Résultats des sociétés cotées inferieurs aux attentes. Les turbulences sur les marchés internationaux ont eu un impact négatif sur la psychologie des investisseurs. Mohamed Benabderrazik, président du Directoire de la Société de Bourse MSIN, nous éclaire sur la situation de la Bourse de Casablanca. • Finances News Hebdo : Comment jugez-vous le comportement du marché boursier durant ces 4 premiers mois de l'année ? • Mohamed Benabderrazik : L'année 2012 connaît une baisse importante de l'activité boursière. Ainsi, sur les quatre premiers mois, le volume de transactions a baissé de 39% sur le marché central actions, avec une tendance baissière des indices. Cette tendance est expliquée, notamment, par les résultats des sociétés cotées qui ont été inférieurs aux attentes et le déficit de liquidités sur le marché des capitaux. Sans oublier que le démarrage de 2011 a été le prolongement d'une année 2010 dynamique, alors que 2012 a démarré dans le sillage de l'année 2011 durant laquelle un climat d'attentisme et d'incertitude s'est installé. Cela explique en partie la baisse des volumes sur la période d'une année sur l'autre. • F. N. H. : Peut-on croire à une hausse probable du marché d'ici fin 2012 ? • M. B. : Le marché peut reprendre son activité normale; nous sommes sur un cycle baissier qui a dépassé 4 ans et nous nous approchons probablement de la fin de ce cycle. D'autre part, les prévisions économiques relatives à 2013 sont de 5%. Cet environnement peut bénéficier aux sociétés cotées notamment dans les secteurs immobiliers, BTP et distribution. Le marché pourrait anticiper tout cela dès le 4ème trimestre 2012. Enfin, il existe aujourd'hui des valeurs qui possèdent des niveaux de valorisation attractifs à même de commencer à intéresser les investisseurs. Toutefois, la reprise attendue a besoin de facteurs déclencheurs; cela pourrait être des introductions en Bourse, et notamment des ouvertures de capital d'entreprises publiques accompagnées d'une mise en œuvre rapide des 4 textes de lois adoptés par le gouvernement. • F. N. H. : Quelles sont, selon vous, les raisons de cette tendance baissière? • M. B. : Lors des années haussières 2007 et début 2008, des valeurs avaient atteint des niveaux de valorisation deux fois plus élevés qu'aujourd'hui et plus et continuaient à être demandées ; nous étions dans un excès de confiance. Depuis le déclenchement de la crise en 2008 et la baisse qui s'en est suivie, le marché n'a plus retrouvé la confiance, entraînant un climat d'attentisme et d'incertitude. Les turbulences sur les marchés internationaux ont eu un impact négatif sur la psychologie des investisseurs. Le déficit de liquidités sur le marché des capitaux a réduit la part destinée à être investie sur le marché action du fait de la hausse de la courbe des taux et le positionnement des investisseurs sur le court terme. Les résultats des sociétés cotés, qui étaient inférieurs aux attentes durant ces deux dernières années, et le retard pris dans l'entrée en vigueur de la Loi de Finances, sont également des facteurs qui ont alimenté l'incertitude. • F. N. H. : Comment, selon vous, les clients, notamment particuliers, doivent se comporter face à cette situation? • M. B. : Les clients qui disposent déjà de portefeuilles doivent les conserver et penser éventuellement à les renforcer en concertation avec leurs conseillers financiers pour mieux répondre aux exigences de rentabilité et d'horizon de placement. Les épargnants qui ne disposent pas de portefeuilles et qui ont un horizon de placement moyen et long terme, peuvent commencer à se positionner sur le marché. • F. N. H. : Selon vous, du papier neuf pourrait-il combler le déficit enregistré à la Bourse de Casablanca? • M. B. : Absolument. La Bourse est un excellent moyen de financement aussi bien pour la PME que pour les grandes entreprises; les émetteurs potentiels disent souvent que ce n'est pas le moment. Je pense, au contraire, que les émetteurs répondant aux critères peuvent aujourd'hui franchir le pas. Le financement classique est limité et l'exonération fiscale pour les entreprises qui s'introduisent en Bourse arrive à échéance à fin 2012. Simplement, pour que l'introduction en Bourse soit un succès, il faudrait qu'elle réponde à un objectif de financement face à un projet de développement; la société doit ainsi être bien préparée et les niveaux de valorisation proposés attractifs. Les sociétés ayant répondu à ces deux exigences ont connu un grand succès après leur introduction. • F. N. H. : Qu'en est-il des réformes en attente d'application, et à quel point pourraient-elles contribuer à une reprise du marché et rendre confiance aux investisseurs? • M. B. : D'abord, je salue l'adoption par le gouvernement des derniers projets de lois concernant l'appel public à l'épargne, le marché à terme, l'autorité du marché des capitaux et le prêt de titres. A ce titre, nous souhaitons une mise en œuvre rapide des textes d'application car, une fois opérationnels, ces projets donneront sans doute un nouveau coup de pouce à l'émergence de nouveaux instruments sur le marché, à la régulation et à la transparence. Néanmoins, ces lois sont nécessaires et non suffisantes pour relancer le marché. L'Etat pourrait diversifier davantage ses sources de financements, via l'utilisation accrue du marché des capitaux en général et de la Bourse en particulier, par privatisation ou ouverture de capital d'entreprisse publiques. En effet, cela permettrait à l'Etat d'alléger le ratio d'endettement en ayant moins recours au marché de la dette interne et d'éviter par la même occasion d'exercer un effet d'éviction sur le financement de l'économie dans un contexte de déficit structurel de liquidités. L'autre maillon de la chaîne qui mérite toute l'attention des autorités monétaires et financières est celui de l'épargne, aussi bien l'épargne institutionnelle que celle des ménages, qui ont besoin d'une fiscalité adaptée et d'une véritable politique d'encouragement, sachant que le taux d'investissement dépasse aujourd'hui le taux d'épargne.