Le gouvernement Benkirane devra revoir sa copie. Les hypothèses retenues dans le cadre du projet de Loi de Finances 2012 pourraient être fortement compromises. Conséquence directe : le taux de croissance du PIB de 4,2% devrait être revu à la baisse. Et fortement. Les observateurs les plus pessimistes tablent déjà sur un retrait d'au moins 2 points. Cela a l'air de surprendre; pourtant, c'était prévisible. Nous avions, dans ces colonnes, donné plusieurs fois l'alerte, compte tenu notamment de la conjoncture nationale et internationale actuelle. Il est à ce titre utile de rappeler, s'il en est besoin, que le taux de croissance du PIB dépend tant de facteurs endogènes qu'exogènes. Aujourd'hui d'ailleurs, le principal socle de la croissance reste la demande intérieure à un moment où la demande étrangère adressée au Maroc est au ralenti. Dans sa dernière note de conjoncture, la Direction des études et prévisions financières souligne, à cet effet, que les échanges extérieurs des biens, au titre du premier mois de l'année 2012, ont donné lieu à un déficit commercial de 16,6 milliards de dirhams, en aggravation de 23,4% par rapport à janvier 2011, en raison d'une augmentation des importations (+13,3%) à un rythme plus rapide que celui des exportations (+2,5%). Crise de la dette souveraine dans zone euro oblige, le principal partenaire économique du Royaume est ainsi, en souffrance, avec des répercussions non négligeables sur les investissements et prêts privés étrangers, lesquels ont atteint à fin janvier 1,5 Md de DH, soit une régression de 18,3% en glissement annuel. Par ailleurs, le contexte géopolitique international du moment ne plaide guère en faveur du Royaume. Les sanctions contre Téhéran, notamment l'embargo pétrolier décidé par l'Union européenne, risquent fort de perturber l'offre mondiale en pétrole. Et même si l'Arabie Saoudite a promis d'ouvrir les vannes, les experts tablent sur une forte tension sur les prix d'ici l'été prochain. Un casse-tête pour le gouvernement qui a, dans ses hypothèses, retenu un prix du baril de pétrole à 100 dollars, alors que celui-ci oscille déjà entre 105 et 110 dollars, avec un pic de 128 dollars atteint le 13 mars. C'est dire que les charges de compensation risquent d'exploser, avec pour corollaire l'impossibilité de contenir, comme initialement prévu, le déficit budgétaire aux alentours 5% du PIB pour 2012. Et pour couronner le tout, les caprices de la météo ont fortement compromis la campagne agricole 2011-2012. Ce qui a poussé le gouvernement à racler les tiroirs pour venir en aide au secteur agricole avec une enveloppe de 1,53 Md de DH pour sauvegarder le cheptel dans les zones particulièrement touchées par le déficit pluviométrique. Face à cette situation délicate, tout est donc remis en cause. Situation qui poussera forcément Benkirane à ne plus ménager la chèvre et le chou : il va falloir faire preuve de courage politique pour prendre des décisions fortes. Quand bien même elles seront impopulaires.