Par : Maître Abdelatif Laamrani* Il Faudrait préciser à ce niveau qu'en matière d'exécution des décisions contre l'administration, le législateur Marocain n'a pas prévu de règles spécifiques, puisque l'article 49 de la loi n° 41-90 instituant les tribunaux administratifs se contente de prévoir que : « l'exécution des décisions des tribunaux administratifs s'effectue par l'intermédiaire de leur greffe(…) » et L'article 7 de la même loi renvoie aux dispositions du code de procédure civile, ce qui pose en soi un problème, puisque les parties dans le procès administratif ne sont pas de taille égale et le risque est grand de voir l'Etat où l'un de ses démembrements ou un établissement public rechigner à appliquer une décision judiciaire devenue définitive. La situation est différente en France où l'article L.11 du code de justice administrative précise que « les jugements sont exécutoires », le terme de jugement s'appliquant ici aux décisions rendues tant par les tribunaux que les cours ou le Conseil d'Etat en matière administrative. Il s'ensuit qu'en France, même l'appel n'est pas suspensif en contentieux administratif, sauf mesures expressément ordonnées par le juge d'appel, ou texte exprès concernant des contentieux particuliers (contentieux disciplinaires des ordres professionnels par exemple) a fortiori, en va-t-il de même du pourvoi en cassation. Au Maroc, où le contentieux administratif, même s'il connaît le double ordre juridictionnel, consacre des règles procédurales uniformes, ce qui constitue la première source de difficultés en matière d'exécution des décisions contre l'administration. La deuxième difficulté procède de la subsistance dans notre code de procédure civile de dispositions visant à ne pas limiter l'action de l'administration ; il en est ainsi du dernier alinéa de l'article 361 du CPC qui prévoit que : «(…) sur demande expresse de la partie requérante, la cour peut, à titre exceptionnel, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution, soit des arrêts et jugements rendus en matière administrative, soit des décisions des autorités administratives contre lesquelles a été introduit un recours en annulation». La troisième difficulté provient de ce que l'on appelle le principe de l'insaisissabilité des biens de l'Etat et de l'administration ; le substrat de ce principe est que l'on ne peut saisir les biens d'une administration chargée d'un service public, cela nuirait à la continuité de celui-ci, et serait même préjudiciable aux intérêts des contribuables et des citoyens qui ne sont pas parties au procès. Dans ce sens, il faut distinguer l'acteur de l'administration dont il s'agit, est-ce l'Etat, une collectivité locale, un établissement public, un établissement public à caractère industriel et commercial ou enfin une société ayant la forme commerciale, mais habilitée à gérer un service public, ou dont les capitaux sont publics. Pour l'ensemble de ces acteurs publics, il y a lieu de souligner qu'il y a un certain nombre de lacunes et d'insuffisances dans la gestion des affaires juridiques et particulièrement du suivi du contentieux, qui pêche par manque de prévisibilité liée le plus souvent à l'inexistence de ce que l'on appelle aujourd'hui, « la cartographie des risques Juridiques » et le provisionnement des dossiers contentieux dans lesquels l'administration est impliquée. Dans la majeure partie des textes régissant les finances de l'administration, il n'y a pas d'obligation de provisionner ces litiges à payer, il y a uniquement l'obligation de budgétiser le montant des jugements déjà rendus. Les deux modes qui permettent d'obliger l'administration à exécuter les jugements sont l'astreinte et la saisie. Vouloir soustraire l'administration à l'exécution des jugements via la loi est anticonstitutionnel car la constitution proclame expressément dans son article 126 que : « Les jugements définitifs s'imposent à tous », la loi étant l'expression de l'intérêt général, elle ne peut aller à l'encontre de la loi fondamentale du Royaume. *Avocat aux Barreaux de Casablanca, de Paris et de Montréal