La trajectoire du marché dément les pronostics des analystes. Les investisseurs en totale perte de confiance. Des signaux économiques encourageants. Un retournement de tendance est-il toujours possible ? Le marché boursier est toujours empêtré dans une profonde léthargie. Le Masi et le Madex naviguent en zone rouge, terminant la séance du 05 septembre courant avec des contre-performances annuelles respectives de -7,57 et -7,37%. Cette atonie, qui perdure depuis des mois, ne semble pas près de s'estomper, tant le marché semble être miné par la perte de confiance des investisseurs. «Les investisseurs attendent des signaux forts qui pourraient les faire revenir sur le marché. La perte de confiance est telle qu'il faudrait une série d'annonces, voire de mesures exceptionnelles pour les sortir de leur attentisme», confie un analyste de la place. Pourtant, tout au début de l'année, rien ne laissait présager que cet exercice boursier allait prendre une telle tournure. Surtout que les différentes notes de recherche publiées par certaines sociétés de Bourse tablaient plutôt sur une orientation à la hausse de l'indice général, avec en toile de fond un contexte économique qui allait en s'améliorant. Les analystes d'Attijari Intermédiation tablaient ainsi sur un retour de confiance au marché qui devait être le principal facteur de la performance boursière en 2011. Ils estimaient ainsi, dans ce contexte, que le Masi devait atteindre 14.000 points à fin mars 2011, non sans relever que «certaines sources de volatilité pourraient constituer des facteurs de perturbation à court terme (comportement spéculatif, prises de bénéfice, rebonds techniques…)». Ce seuil de 14.000 points, le Masi ne l'a jamais atteint, réussissant seulement à se hisser à un plus haut de 13.292,27 points lors de la séance du 3 janvier dernier. Quant aux analystes de Crédit du Maroc Capital, ils sont allés bien plus loin, prévoyant ainsi une performance annuelle du Masi de 17,45% au terme de l'exercice 2011. En signalant toutefois que la réalisation de cette performance escomptée dépendra de la concrétisation ou non de certains événements majeurs (désengagement de l'ONA-SNI de certaines de ses filiales cotées, la cession par l'Etat de 8% du capital de Maroc Telecom, les nouvelles IPO, l'impact de la conjoncture économique internationale sur certaines sociétés cotées, le risque de non-réalisation des projets immobiliers et touristiques dans les délais prévus …). Des raisons d'espérer… Il faut croire que malgré la tendance haussière de fond observée depuis août 2010, il n'y a jamais eu retour de confiance au marché. «Cette dynamique de fond a été perturbée par des évènements majeurs comme les troubles sociaux qui ont entaché la région, sans épargner le Maroc, en plus de l'attentat meurtrier de Marrakech qui ont fini de miner la confiance des investisseurs», relève notre analyste. Ces évènements ont eu ainsi raison des investisseurs les plus téméraires, lesquels ont adopté une posture attentiste dans un marché en difficulté… le temps que passe l'orage. Mais l'orage est-il passé ? Quand bien même les investisseurs restent toujours suspicieux et méfiants, on est tenté de répondre par l'affirmative. Cela, pour plusieurs raisons. D'abord, sur un plan purement économique, le profil de l'économie nationale s'annonce assez reluisant. Selon la Direction des études et des prévisions financières relevant du ministère de l'Economie et des Finances, «les perspectives de croissance pour 2011 s'annoncent favorables, en raison notamment de la poursuite de la reprise des activités non agricoles et d'une demande mondiale jusqu'alors positive». En cela, au terme du premier semestre, les activités agricoles affichent une évolution favorable en rapport avec la bonne récolte céréalière (87,6 millions de quintaux, soit une hausse de 18% par rapport à la campagne précédente). De même, «la consommation des ménages se serait bien orientée au titre du premier semestre de l'année 2011, bénéficiant notamment de l'amélioration des revenus des ménages, en relation avec le maintien du taux de chômage en dessous de 9%, les bons résultats de la campagne agricole et la bonne tenue des transferts des MRE», précise la même source. Tout autant, le secteur touristique affiche des indicateurs favorables sur la même période, avec notamment des arrivées en hausse de 6,3% en glissement annuel. Seul bémol au tableau : les dépenses de compensation continuent de peser lourdement sur le budget de l'Etat, suite au choix des pouvoirs publics de ne pas répercuter la hausse des prix internationaux des matières premières sur le plan interne. Tout autant, les réformes constitutionnelles initiées par le Souverain, qui ont trouvé un écho favorable auprès de la communauté internationale, devraient contribuer à consolider les bases d'une croissance économique durable. Sur le marché boursier, les sociétés cotées dégagent globalement des fondamentaux solides et devraient maintenir leur dynamique de développement. Par ailleurs, «il faut s'attendre à des résultats semestriels globalement conformes aux prévisions, même si certaines sociétés fortement exposées à l'international pourraient pâtir de la volatilité des prix à l'international et présenter des résultats en forte baisse», souligne notre source. Sur ce registre d'ailleurs, le marché fait état d'un profit warning que pourrait lancer Maghreb Oxygène qui risque de réaliser des résultats très en deçà de ses prévisions. Tous ces signaux pourront-ils permettre d'infléchir la tendance du marché ? Pas si sûr. Surtout lorsque l'on sait qu'au Maroc il y a toujours eu un hiatus entre la sphère réelle et la sphère financière et que l'évolution des cours ne reflète pas vraiment les fondamentaux des sociétés cotées. D. W. Du papier… et des réformes C'est peu de dire qu'à l'heure actuelle le marché boursier a besoin de papier frais… et de qualité. Ceux qui comptaient donc sur la cession par l'Etat de 7% du capital de Maroc Telecom pour dynamiser un peu le marché boursier ont donc vite déchanté, l'Etat ayant fait marche arrière. Il faudra donc attendre que d'autres sociétés potentiellement cotables franchissent le pas pour voir un peu d'animation sur le marché. En attendant, le marché boursier continue sa mue, avec désormais une Autorité marocaine du marché des capitaux aux prérogatives élargies, appelée à jouer un rôle autrement plus important dans la régulation de la place casablancaise. Reste que la cadence des réformes devrait se poursuivre : les investisseurs attendent toujours la mise en place du marché à terme.