Une patiente atteinte d'une tumeur cérébrale, déjà placée sous anesthésie générale et reliée à un respirateur artificiel, a vu son intervention interrompue dans un hôpital de Oujda. Selon plusieurs sources médicales, l'opération aurait été suspendue au profit d'un autre patient dont l'état ne présentait pourtant aucun caractère d'urgence. La décision, aux justifications médicales incertaines, soulève un flot d'interrogations quant aux pratiques administratives au sein des établissements hospitaliers publics. Le Centre marocain des droits de l'homme (CMDH) dénonce une violation manifeste des principes fondamentaux garantis par la Constitution. L'organisation souligne que l'article 20 consacre le droit à la vie et rappelle que toute décision médicale engageant le pronostic vital d'un patient doit être fondée sur des critères objectifs et non sur des considérations bureaucratiques ou administratives. Le respect du principe de non-discrimination dans l'accès aux soins est un pilier du cadre juridique régissant le système de santé, notamment à travers les lois n° 131.13 sur l'exercice de la médecine et n° 34.09 encadrant l'offre de soins. Grave entorse à l'éthique médicale L'argumentation du CMDH ne se limite pas aux normes nationales. L'organisation s'appuie également sur les engagements internationaux du Maroc, citant l'article 25 de la Déclaration universelle des droits de l'homme (DUDH), qui garantit à toute personne le droit à des soins médicaux appropriés, ainsi que l'article 12 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC), qui consacre le droit de chacun à bénéficier du plus haut niveau de santé physique et mentale possible. Suspendre une intervention neurochirurgicale cruciale pour opérer un patient dont l'état ne suscitait aucune inquiétude constitue, selon le CMDH, une entorse grave à ces principes. L'affaire met à nu la situation système hospitalier marocain, souvent critiqué pour ses défaillances structurelles et le poids des considérations administratives dans la prise de décision médicale. L'Association marocaine des droits des patients (AMDP) exprime sa «profonde préoccupation» face à ce qu'elle décrit comme «un précédent alarmant», redoutant un affaiblissement des garanties entourant l'accès équitable aux soins. «Lorsqu'un patient sous anesthésie voit son intervention suspendue sans justification médicale impérieuse, c'est l'intégrité même du processus médical qui est remise en question», s'indigne l'ONG dans un communiqué. Face aux critiques, le ministère de la santé et de la protection sociale (MSPS) n'a pas encore officiellement réagi. Le CMDH appelle à l'ouverture d'une enquête indépendante sous la supervision des autorités sanitaires et de l'Instance nationale de la probité, de la prévention et de la lutte contre la corruption (INPPLC) afin d'établir les responsabilités et d'éviter que de telles décisions ne se reproduisent. Dans les milieux hospitaliers, la situation est alarmante. Plusieurs praticiens s'inquiètent d'un affaiblissement progressif de l'indépendance du corps médical face aux impératifs administratifs tandis que d'autres redoutent une crise de confiance accrue entre les patients et les établissements publics de santé. L'affaire pose, en creux, la question plus large de la gouvernance hospitalière et du rapport de force entre décision médicale et logique gestionnaire dans un secteur où les tensions entre impératifs budgétaires et exigences éthiques ne cessent de s'accentuer.