La population éligible représente plus de 15% de la population du pays. L'expérience du micro-crédit a fourni des enseignements qu'il faut exploiter pour investir ce nouveau créneau. A l'image de l'essor du micro-crédit au Maroc, quelle place peut avoir la microfinance ? Il faut dire que notre pays a profité d'une expérience riche en matière de micro-crédit. Malgré le ralentissement qu'a connu le secteur ces derniers temps, impacté en cela par les ratios prudentiels imposés par Bank Al-Maghrib et les problèmes des créances en souffrance ou de recouvrement, il faut dire que le Maroc reste une référence mondiale en la matière. Ce schéma peut être développé pour la microfinance. Avec la nouvelle Constitution, le pays devrait aborder un vaste programme de réformes dans la prochaine législature. Outre le politique et le réglementaire, le volet socio-économique sera bien présent avec l'instauration de nouveaux mécanismes et règlements. La microfinance est un chantier à développer, du fait qu'il reste à l'état embryonnaire et qu'il présente un potentiel prometteur avec l'importance de la population cible, constituée essentiellement de personnes à revenu limité. Les dernières statistiques du HCP les estiment à plus de 15% de la population globale. Elles sont situées en particulier dans le milieu rural et les quartiers périphériques où le niveau de pauvreté continue de persister. Les questions qui se posent sont : quels mécanismes et quels types de produits faut-il proposer ? «Il s'agit de répondre à un besoin, l'idée étant de lancer des études pour avoir les formules les plus adaptées aux personnes dédiées. Il est question de faire des offres simples, le moins cher possible, et d'avoir un réseau accessible et adéquat», souligne Hassan Belmahjoub, enseignant-chercheur en économie rurale. Pour ce qui est des produits, il est clair que les opérations seront les plus basiques, qu'il s'agisse de dépôt, de retrait ou d'épargne et éventuellement de carte prépayée. Avec la possibilité de l'ouverture d'un compte zéro, à condition de l'alimenter en six mois, Bank Al-Maghrib a levé plusieurs restrictions en la matière et a étendu la population éligible à la bancarisation. Avec le vaste chantier de la généralisation de l'AMO, il est clair que la population à revenu limité sera intéressée par ce produit d'assurance. Au-delà de la microfinance peut naître également la micro-bancassurance. Dans ce créneau, le modèle proposé concerne notamment des crédits groupés et individuels, des services d'épargne, une gamme diversifiée de micro-assurance, allant des produits simples liés aux crédits aux produits complexes de santé, agricoles ou autres. Cet assemblage de services peut se baser sur les banques agricoles, les organisations mutualistes et les institutions de microfinance. C'est au niveau du réseau qu'il y a des difficultés à surmonter. «Si on opte pour le réseau du micro-crédit, se pose alors la question de la formation. Tous les agents du secteur ne sont habilités qu'à faire des opérations de crédit qui nécessitent juste une pièce d'identité et de consulter l'historique du demandeur dans une base de données pour voir s'il n'a pas d'antécédents en matière d'insolvabilité», souligne Belmahjoub. Il ajoute que «pour les autres organismes, il y a la problématique de la couverture territoriale, puisque selon le maillage il doit opter pour les lieux où il gagne de l'argent, pour pouvoir toujours fonctionner. C'est normal car, contrairement aux banques, ils ont une marge faible et un risque élevé. C'est pour cela que les institutions qui ont une expérience dans ces régions, comme Poste Maroc ou Crédit Agricole, sont les mieux habilitées pour formuler les meilleures propositions. L'idée de renforcer le nombre des agences mobiles est également pertinente». Dans le monde, la microfinance s'est développée à partir des produits les plus simples, elle doit maintenant répondre aux risques que les populations classent comme les plus exposés et qui nécessitent les produits les plus complexes : comme l'assurance agricole et l'assurance santé. «Concernant la complexité de la micro-assurance agricole, le fonctionnement de l'assurance agricole traditionnelle est trop coûteux pour la micro-assurance et il est exposé, dans le cadre des pays en développement, à de nombreux risques : fraude, sélection adverse et aléa moral. Les institutions de microfinance doivent s'orienter en tant que modèles historiques de crédit agricole sur la voie de la bancassurance», a rapporté Belmahjoub. Il faut conclure que la microfinance a tous les ingrédients nécessaires pour réussir au Maroc, notamment la volonté des autorités compétentes en la matière.