L'écosystème de la finance participative n'est pas au complet. Tout en étant conscient de l'urgence du dossier Takaful, Othman Elalamy, secrétaire général de l'ACAPS, informe sur les étapes restant à franchir. Finances News Hebdo : En tant que représentant de l'Autorité de contrôle de l'assurance et de la prévoyance sociale (ACAPS), jusqu'à quel degré les nouveaux instruments participatifs pourraient-ils booster le développement de notre marché financier ?
Othman Elalamy : Les nouveaux instruments de financement pourraient constituer un relais de croissance et permettre au secteur financier marocain de se déployer avec plus de vigueur. Pour ce qui est du cas particulier de l'assurance Takaful, le développement de cette couverture passe, à notre sens, par l'innovation et le développement de produits répondant aux besoins de la population. De plus, les tarifs de ces produits doivent être accessibles et compétitifs par à ceux commercialisés actuellement. Le développement de tels produits reste bien évidemment tributaire d'un développement intégré de la finance participative, permettant un placement rentable pour l'assurance Takaful à travers notamment des instruments financiers diversifiés et adaptés à la nature des produits proposés.
F.N.H. : Durant ce meeting, les opérateurs ne décolèrent pas, et pour cause l'écosystème de la finance participative n'est pas encore au complet à cause, entre autres, du Takaful. Quelles sont les contraintes qui persistent et entravent la publication de la circulaire y afférente ?
O. El. : Il n'y a pas de contraintes à proprement parler. Tout le monde est conscient de l'impératif de mettre en place ce dispositif dans les meilleurs délais. Il ne faut pas perdre de vue que l'amendement du Code des assurances pour introduire le dispositif afférent à l'assurance Takaful n'a été introduit qu'en août 2016, soit plus de 18 mois après la révision de la loi bancaire. De plus, la matière étant nouvelle, il faut veiller à ce que le processus de concertation et d'examen se déroule dans les meilleures conditions, pour s'assurer que les différentes options adoptées soient parfaitement applicables au regard de l'arsenal juridique existant et des préceptes de la Charia.
F.N.H. : Comme vous l'avez expliqué, les textes relatifs au Takaful passent par plusieurs étapes : du Conseil supérieur des Oulémas (CSO),…jusqu'au SGG. Où en est le processus actuellement et pouvons-nous espérer voir les textes approuvés par le SGG avant la fin de l'année ?
O. El. : Après la publication de la loi n°59-13 portant amendement du Code des assurances, l'ACAPS est aujourd'hui dans une phase très avancée de la préparation des projets de texte d'application. Il s'agit notamment du décret d'application de cette loi, d'un arrêté du ministre des Finances qui sera pris sur proposition de l'ACAPS et d'une circulaire de l'Autorité sur l'assurance Takaful qui sera homologuée par arrêté du ministre des Finances. La loi n°59-13 exige l'avis conforme du Conseil supérieur des Oulémas sur tout projet de texte réglementaire concernant l'assurance Takaful. Dans ce cadre, l'ACAPS a tenu une première réunion avec ce Conseil au cours de laquelle il a été convenu d'une démarche de travail en vue de l'adoption des textes règlementaires de l'assurance Takaful. D'autres réunions vont suivre dans les prochains jours en vue de la discussion desdits projets de texte. Par la suite, ces projets de texte doivent également être soumis à l'avis de la commission de régulation - instance consultative de l'ACAPS composée de ses propres représentants, de ceux du ministère des Finances et du secteur des assurances - conformément à la loi n° 64-12 portant création de cette Autorité. Ainsi, la date de leur adoption dépendra du rythme d'avancement des discussions qui auront lieu avec les différents intervenants dans le processus d'adoption. Il n'en reste pas moins que toutes les parties prenantes sont conscientes de l'urgence de ce dossier et la publication des textes avant la fin de l'année est tout à fait réalisable.
F.N.H. : Justement, au cas où le Takaful tarde à voir le jour, les banques participatives pourront-elles vendre des produits adossés à des assurances classiques ? Cela ne risque t-il pas de semer le doute chez les clients ?
O. El. : Il faut préciser, tout d'abord, que la loi n°59-13 est venue pour répondre à un besoin global de couverture ressenti aussi bien par une partie de la population que par les opérateurs du secteur et que le dispositif qui est en train de se mettre en place pour l'assurance Takaful permettra de répondre à l'ensemble des demandes se rapportant à l'exercice des opérations d'assurances, y compris celles en relation avec les crédits participatifs. La question relative à la possibilité de couverture des risques participatifs auprès des assureurs conventionnels, en attendant la mise en application des textes réglementaires de l'assurance Takaful, relève du domaine de compétence du Conseil supérieur des Ouléma. Ce Conseil est la seule institution habilitée au Maroc à donner des avis en matière de conformité aux préceptes de la Charia (Fatwas). Le dispositif prévu par les projets de texte réglementaires de l'assurance Takaful permet de répondre à toutes les demandes de couverture relatives aux opérations d'assurances. Avec le démarrage des banques participatives, les couvertures qui seront sollicitées le plus au début, sont celles qui sont généralement adossées aux crédits participatifs, notamment les assurances «décès emprunteur» et, éventuellement, les assurances Multirisque habitation en cas de crédit accordé pour l'acquisition de logement. D'autres produits pourraient suivre par la suite, en fonction des demandes et des besoins exprimés par les assurés. Il s'agit notamment des assurances maladie ou encore des assurances d'investissement (l'équivalent de l'assurance capitalisation dans l'assurance classique). ■