promouvoir leur capital humain et leur insertion dans le marché du travail. Elle vise également à améliorer l'articulation entre l'assistance sociale et l'assurance sociale d'une part et les programmes de réduction de la pauvreté, d'autre part, tout en proposant des scénarios d'accompagnement de la réforme du système de compensation. - F. N. H. : Quelles sont les principales recommandations issues de cette note? - N. P. : La stratégie nationale de protection sociale devrait s'appuyer sur 2 principes fondamentaux. Tout d'abord, l'adoption d'une logique de système plutôt qu'une logique de programmes ; cela requiert une analyse et une clarification des rôles et des responsabilités des différentes entités actives dans la protection sociale, une coordination de leurs mandats et une harmonisation de leurs interventions. Le second principe serait le ciblage des interventions sur les ménages et l'harmonisation des pratiques de ciblage des programmes, qui permettrait d'éviter qu'une même personne puisse être considérée comme «pauvre/vulnérable» par un programme et non par un autre, ou par une région et non par une autre. - F. N. H. : En quoi consiste l'articulation assistance-assurance-travail? - N. P. : Bien articuler l'assurance sociale (assurances maladie, vieillesse, invalidité etc.), l'assistance sociale (transferts en espèces ou en nature, services aux populations pauvres et vulnérables) et le marché du travail, repose en grande partie sur l'alignement des incitations que le système de protection sociale propose aux ménages et aux entreprises. En l'absence de conception systémique de la protection sociale, certains programmes peuvent être porteurs de logiques parfois contradictoires. A titre d'exemple, des personnes éligibles à la CNSS risquent de gonfler les rangs des postulants au RAMED et de peser sur les budgets prévisionnels de ce dernier, en raison de possibles chevauchements des populations ciblées par ces deux régimes. C'est pourquoi l'extension de la CNSS constitue une priorité. Mettre en place des incitations qui contribueraient à lutter contre le travail informel représente un défi au regard de la part actuelle du secteur informel. Pour revenir à l'exemple précédent, le RAMED doit s'inscrire dans une logique de système pour ne pas devenir une incitation à la non formalisation des activités économiques. - F. N. H. : Quel jugement global (de synthèse) portez-vous sur le cadre social au Maroc? - N. P. : Le Maroc a mis en place d'importants fondements de la protection sociale et les taux de couverture des besoins sont encourageants dans certains domaines tels que, par exemple, l'augmentation progressive de la couverture maladie. Toutefois, l'efficacité globale du système est affaiblie par sa fragmentation et son déséquilibre en faveur de programmes non ciblés, et notamment par les subventions des prix des produits de base. Le Maroc a souhaité mieux comprendre la problématique de la protection sociale et dispose désormais d'un diagnostic qui lui permettra d'orienter ses réformes. Les politiques et les programmes de protection sociale peuvent constituer (à un coût raisonnable lorsqu'ils sont bien conçus) le large socle sur lequel il est possible d'établir une croissance solidaire et d'assurer la stabilité sociale. Propos recueillis par M. Bensaoud (stagiaire)