La résilience du secteur bancaire marocain face à la crise est le résultat du processus de réforme du dispositif réglementaire. Si BAM n'a pas autorisé plus de deux nouvelles banques en cinq ans, c'est par faute de demande. Selon Lhassane Benhalima, Directeur adjoint de la supervision bancaire à Bank Al-Maghrib, la Banque centrale n'a pas attendu le statut avancé pour mettre son cadre de supervision aux standards internationaux. - Finances News Hebdo : L'étude sur la convergence de la réglementation bancaire avec les normes internationales dans les pays sud-méditerranéens est toujours en cours, mais quels en sont les enseignements majeurs à retenir pour le Maroc ? - Lhassane Benhalima : La résilience dont a fait preuve le système bancaire marocain face à la crise, est le fruit d'un processus de réformes du dispositif légal et réglementaire l'ayant aligné sur les meilleurs standards. En effet, la Banque centrale a mis le cadre de la supervision bancaire en conformité avec ces standards et a réalisé, sur le plan réglementaire, plusieurs réformes structurantes pour le secteur bancaire. La convergence de ce cadre avec les standards internationaux permet d'assurer une veille efficace sur la stabilité du système. En outre, sur le plan opérationnel, Bank Al-Maghrib exerce une surveillance proactive basée sur une plus grande proximité avec les organes de gouvernance et à tous les échelons opérationnels. La crise financière internationale ayant mis en relief l'importance de la mise en place de mécanismes de veille sur la stabilité financière, la Banque centrale s'active à mettre en place un cadre de surveillance macroprudentielle, doté d'outils permettant d'anticiper la survenance de crises et de dispositifs de gestion de crises systémiques. Par ailleurs, le statut avancé avec l'Europe auquel le Maroc a accédé est synonyme de son engagement à adhérer à toutes les règles, aux principes et à l'éthique qui gouvernent l'Europe. Par conséquent, notre réglementation, notre façon de faire dans le domaine politique, et ce que nous faisons au niveau de nos institutions, rejoignent le référentiel européen dans toutes ses composantes. - F. N. H. : Dans votre intervention vous avez souligné le fait que le marché bancaire marocain est ouvert aux investisseurs étrangers ; mais ne pensez-vous pas que la moyenne de deux autorisations en 5 ans reste très faible ? - L. B. : L'indicateur à utiliser pour mesurer l'ouverture ou non d'un marché est plutôt le nombre de rejets et non pas le nombre d'autorisations. Or, au cours de la dernière décennie, par exemple, aucune demande d'agrément pour la constitution d'une banque, par un investisseur étranger, n'a été rejetée. C'est donc un problème de demande. À ce titre, il faut préciser que, contrairement aux autres secteurs d'activité, la banque de détail est difficile à pénétrer par un nouveau concurrent que ce soit au Maroc ou ailleurs. D'autre part, tout rejet de demande doit être motivé et la protection du secteur bancaire marocain de la concurrence étrangère ne figure pas parmi les critères de rejet. Les aspects qui sont pris en compte par la Banque centrale, lors de l'instruction des dossiers de demandes d'agrément, sont énumérés par la loi bancaire. Il s'agit notamment : • de l'adéquation des moyens humains, techniques et financiers de la personne morale postulante, compte tenu notamment de l'implantation projetée et du programme d'activité qu'elle envisage de mettre en œuvre ; • de l'expérience professionnelle et de l'honorabilité des fondateurs, des apporteurs du capital, des membres des organes d'administration, de direction et de gestion ; • de la capacité du postulant à respecter les dispositions de la loi bancaire et des textes pris pour son application. - F. N. H. : Mais un réel développement des produits alternatifs sur le marché bancaire marocain fait défaut. Pourquoi ? - L. B. : La réussite de tout produit doit être examinée à la fois du côté de l'offre et de la demande. Du côté de la demande, le lancement de ces produits a été stimulé par l'existence d'une demande potentielle émanant des personnes réticentes aux financements classiques. Donc, la demande existe et les problèmes de la double imposition ont été réglés. Du côté de l'offre, toutes les banques et certaines sociétés de financement proposent ces produits à leur clientèle. Il leur manque peut-être la définition d'une stratégie claire avec un effort particulier à faire au niveau de la communication. - F. N. H. : La résilience du système bancaire marocain est citée comme modèle. Est-ce dû à la performance du système ou bien parce qu'on n'a pas autorisé l'introduction des produits dérivés dans ce système ? - L. B. : C'est vrai que la résilience du système bancaire marocain s'explique également par ses caractéristiques propres : • les expositions des banques marocaines sur les contreparties étrangères demeurent peu significatives, et ce en liaison avec la réglementation des changes qui encadre les opérations des résidents avec l'étranger, et la politique prudente dont font preuve les dirigeants dans la gestion de leurs établissements ; • leur activité est axée essentiellement sur les opérations de détail (retail banking), moins sensibles aux fluctuations financières que les activités de marché. Toutefois, les facteurs déterminants qui expliquent cette résilience doivent être cherchés au niveau du cadre de supervision qui converge avec les standards internationaux ; chose qui permet d'assurer une veille efficace sur la stabilité du système. En effet, Bank Al-Maghrib exerce une surveillance proactive basée sur une plus grande proximité avec les organes de gouvernance et à tous les échelons opérationnels. Ce faisant, les banques ont amélioré progressivement leurs modes de gouvernance, leurs dispositifs de mesure, de maîtrise et de surveillance de leurs risques, ainsi que leurs systèmes de contrôle interne. - F. N. H. : Qu'en sera-t-il à l'heure où le pays entame une convergence avec l'acquis communautaire européen dans le cadre du statut avancé ? - L. B. : Bank Al-Maghrib n'a pas attendu le statut avancé pour mettre son cadre de supervision bancaire en adéquation avec les standards internationaux. Elle a toujours veillé à ce que ce cadre soit en permanence conforme aux bonnes pratiques internationales. - F. N. H. : En dépit des réformes entamées par le Maroc, le volume des créances en souffrance reste élevé. Pour quelles raisons ? - L. B. : Après avoir atteint un pic de 19,4% en 2004, le taux des créances en souffrance n'a cessé de décroître pour se situer actuellement aux alentours de 5% à la faveur d'importantes opérations d'assainissement des bilans bancaires, du renforcement des dispositifs de recouvrement et de la maîtrise des risques. En dépit de cette baisse significative, le volume des créances en souffrance demeure tout de même élevé eu égard aux niveaux affichés par les pays développés. Cette situation pourrait s'expliquer, outre le maintien de certaines banques au niveau de leurs bilans de créances en souffrance anciennes, en dépit des mesures entreprises en matière de radiation, par l'impact négatif des effets de la crise internationale sur les secteurs dépendant de la demande extérieure. Ainsi, la qualité du portefeuille du crédit s'est dégradée au niveau de certains secteurs orientés vers la demande extérieure et des ménages. Toutefois, si le taux des créances en souffrance est élevé comparativement aux niveaux des pays développés, il demeure faible par rapport aux taux affichés au niveau des pays à niveau de développement comparable. Propos recueillis par S.E. & IB