- Le prix du baril de Brent flirte avec les 75 dollars contre un cours de 60 dollars retenu dans la Loi de Finances 2018. - L'OPEP et ses partenaires maintiennent la pression pour des prix élevés, sur fond de tensions géopolitiques.
Depuis fin décembre 2017 et jusqu'au mardi 24 avril courant, le prix du baril de Brent s'est apprécié de 8,19 dollars, passant de 66,8 à 74,99 dollars, portant les cours à leur plus haut en trois ans et demi. Et tout porte à croire que les tensions sur les prix de l'or noir ne vont pas s'estomper. Cela, à cause de trois principales raisons. Primo, l'objectif de remonter les prix reste toujours la principale préoccupation des pays membres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) et de leurs partenaires, dont notamment la Russie. Raison pour laquelle ils envisagent de prolonger, au-delà de 2018, l'accord sur la réduction de la production pétrolière adopté fin 2016. D'ailleurs, selon le Comité ministériel conjoint de suivi de l'accord Opep-non Opep, les niveaux des stocks commerciaux de brut de l'Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE) ont été ajustés, passant de 3,12 milliards de barils en juillet 2016 à 2,83 milliards de barils en mars 2018, soit une baisse de 300 millions de barils. Pour autant, les stocks commerciaux actuels restent au-dessus des niveaux observés avant le ralentissement du marché. En cela, le 21 juin, le comité, qui tiendra sa prochaine réunion, devrait pousser les pays signataires de l'accord à maintenir leurs efforts pour réduire l'excédent de l'offre de brut sur le marché et soutenir les prix. Secundo, les tensions géopolitiques au Moyen-Orient et entre la Russie et les Etats-Unis concourent à maintenir les prix à la hausse. Tertio, l'environnement économique est favorable, avec en toile de fond une croissance beaucoup mieux qu'attendue et une hausse de la demande chinoise en pétrole.
Les caisses de l'Etat à rude épreuve
S'il est un facteur exogène déterminant que le gouvernement suit de près, c'est bien l'évolution des prix du baril de pétrole. «Un dollar de plus dans le baril de pétrole coûte 800 millions de DH aux caisses de l'Etat». C'est l'information qu'avait donnée le wali de Bank Al-Maghrib, Abdellatif Jouahri, en mars dernier, lors du point de presse qui a suivi la tenue du Conseil de la Banque centrale. Ceci explique donc cela. On mesure ainsi mieux la portée de cette information dans la conjoncture actuelle, surtout pour une économie marocaine qui reste très dépendante énergétiquement de l'extérieur. Et les premiers effets se font d'ores et déjà ressentir, avec notamment le renchérissement de la facture énergétique. A fin février 2018, cette dernière s'est alourdie de 2 Mds de DH pour s'établir à 12,3 Mds de DH (+19,5%), indiquent les chiffres de l'Office des changes. Sa part dans le total des importations se situe à 16,1% à fin février au lieu de 15,4% un an auparavant. Le renchérissement de la facture énergétique continue ainsi de peser sur la balance commerciale : le déficit commercial s'établit à 48,7 Mds de DH à fin mars 2018 au lieu de 44 Mds de DH un an auparavant, pour un taux de couverture qui se situe à 58,4% contre 59,3%. Parallèlement, les pressions subies sur la balance commerciale affectent les réserves internationales nettes : de 241,5 Mds DH début janvier 2018, elles sont passées à 230,1 Mds de dirhams au 18 avril, soit 11,4 Mds de DH en moins. En cela, ce sont toutes les hypothèses retenues dans le cadre de la Loi de Finances 2018 qui sont biaisées actuellement. Rappelons, en effet, que le PLF 2018 a été élaboré, entre autres, sur la base d'un cours du pétrole à 60 dollars le baril et un cours moyen du gaz butane de 380 $/tonne. Dans le sillage de la hausse du cours de l'or noir, les prix du gaz butane ont atteint 505 dollars la tonne le 17 avril, en hausse de 15% depuis leur creux de février, soit 33% de plus que ce qui est prévu dans la Loi de Finances. C'est dire que, dans ce contexte, le Budget de l'Etat, qui nécessitera certainement des réajustements, est fortement chahuté. ■
Prix à la pompe : Les citoyens trinquent La hausse des produits pétroliers affecte aussi les consommateurs finaux, particulièrement leur pouvoir d'achat, dans un contexte marqué notamment par la fin des subventions sur les carburants. Premier effet immédiat : les prix à la pompe, qui peuvent varier ostensiblement d'une station-service à une autre. D'ailleurs, aujourd'hui, le prix du litre du gasoil a dépassé la barre «psychologique» des 10 dirhams dans certaines stations-service. Sur l'application Mahatati, développée par le ministère chargé des Affaires générales et de la Gouvernance, on peut constater que son prix est allé jusqu'à 10,14 DH.