Pour les grévistes, le cahier revendicatif ne peut être éclaté entre ce qui est financier et ce qui est juridique. Les greffiers appellent le ministre de la Justice à respecter les orientations royales contenues dans le discours du 20 août 2009. À la veille du référendum sur la Constitution et d'un probable remaniement ministériel, ils craignent que les promesses faites un certain 14 février ne soient jetées aux oubliettes. Le dialogue entre le ministère de la Justice et les greffiers du Maroc semble encore se terminer dans un cul-de-sac. Depuis la semaine dernière, les greffiers ont décidé de monter au créneau face à ce qu'ils appellent l'intention du gouvernement de vouloir «privatiser le métier de greffier». Ils déplorent le désengagement du gouvernement quant aux dispositions de l'accord signé le 14 février entre les deux parties, notamment l'amendement de l'article 4 du statut général de la Fonction publique, et de l'article I du décret 403 fixant les conditions d'avancement des fonctionnaires de l'Etat dans le grade ou le cadre. Le syndicat national de la Justice (SNJ) affilié à la CDT, a décidé le lundi 13 juin de maintenir son mouvement de grève avec un rythme de 72 heures par semaine, et l'organisation d'un sit-in devant les tribunaux, chaque lundi. Déjà, le vendredi 10 juin les avocats de la ville de Kénitra avaient observé un sit-in pour protester contre la paralysie frappant les tribunaux et le retard enregistré par le gouvernement pour répondre aux revendications des secrétaires-greffiers, des rédacteurs et des délégués judiciaires. Même réaction de la part des avocats de Tanger et de Casablanca. Ces derniers avaient même menacé de mener une grève de solidarité avec les greffiers en janviers 2010 avant de se faire gentiment rappeler à l'ordre par un communiqué du bâtonnier de la métropole signé par délégation. De son côté, le syndicat démocratique de la Justice a placé la barre très haut en décidant d'entamer une grève depuis ce lundi 13 juin au siège même du ministère. Larbi Baghdadi, membre du SDJ, explique que les négociations n'avancent plus depuis quelque temps et que sans crier gare ni se concerter avec les greffiers, le ministère a tenté de faire adopter le projet de loi 34.10 modifiant et complétant le dahir de l'organisation judiciaire. Cette attitude jugée de mauvaise foi de la part des grévistes a suscité l'ire des greffiers. Il faut souligner que ce projet prévoit, entre autres, qu'une personne peut remplacer un greffier pourvu qu'elle ait prononcé un serment, ce qui aux yeux des greffiers constitue une atteinte au principe de l'indépendance de la Justice. Pire, cela constitue une violation de l'accord passé le 14 février avec les greffiers. «Du côté du ministère, ils essayent de gagner du temps pour passer la patate chaude au prochain gouvernement. Nous sommes à la veille du référendum de la Constitution et il se peut qu'il y ait un remaniement ministériel, donc nous ne pouvons plus prendre le risque de devoir tout recommencer à zéro avec un nouveau ministre de la Justice. Nous appelons d'ailleurs le ministre à appliquer les hautes instructions royales contenues dans le discours du 20 août 2009. Nous sommes victimes de petits calculs politiques que nous ne pouvons tolérer», explique Baghdadi. Il estime que les greffiers ont toujours fait preuve de bonne foi et ont fait des concessions sur les revendications d'ordre financier pourvu qu'ils bénéficient du statut personnel qu'ils ont de tout temps réclamé. «Quand nous avons arrêté la grève, nous avons travaillé jour et nuit, les week-ends et même durant les fêtes pour passer tous les dossiers bloqués au niveau des tribunaux», atteste Larbi Baghdadi qui estime que ceux qui mettent la crise des tribunaux sur le dos des greffiers se trompent. «Nous avons consenti un grand sacrifice sur la rémunération puisqu'on nous a donné la garantie d'un nouveau statut concerté. Maintenant, nous irons jusqu'au bout parce que nous n'avons eu aucun écho de notre ministère de tutelle. Et nous appelons le Premier ministre en tant que chef du gouvernement à assumer ses responsabilités aussi», conclut-il. Vendredi dernier, les greffiers de Casablanca avaient fait le tour des salles d'audience interrompant les procès en cours et demandant aux greffiers de rejoindre le mouvement. Ceux de Marrakech leur ont emboîté le pas, ce qui promet un mouvement plus vaste et plus que jamais radicalisé face au silence radio du ministère de tutelle. Les greffiers ont décidé de tenir un sit-in sine die pour protester contre ce projet de loi qui se trouve actuellement devant les députés. Précisons que le projet de loi 34-10 stipule «la possibilité de remplacer un greffier par n'importe quel citoyen, et ce en tant que membre de la Cour, à condition que ce dernier prête serment devant le juge». À l'heure où nous mettions sous presse, aucune négociation entre les deux partie n'a abouti. Pour les greffiers, le retrait du projet 34.10 demeure une condition sine qua non pour débloquer la situation. Une paralysie totale des tribunaux se profile, par conséquent la Justice de tout le pays va se retrouver en panne en l'absence d'une issue !