La réduction de la subvention de certaines matières, comme le fioul industriel, entre dans le cadre de la réorientation de certaines dépenses vers les programmes sociaux. La subvention, qui est passée de 55 à 25 %, va connaître une nouvelle baisse jusqu'à atteindre un seuil qui sera fixé par le gouvernement et les opérateurs économiques. Le Maroc peut maintenir la subvention et le ciblage direct tant que l'enveloppe budgétaire ne dépasse pas les 3 %. Nizar Baraka, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des Affaires économiques et générales, nous explique également les nouvelles orientations de l'INDH II. - Finances News Hebdo : Dans le cadre de la réforme de la compensation et en vue de ramener la subvention plus le ciblage à 3 % du PIB, certaines matières ne sont plus subventionnées, ou bien leur subvention a été réduite. Ne commencez-vous pas à entendre des voix s'élever, notamment du côté des industriels qui ont subi une hausse du prix du fuel industriel ? Ça ne doit pas faire plaisir à tout le monde … - Nizar Baraka : Vous avez raison, mais nous ne sommes pas là pour faire plaisir, nous sommes là pour répondre à une logique économique et en même temps à une logique sociale. Voilà quelques indices pour comprendre la situation que vous évoquez, à savoir celle du fuel industriel. Il faut savoir que jusqu'en 2006, le fuel industriel était compensé à 2 %. Et en janvier 2010, nous avons atteint une compensation à plus de 55%. Trouvez-vous logique qu'on subventionne 50 % du prix du fioul industriel ? Donc, nous avons estimé qu'il était important de considérer cette compensation pour la ramener à un niveau acceptable. Il faut noter que nous sommes pour la compétitivité des entreprises, mais sans pour autant avoir un effet négatif sur nos programmes sociaux qui visent essentiellement les populations les plus démunies. C'est la raison pour laquelle nous avons réduit en juillet dernier la compensation de ce fioul de 55 % à 25 %. Et nous allons continuer à la réduire jusqu'à un certain seuil que nous fixerons ensemble avec les opérateurs économiques, de sorte à préserver leur compétitivité économique, sans pour autant affecter les programmes sociaux du gouvernement. - F. N. H. : Actuellement, le gouvernement mène à la fois un système de compensation et un système d'aide directe. A un moment où certains pays optent pour un système ou pour un autre, quel est l'avantage de ce système hybride, ou croisé, pour le Maroc ? - N. B. : Il y a lieu de noter que la réforme de la compensation a démarré en 2008. Et dès le départ se posait la grande question : est-ce qu'on doit supprimer cette compensation pour l'orienter vers les plus pauvres? Le constat que nous avons fait à la lecture de la carte de revenus de notre pays, et aussi au vu de la situation des classes moyennes, dont une bonne partie est vulnérable avec un faible pouvoir d'achat, est qu'il est nécessaire de maintenir la subvention des prix tout en réorientant une partie des allocations versées dans le cadre des dépenses de compensation vers les pauvres. Et c'est ainsi que nous avons économisé une partie de ces dépenses, au profit des plus pauvres dans le cadre du programme Tayssir, qui est un transfert monétaire direct conditionné par le maintien de la scolarité des enfants. Ce programme touche aujourd'hui 450.000 enfants, soit 220.000 familles qui bénéficient de cette aide directe. Ce programme a donné ses fruits puisque nous avons réduit l'abandon scolaire dans les zones où le programme est appliqué à plus de 60 %. - F. N. H. : Oui, mais à la longue, peut-on maintenir les deux systèmes, à savoir la compensation et le ciblage ? - N. B. : Oui ! Aujourd'hui, nous sommes dans une logique où l'enveloppe globale est figée, c'est-à-dire qu'on ne doit pas dépasser 3 % du PIB pour l'ensemble du programme : ciblage plus subventions des matières premières et de première nécessité. Par ailleurs, dans la Loi de Finances 2011, nous sommes à 2,4 % du PIB, tout compris. Ce qui veut dire que nous réussissons à ne pas dépasser ce plafond et que nous avons également pu entamer ce ciblage dans les meilleures conditions. - F. N. H. : Vous avez évoqué le programme Tayssir, mais qu'en est-il du RAMED ? - N. B. : Le RAMED est un processus important parce qu'il permet d'identifier les populations pauvres. Le système n'a démarré que dans la région de Tadla-Azilal; par conséquent, nous ne pouvons pas le généraliser encore. Nous ne pouvons pas non plus nous reposer dessus pour avoir un ciblage des populations pauvres. Donc, pour l'instant, nous préférons que ce processus suive doucement sa voie et, après, nous verrons comment nous pourrons faire converger les différents programmes. - F. N. H. : En parlant de programmes sociaux, vous avez participé au Forum de l'INDH durant lequel fut annoncé la deuxième phase de l'INDH. Quelles sont les pistes qui ont été évoquées par SM le Roi dans son message aux participants à ce forum ? - N. B. : L'INDH est une initiative basée sur trois grands axes. Le premier a trait à l'infrastructure sociale. Le second axe a trait au volet relatif au renforcement des capacités. Et le troisième concerne les activités génératrices de revenus. Aujourd'hui, force est de constater que d'importantes avancées ont été réalisée puisque nous avons atteint le nombre de 5 millions de bénéficiaires de l'INDH. Mais, essentiellement sur les deux volets qui sont le renforcement des capacités et le développement des infrastructures sociales. Celui des activités génératrices de revenus a été un peu le parent pauvre, comme l'a souligné le message royal adressé aux participants au Forum de l'INDH à Agadir. C'est la raison pour laquelle, dans la deuxième phase de l'INDH, il est très important de donner une pulsion particulière à ces activités sur deux niveaux : Tout d'abord, en facilitant le choix des activités génératrices de revenus pour qu'elles soient en phase avec les besoins du marché, afin d'en assurer la pérennité en accompagnant les porteurs de projets tout au long des deux premières années. Un premier test a eu lieu dans le cade du Millenium Challenge Corporation avec l'INDH, pour renforcer l'accompagnement et pour assurer cette pérennisation. Dans le cadre de la stratégie de développement de l'économie sociale menée par le ministère des Affaires économiques et générales, nous nous inscrivons dans cette logique d'accompagnement dans la mesure où nous sommes en train de mettre en place, dans le cadre d'une contractualisation avec les régions, des contrats-programmes dans le domaine du développement régional de l'économie sociale et solidaire. Et ce, à travers les plans de développement de l'économie sociale et solidaire. Aujourd'hui, 11 plans sont en cours de mise en place pour arrêter les différentes activités qui sont en phase avec les spécificités locales et qui, en même temps, peuvent avoir un devenir au niveau commercial et au niveau des marchés. Deuxièmement, nous agissons pour les coopératives, puisque nous les accompagnons pendant deux années depuis la date de leur création. Et enfin, nous intervenons dans le domaine de la commercialisation, puisque nous avons ouvert la possibilité aux coopératives de vendre leurs produits au niveau des grandes surfaces, ce qui permet aujourd'hui à plus de 300 coopératives d'accéder à des marchés porteurs. A côté de cela, il y a lieu d'accompagner l'INDH par des programmes intégrés suivant des données territoriales. Et à ce niveau, un premier travail avait été fait durant la période 2008-2010 avec un programme triennal qui assure cette convergence et cette intégration pour répondre aux besoins exprimés par l'INDH et, également, pour répondre aux attentes des collectivités et des élus locaux. Propos recueillis par Imane Bouhrara