■ La crise de confiance maintient toujours les deux indices boursiers dans la zone rouge. ■ Il faudra des signaux forts pour redynamiser la place. La Bourse de Casablanca n'arrive toujours pas à sortir de sa léthargie. Les deux indices phares du marché naviguent encore dans la zone rouge, flirtant avec la barre des -10%. Aujourd'hui, tous les observateurs sont sceptiques quant à une éventuelle reprise du marché. En cause, le climat d'attentisme qui pèse sur la place, sous-tendu par ce qui semble être une profonde crise de confiance. Pour un analyste de la place, «la tendance baissière de fond risque fort de se maintenir, d'autant plus que les investisseurs ne se bousculent pas au portillon du marché et sont dans une phase d'attentisme accentuée par le manque de visibilité, notamment sur le plan politique». Difficile de le contredire, d'autant qu'à la veille des élections législatives, le pays semble plongé dans une certaine paralysie que d'aucuns justifient par les enjeux de ce premier scrutin intervenant juste au lendemain des importantes réformes constitutionnelles initiées par le Royaume. Le flou politique qui règne, avec pour corollaire une Loi de Finances 2012 prise en otage dans l'arithmétique politicienne, enfonce ainsi davantage le clou de la suspicion qui entoure le marché boursier. Un marché qui, depuis plusieurs mois, peine à trouver ses marques malgré la volonté des différents intervenants de lui donner plus de relief. En effet, ce ne sont pas les initiatives qui ont manqué : le cadre réglementaire a été renforcé à coups de circulaires par le gendarme du marché, lequel, en passant, est devenu l'Autorité du marché des capitaux, de nouveaux instruments de placement ont été mis en place pour mieux capter l'épargne (PEL, PEA, PEE)… Cela, à côté des nombreuses actions de promotion et de vulgarisation de la place orchestrées par la Société gestionnaire, auxquelles il faut ajouter les bons résultats des sociétés cotées au titre de l'exercice 2010 et une conjoncture économique relativement correcte. D'ailleurs, la dernière note de la Direction des études et des prévisions financières, publiée octobre courant, fait état «de la poursuite de la bonne tenue de l'activité économique dans son ensemble, tirant profit du dynamisme de la demande intérieure et d'une demande mondiale toujours favorable». Ainsi, la production céréalière, baromètre incontournable de l'économie nationale, a atteint 84 millions de quintaux au titre de la campagne agricole 2010/2001, en hausse de 12% en glissement annuel. Par ailleurs, pour garantir le bon déroulement de la campagne 2011/2012, le ministère de l'Agriculture a pris différentes mesures, dont notamment la mobilisation de 1,3 million de quintaux de semences sélectionnées pour approvisionner la filière céréalière. Le chiffre d'affaires à l'export de l'OCP a parallèlement bondi de 8,3 Mds de DH, s'établissant à 30,9 Mds de DH à fin août, contre 22,6 milliards un an auparavant. De même, souligne la DEPF, «la consommation des ménages aurait enregistré une évolution favorable au terme des huit premiers mois de l'année en cours, en rapport notamment avec la maîtrise des prix à la consommation, l'amélioration des revenus des ménages, l'amélioration des transferts des Marocains résidant à l'étranger (+7,8%), la réalisation d'un taux de chômage en dessous du seuil de 9% et l'augmentation toujours positive des crédits accordés à la consommation (+6,1%)». Et si on ajoute à cela le climat des affaires qui est jugé «globalement bon» au troisième trimestre 2011, selon l'enquête de Bank Al-Maghrib, la boucle est bouclée. Un marché insensible Il semble bien que tout cela n'a pas suffi à enclencher une dynamique sur le marché, lequel reste insensible par rapport à toutes ces réalisations. Même les résultats semestriels des sociétés cotées n'ont pas changé la donne : au titre du 1er semestre 2011, ces dernières ont enregistré une croissance bénéficiaire de l'ordre de 4,0% à 15,2 Mds de DH. En clair, il faudra bien plus pour redonner confiance aux investisseurs. A travers des signaux forts. Il s'agira ainsi de continuer les réformes déjà initiées avec, entre autres, la mise en place du marché à terme tant attendu, l'amélioration des pratiques de marché et la refonte de certains instruments qui n'ont guère séduit les investisseurs (PEA, PEL et PEE notamment). L'autre grand enjeu sera également d'alimenter suffisamment le marché en papier de qualité. C'est-à-dire inciter les entreprises potentiellement cotables à agrandir le cercle restreint des sociétés cotées. Comment ? Ce sera à l'autorité de tutelle de trouver les mécanismes adéquats pour les pousser à franchir le pas… et permettre au DG de la Bourse de Casablanca d'assouvir son ambition de voir 150 entreprises cotées à la Bourse d'ici 2015. Mais vu la proximité de l'échéance, on peut d'ores et déjà affirmer que cette ambition reste illusoire. D'autant que dans ce contexte de rigueur budgétaire, il ne faudrait pas s'attendre à ce que le prochain gouvernement offre (encore une fois ) des carottes fiscales aux entreprises qui veulent s'introduire en Bourse. A moins que… ■ David william Urgence L'histoire récente du marché boursier nous a appris que tous les gouvernements qui se sont succédé n'ont réellement initié de mesures pour dynamiser la place que lorsqu'elle était au bord de l'asphyxie. Aujourd'hui, après bien des mois d'atonie, aucune mesure n'a été décidée pour redonner confiance aux investisseurs. Il faut croire que les politiques se sont déjà détournés de l'essentiel… pour se consacrer exclusivement à leur ambition politique à la veille des législatives. Pourtant, il y a urgence. Une urgence dont ils ne rendront compte que lorsque les professionnels du marché vont lancer des cris d'orfraie qui les pousseront à adopter des mesures… dans l'urgence. Qui ne produiront donc pas les effets escomptés. Et rebelote !