Le système de retraite des régies d'électricité est aujourd'hui dans l'impasse. Plusieurs d'entre elles ont prévu l'externalisation de leurs régimes, confiés au départ à la Caisse Commune de Retraites. La raison invoquée concerne le déficit de cette Caisse. En attendant, les Régies se sont constitué des réserves qui, au demeurant, restent de simples écritures comptables. Nombreuses sont les études qui ont été consacrées à la retraite au Maroc et qui ont permis de relever des insuffisances dans ces systèmes. Ces carences sont essentiellement liées à la forte générosité des différents régimes en vigueur, la dégradation progressive du rapport démographique, au manque de réserves pour certaines Caisses et à la baisse du taux d'inflation. Ces facteurs sont de nature à fragiliser davantage l'équilibre financier des systèmes de retraite en compromettant leur efficacité et leur viabilité. Globalement, le ratio démographique des caisses autonomes n'a cessé de dégringoler, atteignant aujourd'hui 1 actif pour 1 retraité. Cet état de fait interpelle les responsables et les invite à cerner sérieusement la problématique de la prévoyance au Maroc afin de mettre le doigt sur l'origine du mal qui affecte la contribution des organismes concernés par l'élargissement et l'aménagement des revenus du transfert. Les dernières assises sur la retraite ont été un moment fort pour les responsables qui nont pas manqué de tirer la sonnette d'alarme et dégager des propositions essentielles. Hormis les régimes de la CNSS, la CIMR, et la CMR, qui ont déjà fait couler beaucoup d'encre, la CCR (Caisse Commune de Retraite), dont les affiliés sont les Régies de production, de transport et de distribution de l'électricité au Maroc, est aussi dans une situation assez délicate. «Aujourd'hui, nombreuses sont les Régies qui ont arrêté de payer les cotisations de retraite des fonctionnaires à la CCR et qui ont décidé d'externaliser leur régime», souligne le responsable de communication d'une Régie. «La CCR ne dispose pas de réserves et se trouve dans l'incapacité d'honorer ses engagements», précise-t-il. Une démarche à suivre Une étude actuarielle a montré la précarité du système : l'évolution des comptes de la CCR souligne ainsi un déséquilibre persistant. Cet état de fait a amené la Lydec à transférer son régime de retraite vers le système du RCAR (Régime Collectif d'Allocations de Retraites). Le coût de ce transfert a été évalué à 2,5 milliards de DH et est payable en deux parties. La première est financée par un emprunt obligataire de 1,05 milliard de DH, lancé par la société de distribution d'eau, d'électricité et d'assainissement de Casablanca. À cela, s'ajoutent 432 millions de DH en ressources disponibles immédiatement (262 millions de DH provenant du fonds de liquidation de la RAD, 153 millions de la Lydec, 8 millions de réserves disponibles auprès de la CCR et 8,5 millions de prélèvements de retraite sur les consommations). Le reliquat (près de 1 milliard de DH) sera mobilisé ultérieurement. Il s'avère donc que l'externalisation du système de retraite n'est pas une mince affaire. Cest, en effet, une opération qui nécessite des fonds importants. De ce fait, lon peut sinterroger sur l'avenir des autres Régies ne disposant pas de moyens pour le transfert de leur régime de retraite. Le personnel de l'ONE est affilié à un régime de retraite commun à l'ensemble des opérateurs du secteur de l'électricité, soumis au même statut, à savoir celui du personnel des entreprises de production, de transport et de distribution d'électricité au Maroc. La CCR assure, certes, les risques d'invalidité, de vieillesse et de décès, mais plus pour longtemps. En vue de régler cette situation, une course contre la montre est engagée par les responsables de l'ONE et du RCAR pour réaliser des études actuarielles et des simulations afin de préparer des scénarii qui soient à même de permettre de solutionner le problème. Une bombe à retardement La solution la plus probable est celle qui consiste à lancer éventuellement un emprunt obligataire avec la garantie de l'État pour financer le transfert de ce régime «fantôme» vers le RCAR. Mais lon se demande toutefois si ces Régies déficitaires, qui s'acharnent à obtenir des crédits pour financer les charges liées à l'exploitation et se plient en quatre pour réaliser l'équilibre financier, seront prêtes à prendre en charge les conséquences d'un tel emprunt. Concernant la Redal, «elle est actuellement affiliée à la CCR, mais cela n'empêche pas qu'elle projette d'externaliser son régime de retraite», nous confie un agent de ladite Régie. Nous navons pu avoir davantage de détails parce que les responsables préfèrent garder le silence. Il faut avouer que le sujet est assez délicat et plusieurs Régies, pour faire face à une telle situation, se sont constitué des réserves qui, en fait, ne sont que de simples écritures comptables. Autrement dit, du noir sur blanc sans suite concrète dans la réalité. Au regard de cette situation, force est de reconnaître qu'une bombe risque déclater à nimporte quel moment compte tenu de lextrême gravité de la situation. Certes, dans l'élaboration du projet de Loi de Finances 2005, l'Etat a prévu de faire face aux arriérés des cotisations des retraités des fonctionnaires, mais encore faut-il savoir si les Régies y font partie D'autres questions méritent d'être posées : les autres Régies ont-elles les moyens d'externaliser leur régime à la manière de la Lydec ? Si cest non, comment vont-elles résoudre le problème ? Et comment les pouvoirs comptent-ils faire face à un tel déficit dans un contexte aussi hostile ? Pour déterminer l'avenir du système de retraite au Maroc, il faut s'intéresser attentivement aux nouvelles formes que prendra la famille. Le système de retraite sera peut-être appelé à ne jouer qu'un rôle de transition entre une société caractérisée par des familles traditionnelles et une société marquée par des familles modernes.