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Maroc-Espagne : «La coopération culturelle appartient à la happy agenda des deux pays»
Publié dans Finances news le 05 - 03 - 2012

La coopération culturelle Maroc-Espagne représente l'une des plus importantes coopérations pour l'Espagne à l'étranger.
2 à 3 millions d'euro sont alloués par an au partenariat bilatéral.
Tour d'horizon avec Guillermo Escribano, conseiller culturel à l'Ambassade d'Espagne à Rabat, sur la coopération culturelle entre les deux pays voisins.
* Finances News Hebdo : Tout d'abord, comment définiriez-vous la coopération culturelle Maroc-Espagne?
* Guillermo Escribano : La coopération culturelle est l'un des vecteurs qui marche le mieux entre le Maroc et l'Espagne. Non seulement parce que nous avons en commun tout un patrimoine, mais parce que nous sommes deux pays voisins et qu'une bonne partie du Maroc, surtout dans le Nord, parle espagnol.
Il y a plusieurs points qui nous unissent dont la langue, les beaux-arts, la musique, l'architecture et l'archéologie.
La coopération culturelle entre l'Espagne et le Maroc est l'une des plus importantes pour l'Espagne à l'étranger, du même niveau que celles que nous avons avec quelque Etats voisins européens ou avec les pays de l'Amérique latine.
* F.N.H. : Comment est-elle déclinée ?
* G.E. : Le Maroc est le pays où un plus grand nombre d'administrations publiques et d'institutions espagnoles du monde culturel agissent. Nous avons l'administration centrale qui, par le biais de l'Institut Cervantes, l'Agence Espagnole de Coopération Internationale au Développement (AECID) et le ministère de la Culture, opère dans toutes les disciplines. D'autres administrations régionales, comme les communautés autonomes et les députations provinciales, et les grandes municipalités (comme Barcelone) coopèrent avec les autorités marocaines dans le domaine de la culture et du patrimoine.
Pour ce qui est de la coopération académique, l'Espagne est le premier partenaire du Maroc en coopération et recherche universitaire avec plus d'1,5 million d'euros par an et une centaine d'accords entre les universités. Très récemment, on a signé un accord entre les deux pays sur les campus transfrontaliers.
Les Marocains sont maintenant le deuxième groupe étranger non-communautaire dans les universités espagnoles avec 5.000 inscrits, et même plus. C'est donc une communauté importante, notamment dans certaines spécialités comme la pharmacie, à l'université de Grenade, qui est considérée comme l'une des grandes Facultés «marocaines» à l'Université espagnole.
Aujourd'hui, plus de 800.000 citoyens marocains habitent en Espagne. Ils représentent la 2ème communauté après les Roumains. Ceci témoigne d'un lien de populations très fort, avec une troisième génération qui commence à très bien connaître la réalité des deux pays, et qui est dépourvue de clichés.
Nous sommes deux pays très hétérogènes du point de vue géographique, de population et culturel, mais dans lesquels il y a un certain monolithisme d'idées préconçues dans le domaine culturel.
Mis à part la coopération dans l'enseignement supérieur et la coopération en matière de sciences à travers des centres supérieurs des deux pays, la colonne vertébrale de l'action culturelle de l'Espagne au Maroc est l'enseignement de l'espagnol à travers le réseau des Instituts Cervantes qui est le 2ème réseau en importance et en nombre dans le monde après le Brésil, avec 6 centres et 6 antennes, dont 2 qu'on vient d'ouvrir à Agadir et à Essaouira et qui, espérons-le, vont être l'embryon du futur centre dans le région Souss Massa Daraa.
L'espagnol comme outil professionnel, mis à part le culturel, est quelque chose que nous sommes en train d'impulser, puisqu'il ouvre beaucoup de portes aux Marocains, notamment avec l'Amérique Latine.
* F.N.H. : Quel est le budget alloué à cette coopération ?
* G.E. : Le budget alloué à la coopération culturelle est d'environ 2 à 3 millions d'euros par an, avec 1 million d'euros qui est consacré à l'activité culturelle.
Avec plus de 700 de ces activités et l'organisation de plus de deux activités par jour par les institutions Cervantes, depuis la projection d'un film DVD jusqu'à un événementiel, soit un Festival, un spectacle international ou une grande exposition. Ce qu'il faut savoir, c'est que le Maroc fait partie des pays où l'Espagne opère avec des contenus qui appartiennent à la première division de notre culture. Les artistes qui se produisent dans nos grands théâtres espagnols sont les mêmes qui viennent ici.
* F.N.H. : Est-ce que cette coopération opère dans les deux sens ?
* G.E. : Dans le programme de coopération interuniversitaire, la plupart des laboratoires sont des laboratoires conjoints entre chercheurs espagnols et marocains qui se déplacent dans les deux sens.
