Il y a à peu près 3 à 4 Mds de DH à récupérer chez les exploitants de sable. Une augmentation de 5 centimes/kg, prévue pour la taxe sur le ciment dans la LF 2012, se traduirait par une hausse du prix de vente. Le point avec David Toledano, président de la Fédération des matériaux de construction (FMC) sur les retombées d'une éventuelle implication de tout le secteur dans le financement du Fonds de solidarité pour l'habitat. - Finances News Hebdo : L'année 2011 s'est soldée par un résultat très positif pour le secteur du BTP, en particulier grâce à la relance du secteur de l'immobilier. Comment se porte cette activité pour le premier trimestre de l'année en cours ? - David Toledano : A vrai dire, ce n'est pas facile, on a un secteur difficile. Le ciment, par exemple, se porte bien avec une croissance très forte pour le premier trimestre due à un avancement des chantiers favorisé par une pluviosité faible, ainsi que par la relance du logement social, considéré comme une bonne locomotive qui tire bien le secteur. Par contre, les autres matériaux de construction souffrent énormément des importations et les prix continuent à baisser à l'échelle nationale. Aujourd'hui, tous les promoteurs importent notamment les carreaux, la céramique, le marbre, les aciers… Pour les briquetiers, c'est la même chose : il y a une très grande offre et les prix sont toujours à la baisse. - F. N. H. : Aujourd'hui, le Fonds de solidarité pour l'habitat est alimenté uniquement par la taxe sur les cimentiers qui payent 0,10 DH/kg. En tant que fédération, quelle est votre position quant à la participation des cimentiers à l'alimentation de ce Fonds. - D. T. : Aujourd'hui, comme nous l'avons toujours dit, il n'y a pas d'équité. Normalement, pour chaque taxe ou chaque impôt, il doit y avoir une équité fiscale qui est la base de tout prélèvement. Nous ne sommes pas contre une contribution à l'effort national à un moment donné. Cependant, nous contestons le fait d'imposer cette taxe pour la simple raison que le secteur fait actuellement des bénéfices. Même si l'initiative peut être noble, il n'y a pas d'équité. Revenons au cas du Fonds de solidarité pour l'habitat, je pense que c'est démagogique puisque les cimentiers sont vus comme des gens qui font d'énormes bénéfices, sans prendre en considération les grands investissements qu'ils font en parallèle. Si demain nous n'avons plus de cimentiers, le Maroc n'aura plus de réserves en termes de ressources en matières premières. - F. N. H. : Dans le cadre de la Loi de Finances 2012, une augmentation de 5 centimes/kg est prévue pour la taxe sur le ciment. Comment cette hausse va-t-elle en impacter le prix ? - D. T. : Ceci va augmenter mécaniquement le FSH, passant de 1,5 Md de DH pour une production de 15 millions de tonne de ciment avec une taxe de 10 centimes/kg à approximativement 2,3 Mds de DH pour une taxe de 0,15 DH/kg. Et à l'évidence, cette augmentation va automatiquement se répercuter sur le prix final du ciment. - F. N. H. : Le ministre de l'Habitat, de l'urbanisme et de la politique de la ville a déclaré que son ministère est en phase de réfléchir à la possibilité de faire participer les autres matériaux de construction, outre le ciment, à financer ce Fonds. Quelle analyse faites-vous de cette intention ? - D. T. : Personnellement, je pense qu'avant de parler d'augmentation de taxe pour les cimentiers ou pour le secteur des matériaux de construction en général, on doit veiller à ce que les autres acteurs du secteur payent leurs impôts. C'est le cas des exploitants de carrières de sable qui ne payent ni la TVA, ni l'IS, ni l'IGR. Il y a à peu près 3 à - Mds de DH à récupérer. En plus, si on doit élargir ce Fonds, je ne vois pas pourquoi les promoteurs immobiliers, qui gagnent également de l'argent, ne contribueraient pas à leur tour. Eux aussi profitent du retour de l'extension et de la construction. Il faut dire aussi que nous n'avons pas de visibilité sur les bénéfices que se font ces entrepreneurs, petits ou grands, puisqu'aucun n'est coté à la Bourse. Donc, au jour d'aujourd'hui, si en doit mettre en place un fonds de solidarité d'habitat national, il y a deux solutions : ou bien faire participer toutes les couches de l'économie en opérant un prélèvement et à ce moment fixer un deadline de 2 ou 3 ans, ou bien prendre uniquement le secteur du BTP et faire participer et les matériaux de construction et les promoteurs immobiliers dont les exonérations sont aujourd'hui importantes et qui se reflètent sur leurs bénéfices, ainsi que les entrepreneurs qui vont bénéficier des mises en œuvre. Pour ce faire, il faudra mettre de l'ordre dans le secteur, combattre l'informel, revoir les marchés qui échappent aux entreprises marocaines… À ce moment-là, on verra bien que l'argent récolté par l'Etat dépassera largement la question du Fonds de solidarité. Donc, pour résumer, il faut que tous les acteurs du secteur du BTP y participent et non pas uniquement les matériaux de construction. - F. N. H. : En cas d'application de cette mesure, quelle pourra être la réaction des professionnels des matériaux de construction? - D. T. : Malheureusement, nous ne pourrons rien faire si le gouvernement prend une telle décision. La seule chose qu'on peut demander est qu'il y ait plus de visibilité dans la prise de décision sur le FSH. Si réellement ce fonds doit se développer, il doit servir à redévelopper, redéployer, restructurer et rendre au secteur autant que possible la facilitation des constructions et la mise en production de logements nouveaux. Si on reste dans ce mode, il faudrait prouver l'utilisation avec plus de transparence du FSH. A ce moment-là, nous allons entrer dans d'autres considérations concernant la gestion de ce fonds et par qui il doit être géré. Contentons-nous de dire qu'aujourd'hui ce fonds est transparent, facile à suivre et à vérifier à partir d'une traçabilité de la production du ciment au Maroc. Il faut dire que les cimentiers sont exemplaires. - F. N. H. : Quelles sont les contraintes majeures qui vont s'imposer en cas d'application de cette taxe à l'ensemble des matériaux de construction ? - D. T. : Cette taxe imposera certainement plusieurs contraintes. Il faudra renforcer les mesures de contrôle avec des inspecteurs affectés à la collecte, ce qui n'existe pas aujourd'hui, vérifier les productions, les déclarations et les ventes de tous les matériaux de construction, combattre l'informel,…. Cette mesure est assez complexe, et plus on élargit la fourchette, plus cela se compliquera. Propos recueillis par L.Boumahrou