La dernière trouvaille de Jouahri pour faire face aux besoins en liquidité des banques : les avances sur trois mois. Elle semble loin la période où le marché baignait dans une surliquidité chronique. La gestion de la liquidité bancaire reste un véritable casse-tête pour Bank Al-Maghrib. Tantôt il faut gérer la surliquidité, tantôt la sous-liquidité... avec des mécanismes différents. Elle est bien loin cependant la période où la Banque centrale devait faire face à la surliquidité chronique qui régnait sur le marché et qui avait pour racine les opérations de privatisation entamées en 1999. Mais c'est véritablement en 2001 que la question de la surliquidité était devenue problématique. A l'issue de l'année 2001, en effet, les excédents de liquidité se chiffraient à quelque 6,5 Mds de DH. Ils résultaient principalement des rentrées exceptionnelles des avoirs en devises (ouverture du capital de Maroc Télécom et transferts des MRE) que nombre de facteurs restrictifs ont largement compensées (désendettement du Trésor et des banques auprès de Bank Al-Maghrib, placement des disponibilités du Fonds Hassan II pour le développement économique et social auprès de la Banque centrale). Ces excédents ont augmenté en 2002, sous l'effet notamment des transferts des MRE, obligeant BAM à réguler le marché par le biais des opérations de reprise de liquidités, non sans avoir, au préalable, rétabli le mode de calcul en moyenne de la période d'observance de la réserve monétaire, et ce pour conférer plus de souplesse à la gestion, par les banques, de leurs avoirs en compte à l'Institut d'émission. La persistance de l'excédent de liquidité avait, par ailleurs, conduit BAM, fin 2002, à relever de 10 à 14% le taux de la réserve monétaire, pour ensuite introduire, dès 2004, deux nouveaux instruments : la facilité de dépôt permanent à 24 heures, au taux de 2,25%, pour permettre aux banques de placer, à leur initiative et sans limitation, en fin de journée, leurs excédents auprès de BAM; et la reprise de liquidités à 7 jours, par voie d'appels d'offres hebdomadaires à taux variables. Des opérations qui ont eu un impact financier important, puisqu'elles ont coûté à l'époque quelque 700 MDH à la Banque centrale. La gestion de la surliquidité était tellement problématique qu'elle a été au centre du 3ème séminaire euro-méditerranéen regroupant les banques centrales de l'eurosystème et de la zone méditerranéenne, organisé le 25 janvier 2006 à Nauplie (Grèce). Car, durant cette période, l'ensemble des pays de la rive Sud de la Méditerranée affichaient un niveau moyen de surliquidité à hauteur de 16% du PIB (7% pour le Maroc). C'est la raison pour laquelle d'ailleurs le système de réserves obligatoires avait été initié dans la plupart de ces pays. Et le Maroc, avec des réserves obligatoires correspondant à 16,5% des dépôts à vue du système bancaire, possédait le taux le plus élevé après le Liban. Ce qui avait poussé le gouverneur de BAM, Abdellatif Jouahri, à affirmer affirmé que l'utilisation d'un tel instrument «limite le développement du marché interbancaire et baisse l'efficience de l'intermédiation bancaire». «Pour le Maroc, malgré les relèvements successifs du taux des réserves obligatoires, le coût des ressources bancaires s'est continuellement affaissé ces dernières années. Ceci s'explique par le fait que les réserves obligatoires s'appliquant essentiellement à des ressources gratuites ou peu coûteuses, leur impact sur la rentabilité des banques reste limité», avait-il notamment soutenu. Aujourd'hui, l'époque de la surliquidité est bel et bien révolue. Jouahri doit, au contraire, faire face aux besoins croissants en liquidité des banques : au cours du deuxième trimestre 2011, le déficit des trésoreries bancaires s'est creusé de 6 milliards de dirhams par rapport à la fin du trimestre précédent (passant de 15,6 milliards à 21,6 milliards de dirhams), et cela en dépit de la décision du Conseil de la Banque d'exclure les comptes sur carnets de l'assiette de calcul de la réserve monétaire (+4,7 milliards de dirhams). D'où la récente décision de Jouahri de mettre en place des opérations de pension sur trois mois. Mais cette mesure, quoique bien accueillie par la communauté bancaire, sera-t-elle suffisante ? Dossier réalisé par I. Ben, W. M,& D. W.