■ Le contexte est difficile, alarmant certes, mais pas désespérant. ■ Selon Khalid Ayouch, Administrateur Directeur Général de Six Telekurs Mena, il serait opportun de profiter de cette période pour prendre des mesures favorisant l'augmentation du flottant réel des sociétés cotées et l'accélération de la mutation du CDVM en autorité des marchés des capitaux. ✔ Finances News Hebdo : Selon vous, pour quelles raisons la confiance est perdue sur le marché financier marocain ? ✔ Khalid Ayouch : Effectivement, le contexte de marché actuel est difficile et la nécessité de rétablir la confiance dans le rôle que peuvent jouer les marchés financiers dans le financement d'une économie est une priorité. Maintenant, il faut faire une distinction entre le marché de la dette, qui fonctionne plutôt bien, malgré le contexte difficile actuel, et le marché actions qui, lui, subit plus directement le contexte économique actuel. A cela, il faut bien entendu ajouter la situation économique globale des marchés, notamment en Europe et les conséquences de la crise financière sur l'économie réelle et son impact en terme de ralentissement des taux de croissance de nos pays partenaires. Tant que nous traverserons cette période de turbulence, il faudra redoubler d'efforts pour rassurer les investisseurs et garder confiance dans notre capacité à rebondir au moment opportun. ✔ F. N. H. : Est-ce que le niveau de crise que traverse le marché boursier est alarmant ? ✔ Kh. A. : Le marché boursier subit plus directement le contexte de crise actuel. Le contexte est difficile, alarmant certes, mais pas désespérant. Relativisons les choses : il est vrai que le Masi a perdu 15% depuis un an. Il est aussi vrai que, à 11.000 points, il est très loin de son pic historique de 14.900 points enregistré le 13 mars 2008 et, qu'à ce titre, ceux qui ont acheté en période d'euphorie ont perdu à ce jour 26% de leur mise en moyenne. Mais la performance du Masi sur 2 ans est positive de 7%. Sur 3 ans, elle est de 13% et il culmine surtout à 220% si l'on se rapporte à la situation il y a dix ans. Vues sous cet angle, les performances de nos sociétés cotées, portées notamment par les réformes de fonds entreprises par notre économie, sont plutôt honorables, comparées notamment à ce qui se passe sur d'autres places financières où les corrections ont été beaucoup plus sévères. Par contre, nous sommes plus inquiets en ce qui concerne la baisse des volumes et de la liquidité, qui limite la marge de manœuvre des intervenants et des investisseurs en termes d'arbitrage et de trading. ✔ F. N. H. : A quoi est due la situation actuelle du marché boursier marocain ? ✔ Kh. A. : La situation de léthargie actuelle est la conséquence d'une combinaison d'éléments. Il y a d'abord la situation économique mondiale (turbulences de la zone euro, dettes souveraines et révision des ratings des pays développés…) qui n'incite guère à l'optimiste et qui accentue ce sentiment de méfiance vis-à-vis du système financier dans sa globalité. Il y a ensuite la situation géopolitique régionale extrêmement tendue et qui ne favorise pas, pour l'instant en tout cas, l'investissement et la prise de risque avec une confusion pour les étrangers qui tendent à mettre le Maroc dans la même zone de risque que les autres pays de la région. Il y a également, et c'est peut-être la raison principale pour un marché marocco-marocain que les arbres ne montent pas jusqu'au ciel ! N'oublions pas que la Bourse a connu des années très fastes qui n'ont pas nécessairement reflété la vraie croissance bénéficiaire des sociétés qui y sont cotées. Les investisseurs ont pris conscience de cela et sont désormais plus regardants sur le véritable potentiel de croissance des émetteurs avant de placer leur argent. Tout ceci s'est accompagné par une quasi-absence d'IPO avec ce que cela peut engendrer en termes d'image et de communication autour de la Bourse et de ses bienfaits. L'absence de culture financière et le nombre réduit d'intervenants n'ont pas aidé non plus. Je pense que la confiance et le retour des IPO sont les éléments clés pour redynamiser le marché boursier. Ce dernier doit évoluer en profondeur, donner plus d'opportunités aux investisseurs et apporter plus de liquidité. ✔ F. N. H. : A ce titre, de quelle manière le nouveau gouvernement devrait s'y prendre pour stimuler la liquidité, les interventions, les IPO et, de manière générale, la confiance ? ✔ Kh. A. : Aujourd'hui, je ne pense pas que la Bourse soit la priorité des priorités du gouvernement actuel, compte tenu notamment de la multitude de dossiers prioritaires auxquels il doit s'attaquer et qui sont essentiellement d'ordres sociaux et structurels (Caisse de compensation, chômage des jeunes, .. etc). Par contre, j'estime que le processus politique entamé ces derniers mois peut venir favoriser un retour de confiance, et ce d'une manière générale et à plusieurs niveaux : politique, éthique, psychologique… Et comme vous le savez bien, la confiance des consommateurs et des entrepreneurs favorise à son tour l'activité économique, l'investissement, la prise de risque… Si cette dynamique s'installe, nous pouvons espérer regagner la confiance des marchés et créer des retombées positives sur la croissance bénéficiaire des sociétés cotées et un retour des investisseurs. Parallèlement, d'un point de vue plus technique, il serait opportun de profiter de cette période pour prendre des mesures favorisant l'augmentation du flottant réel des sociétés cotées, l'accélération de la mutation du CDVM en autorité des marchés des capitaux avec ce que cela est supposé engendrer comme responsabilisation des acteurs et retour de confiance des investisseurs… ✔ F. N. H. : Comment appréhendez-vous cette année pour le marché boursier marocain? A quel moment ce dernier recevra un coup de jeune ? ✔ Kh. A. : Franchement, l'exercice de prédiction n'a pas beaucoup de sens de nos jours. On peut essayer de faire des pronostics et partir d'une hypothèse à une autre, mais quand on voit, sur le plan politique, l'effondrement de régimes puissants en quelques mois et, sur le plan économique, la faillite de banques extrêmement solides, on a le sentiment d'être dépassés… Les plus pessimistes ne s'attendent pas à un retour sur un terrain positif sur les marchés européens avant quelques années. J'espère que le Maroc saura profiter de son marché intérieur pour porter sa croissance, et ce dans l'objectif de donner de la visibilité aux opérateurs au cours du second semestre de l'année. Reste à voir des signes tangibles et des mesures concrètes allant dans ce sens …. ■ Dossier réalisé Par I. Benchanna