Les ratios de créances douteuses sur les créances totales dans le Sud de la Méditerranée sont parmi les plus élevés du monde. En dépit des améliorations, les barrières à l'entrée restent importantes. Par rapport aux autres pays de l'échantillon, le Maroc tire son épingle du jeu. La récente débâcle financière a de nouveau placé le curseur sur les standards et normes bancaires internationaux. Le débat actuel ne concerne pas uniquement les pays développés, mais s'étend aux pays en développement et à la manière avec laquelle ils peuvent en toute sécurité canaliser leurs ressources vers un investissement plus productif. Et ce, tout en disposant d'un système bancaire performant. C'est dans ce sillage que s'inscrit une étude sur la convergence de la réglementation bancaire aux normes internationales dans les pays sud-méditerranéens et l'impact sur la performance du secteur bancaire et sur la croissance. Cette étude a bénéficié du support financier du programme Femise 2008-2009. Les résultats ont fait l'objet d'un débat organisé par l'Institut Marocain des Relations Internationales. L'étude porte sur 4 pays méditerranéens : Algérie, Egypte, Maroc, Tunisie et la comparaison a été faite avec 6 pays nord méditerranéens : Espagne, Chypre, Grèce, Italie, Malte, Portugal. D'après Rym Ayadi, «ces quatre pays ne sont pas à l'abri de la crise financière. Ils ont adopté des normes conformes aux standards internationaux. Le problème est que ces normes ont montré leurs limites dans des pays où la réglementation et la supervision sont très poussées». «Aujourd'hui, beaucoup de questions se posent auxquelles il nous est impossible de répondre», s'empresse d'ajouter Rym Ayadi, «Senior Research Fellow» et chef de l'unité de recherche sur les institutions financières et la politique prudentielle au CEPS. Effectivement, la première question qui vient à l'esprit est : est-ce que les PSM ont toujours intérêt à adopter les normes internationales ? Est-ce que la réglementation en vigueur va leur permettre de relever les défis actuels et futurs ? L'étude passe au peigne fin les secteurs bancaires de l'Algérie, de l'Egypte, du Maroc et de la Tunisie tout en explorant leurs réglementations respectives par rapport aux standards internationaux. Elle prend en considération non seulement le détail des différentes réglementations, mais aussi les caractéristiques légales et institutionnelles des pays du Sud de la Méditérranée. Le but étant de voir comment l'adhésion à ces normes et standards pourrait influencer le potentiel de croissance de chaque pays. Le Maroc, bien loti L'étude révèle que les quatre pays ont déployé beaucoup d'efforts pour aboutir à une modernisation de leur système financier. Mais le Maroc a bien réussi dans ses réformes par rapport aux trois autres pays. Preuve en est que le volume des crédits privés est beaucoup plus important au Maroc que dans les autres pays, ce qui démontre que les différentes réformes entamées ont pu réaliser les objectifs escomptés. Mais cela n'empêche pas de dire que, globalement, les quatre pays ont encore un potentiel énorme à développer en la matière. Les réformes ainsi entamées incluent la restructuration et la privatisation des banques publiques, la mise en place de législations prudentielles et de systèmes de gestion des risques, ainsi que le renforcement des prérogatives de supervision. Deux pays comme le Maroc et l'Egypte ont amélioré la disponibilité et le partage d'informations relatives au crédit. Ces réformes se sont ainsi traduites par la croissance durable du crédit au secteur privé. Rym Ayadi annonce par ailleurs que parmi les explications éventuelles du «sous-développement» financier on retrouve l'interventionnisme étatique. Cet interventionnisme est aussi bien direct qu'indirect : il se manifeste par la présence de banques détenues par capitaux publics, ainsi que par l'exposition à la dette publique des portefeuilles des banques. Le rôle dominant de l'Etat dans le secteur bancaire semble avoir un impact négatif important sur la qualité même des crédits. Les ratios de créances douteuses sur les créances totales dans le Sud de la Méditerranée sont parmi les plus élevés du monde. Grâce à un interventionnisme moindre, le Maroc reste une exception avec le ratio de créances douteuses le plus bas parmi les pays étudiés. En matière de convergence avec les normes européennes, on remarque que malgré quelques améliorations, des faiblesses persistent dans le cadre de l'assurance des dépôts, les barrières à l'entrée et l'information sur le crédit. L'indice d'assurance des dépôts ne s'est pas amélioré et aucun effort n'a été fait pour aligner les incitations des banques par la mise en place de primes gagées sur le risque ou de systèmes de coassurance. En ce qui concerne la disponibilité de l'information sur le crédit, il ressort que l'Egypte, et plus récemment le Maroc, ont mis en place des registres de crédit ou «crédit bureau» respectivement en 2006 et 2009, mais cela n'empêche pas pour autant de dire que les disparités entre le Nord et le Sud ne sont pas résorbées. Les barrières à l'entrée constituent un obstacle de taille. La présence du gouvernement dans les structures de propriété très répandue dans la région, donne des avantages injustifiés aux banques concernées et restreint les incitations à entrer dans le marché. Une réflexion que ne partage pas Lhassan Benhalima, Directeur général adjoint à la supervision bancaire (BAM). Il annonce à ce sujet que le marché marocain est ouvert et qu'il n'existe aucune barrière à l'entrée. Comme argument, il avance que deux autorisations ont été accordées à des banques espagnoles en l'espace de 5 ans. R. Ayadi conclut que les quatre pays se caractérisent par un potentiel élevé d'ingérence politique dans le système bancaire, nuisant ainsi aux autorités de supervision, ce qui altère la compétitivité du système bancaire. Benhalima a pour sa part, mis en avant l'autonomie de la Banque centrale décidée en 2006. Il avance par ailleurs la publication des circulaires régissant la réglementation dans le Bulletin officiel, ainsi que l'instauration d'un mandat renouvelable tous les 6 ans pour le gouverneur. Toutes ces mesures et bien d'autres s'inscrivent dans un cadre de libéralisation financière. En somme, il apparaît que les réglementations des quatre pays souffrent de certaines déficiences. Ceci laisse prédire que quelques uns des standards les plus récents, comme les exigences en capital de Bale II, restent inappropriés aux pays en développement en raison de telles déficiences. Un des défis majeurs des prochaines réformes devra être celui de trouver les moyens pour réduire l'emprise du gouvernement sur le système bancaire, tout en s'assurant que le cadre réglementaire réponde aux imperfections du marché. Une équation qui n'est pas facile à résoudre. Pages réalisées par S. E.& I. B.