Dans les activités culturelles que nous organisons au Maroc, il y a le désir espagnol de faire connaître ces artistes et il y a également des activités qui se complètent avec un volet marocain.
Dans le sens inverse, nous avons certaines institutions espagnoles qui organisent des activités et qui font appel à des artistes et des intellectuels marocains.
* F.N.H. : Quels sont les autres points du Royaume que vous ciblez pour votre implantation ?
* G.E. : En ce moment, l'effort d'être présent dans le triangle Marrakech, Essaouira et Agadir est principal. Dans un proche avenir, nous visons d'aller vers l'Oriental, notamment Oujda où il y a de l'intérêt pour l'espagnol.
Nous essayons également d'être présents dans les universités marocaines.
* F.N.H. : Le Maroc prend un nouveau départ avec une nouvelle Constitution et un nouveau gouvernement ; comment percevez-vous l'avenir de la coopération Maroc-Espagne ?
* G.E. : Il y a des points similaires entre l'Espagne et le Maroc. Ce sont des moments d'ouverture. Il y a beaucoup d'initiatives qui sont en train d'être faites au Maroc dans le volet culturel, avec un état des lieux de la culture au Maroc. Il y a également, la mise en place de 2 ou 3 sites web pour créer une sorte de wikipedia du monde culturel.
En Espagne, 4% du PIB sont dédiés aux industries créatives et à la culture, soit le double de ce que nous octroyons à l'agriculture ou à l'énergie. C'est le résultat d'une politique qui s'articule autour d'un effort de stratégie et d'étude.
Avec ce nouvel élan et l'importance de la culture dans la société, le Maroc va pouvoir en tirer profit dans le proche avenir.
* F.N.H. : Qu'en est-il de la programmation de l'année 2012 ?
* G.E. : Nous avons des projets dans toutes les disciplines. Nous venons d'achever un cycle de folk, avec toujours la volonté de montrer aux Marocains une image plus diversifiée de la culture espagnole.
Nous sommes en phase de boucler un programme de culture urbaine qui démarrera à partir du mois d'avril avec hip hop, rap, design industriel, graffiti, littérature,…., avec des participants espagnols et marocains.
Nous organisons une série de conférences et de séminaires, notamment le 8 mars à l'Université de Marrakech, l'organisation du 3ème forum «Femmes en action» en coordination avec la Fondation espagnole de l'Institut de la Méditerranée, l'Université de Marrakech et la Faculté des Lettres de l'Université Mohammed V Agdal de Rabat. Un forum dédié à la femme dans tous les volets professionnels et sociaux.
La musique moderne rock et le théâtre contemporain seront présents dans tous les instituts Cervantes.
Toute la programmation de l'année 2012 est consultable à travers les sites web des instituts Cervantes et très bientôt dans le site www.cultura.ma, que nous sommes en train de construire.
* F.N.H. : Quelles sont les perspectives de la coopération à moyen et long termes ?
* G.E. : La politique de l'Espagne en matière de coopération culturelle est basée sur des pays prioritaires. Lorsqu'un pays commence à être classé parmi les pays plus développés, l'action de coopération culturelle au développement s'estompe jusqu'à disparaître peu à peu. Ça serait une bonne nouvelle si le modèle de coopération culturelle se modifie progressivement et que la relation se fasse aussi entre le privé et les grands Festivals marocains qui ont les moyens d'inviter les grandes stars espagnoles. Toutefois, entre des pays voisins comme le Maroc et l'Espagne, il y aura toujours une relation très forte dans le culturel à travers les mécanismes institutionnels.
* F.N.H. : La relation entre les deux pays est parfois mise à l'épreuve avec quelques perturbations politiques et économiques. Est-ce que cela se répercute sur la coopération culturelle ?
* G.E. : La coopération culturelle Maroc-Espagne appartient à la happy agenda des deux pays. Elle permet également aux deux peuples de se connaître et de se rapprocher. Les possibles hauts et bas de la relation entre Etats voisins n'a jamais affecté l'intensité des échanges culturels.
* F.N.H. : Depuis 2008, vous êtes conseiller culturel à l'Ambassade d'Espagne au Maroc, que pensez-vous de la culture marocaine et de son évolution ?
* G.E. : Je pense qu'en 4 ans, on ne peut pas évaluer une culture d'une telle envergure et qui, comme partout ailleurs, est dynamique. Cependant, j'ai perçu une prise de conscience de l'importance de la culture dans le débat, mais un long parcours reste à faire. J'ai l'impression aussi que les autorités marocaines sont de plus en plus conscientes que, derrière la culture, il y a de la richesse et du développement.
Propos recueillis par Lamiae Boumahrou


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