■ Il faudra un peu de temps pour que le gouvernement s'attelle à la tâche. ■ Youssef Benkirane, Président de l'Association Professionnelle des Sociétés de Bourse, espère avoir rapidement, et surtout concrètement, des réformes du marché financier. ✔ Finances News Hebdo : Le marché boursier marocain se base sur de bons fondamentaux, la masse bénéficiaire est en hausse, trois sociétés ont franchi le pas des introductions en Bourse… Pourtant, le marché agonise. Qu'est-ce qui explique ce manque de confiance vis-à-vis du marché ? ✔ Youssef Benkirane : La masse bénéficiaire n'a augmenté que de 4% au premier semestre 2011, comparativement à la même période de l'année précédente. Nos estimations prévoient une stagnation sur un exercice glissant, ce qui peut expliquer, entre autres, le manque de vivacité de l'indice. Pour 2012, on a des estimations de croissance de la masse bénéficiaire qui sont de 11 à 12% (BMCE Capital Bourse). Malgré des fondamentaux corrects, une masse bénéficiaire prévue en hausse et une croissance économique de plus de 4%, d'après les prévisions du Haut Commissariat au Plan en 2012, nous restons toujours dans un contexte d'attentisme où les anticipations ne sont pas nécessairement très positives. Et c'est la raison pour laquelle l'indice général du marché n'est pas orienté à la hausse. Il est vrai que le volume d'activité quotidien depuis le début de l'année reste très faible et que le volume du mois de décembre (connu pour son effervescence) corrigé des allers-retours est pareil aux mois précédents, mais nous n'allons pas jusqu'à dire que le marché est en train d'agoniser. Le marché est léthargique à cause du manque de confiance et de visibilité par rapport aux éventuelles actions qui pourraient être entreprises en faveur de ce dernier. Nous avons conscience qu'il faut un peu de temps pour que le gouvernement s'attelle à la tâche. Pour le moment, il est un peu prématuré de se prononcer sur les actions ou réformes qu'il pourrait entreprendre en faveur des marchés financiers. Ce qui explique en partie cet attentisme. Par ailleurs, la situation internationale inquiète les opérateurs marocains que ce soit dans le secteur touristique, celui de l'industrie automobile ou de l'offshoring… Tous ces secteurs sont attentifs à ce qui se passe à l'étranger. En conclusion, l'ensemble de ces éléments conjugués à une conjoncture internationale incertaine se traduisent par un assoupissement du marché boursier. ✔ F. N. H. : Qu'espérez-vous des opérateurs du marché, privé ou public, pour «sauver» le marché boursier marocain ? ✔ Y. B. : Nous espérons avoir rapidement et surtout concrètement des réformes du marché financier, notamment tout ce qui a trait au toilettage des textes actuels, à la mise en place de nouveaux textes de loi qui nous permettent d'introduire de nouveaux produits, de nouvelles réglementations, de nouveaux compartiments dans le marché, de nouveaux instruments financiers, de nouvelles pratiques telles que le prêt emprunt titres et le marché à terme… Ce qui est fondamentalement important, mais plus basique, c'est l'institution d'un travail sérieux et intelligent sur la diffusion de la culture boursière et l'élargissement du nombre d'épargnants qui sont peu nombreux aujourd'hui. En parallèle, il faut travailler sur les entreprises cibles à s'introduire en Bourse. Un travail de terrain, un marketing fort, de manière à sensibiliser ces dernières, s'avère dès lors indispensable. En somme, le travail doit être effectué sur l'offre et sur la demande de manière simultanée. ✔ F. N. H. : Le Directeur Général de la Bourse de Casablanca partirait en quête d'entreprises introductibles africaines. Peut-on annoncer une perte d'espoir sur le marché national ? ✔ Y. B. : Je n'irais pas jusqu'à déclarer cela. Les entreprises africaines constituent une cible importante qu'il faut prospecter et qui, idéalement, pourraient venir lever les capitaux au Maroc. Cependant, préalablement à cela, il y a un certain nombre de réformes qui touchent la réglementation qui doivent être mises en place, notamment un assouplissement de la législation des changes concernant ces futures opérations. Afin d'attirer les entreprises, il faut que celles-ci puissent non seulement venir lever les capitaux mais également pouvoir les rapatrier sans difficultés dans leur pays d'origine pour les utiliser pour leur croissance. Je considère personnellement que les pré-requis ne sont pas complètement en place pour permettre à ces entreprises africaines de faire appel public à l'épargne au sein du marché boursier marocain. On a eu une expérience qui était intéressante sur le plan symbolique, Ennakl, même si sur le volet technique on peut reprocher la «non-fongibilité» du titre. (c'est-à-dire qu'on ne pouvait pas acheter une action Ennakl à Casablanca et la vendre à Tunis et donc faire de l'arbitrage comme pour l'action IAM). Afin de donner l'exemple et rendre notre place plus attractive, il faudrait d'abord s'épuiser à faire ce travail sur la «cote casablancaise»…. ✔ F. N. H. : A quel moment, d'après vous, le marché boursier verra le bout du tunnel ? ✔ Y. B. : Il faut rester optimiste. Je pense qu'on ne peut pas connaître une année plus mauvaise que 2011. Cette année sera meilleure côté volume, performance, nombre d'introductions en Bourse… Il faut absolument travailler sur l'offre et la demande, au même titre que la sensibilisation des entreprises (en élargissant aux PME) à s'introduire en Bourse d'une part, et la diffusion de la culture boursière, d'autre part, auprès des investisseurs individuels. Je suis persuadée qu'une IPO de grande taille, dont le montant dépasserait le 1 Md de DH, ferait beaucoup de bien au marché en jouant le rôle de catalyseur. Cependant, dans un contexte pareil où il y a beaucoup d'attentisme, il faut qu'il y ait une opération très attrayante, avec une valorisation juste, qui serait d'une taille suffisamment importante, qui puisse mobiliser tous les opérateurs et permettre de toucher un maximum d'investisseurs épargnants afin d'espérer au final une «redynamisation» du marché boursier. ■ Dossier réalisé Par I. Benchanna