Dans le domaine des marchés publics, plusieurs facteurs seraient à l'origine de l'inflation des affaires contentieuses portées devant le juge administratif, qui rétablit l'équilibre entre l'administration et les entreprises. Même s'il est difficile d'avoir un chiffre exact du nombre de contentieux afférents aux marchés publics, une chose semble certaine : les litiges seraient en hausse. Certains hommes de droit, notamment les avocats, relient cette inflation au foisonnement des marchés publics au cours des dernières années. Interrogé par nos soins sur les causes de la progression du contentieux dans le domaine de la commande publique, maître Abdelrhani Nkaira, avocat au Barreau de Casablanca, révèle un fait de taille, annonciateur des nouveaux rapports entre les entreprises marocaines et les tribunaux administratifs. «Nous assistons clairement à la hausse des contentieux du fait en partie de la confiance des entreprises placée au juge du tribunal administratif chargé de rétablir l'équilibre entre l'Etat et les sociétés», assure-t-il. Et d'ajouter : «Cette relation est de nature déséquilibrée en faveur de l'administration». L'autre particularité qu'il convient de souligner est que dans l'ensemble, les règles des procédures de passation et d'exécution des marchés publics ont le mérite d'être claires au Maroc. Sauf que la recherche davantage de flexibilité concernant l'application de celles-ci, génère des litiges ouvrant ainsi la voie aux contentieux devant le juge administratif.
Manque d'expérience criant
Si sous d'autres cieux, la phase de passation des marchés publics est source de bon nombre d'affaires contentieuses, les choses se présentent différemment au Maroc, puisque la plupart des litiges opposant les entreprises à l'administration naissent lors de la phase d'exécution des marchés publics. «Du fait de leur manque d'expérience criant et faute d'accompagnement juridique suffisant, certaines TPME marocaines pèchent en la matière», souligne l'avocat au Barreau de Casablanca. Or, faudrait-il rappeler que la dernière réforme (décret numéro 2-12-349 de 2013), relative aux marchés publics, sous-tendue à la fois par la transparence (généralisation de la soumission électronique), la simplification des procédures dans la passation et l'égalité de traitement des concurrents, fait la part belle aux PME nationales. En effet, l'article 156 du décret précité stipule en substance : «Le maître d'ouvrage est tenu de réserver 20% du montant prévisionnel des marchés qu'il compte lancer au titre de chaque année budgétaire à la PME nationale». Partant, les entreprises ambitionnant de tirer profit de la commande publique, qui représente près de 20% du PIB national, gagneraient à être plus performantes dans la phase cruciale d'exécution du type de contrat public susmentionné. Cela dit, le retour d'expérience montre à l'évidence que l'administration et les entreprises essayent au mieux de régler à l'amiable leurs litiges survenus lors de la phase d'exécution, et ce compte tenu des sommes faramineuses en jeu, notamment lors de la réalisation des ouvrages publics.
L'Etat perd souvent !
En matière de contentieux des marchés publics, bon nombre d'hommes de droit voient d'un bon œil l'attitude du juge administratif lors des litiges opposant l'administration et les entreprises. «L'Etat a perdu beaucoup de procès en la matière», fait remarquer notre interlocuteur. Et d'ajouter: «La justice administrative de notre pays a le mérite d'être très équilibrée». Mais, pour limiter les dégâts découlant des litiges avec l'administration, les entreprises doivent s'entourer d'experts techniques et juridiques à même de prévenir le contentieux. Précisons que dans certains cas précis, la puissance publique a la latitude de résilier le contrat et de l'attribuer à une autre entreprise concurrente. Dans certains cas, la conséquence immédiate d'un tel acte pour une entreprise est tout simplement la faillite. A ce titre, l'adage «Mieux vaut prévenir que guérir» revêt tout son sens.■
Par M. Diao
Plusieurs voies de réclamation et de recours Au regard de l'article 169 du décret n° 2-12-349 de 2013 relatif aux marchés publics, le requérant à l'origine d'une réclamation et insatisfait de la réponse du maître d'ouvrage a la possibilité, dans un délai imparti de 5 jours de la réception de la réponse de celui-ci, de saisir le ministre concerné pour les marchés de l'Etat, le ministre de l'Intérieur pour les marchés des régions, des préfectures des provinces et communes. Dans le même ordre d'idées, soulignons que tout concurrent dans le cadre des marchés publics peut faire parvenir une requête à la Commission des marchés publics lorsqu'il relève entre autres, l'inapplication des règles de passation et l'existence de clauses discriminatoires dans le dossier d'appel à la concurrence.