Le chiffre d'affaires au Maroc de la branche Vie a atteint 6,6 milliards de dirhams en 2010, en légère baisse par rapport à 2009. Dans un contexte où l'Etat cherche à mobiliser l'épargne longue, il serait bon d'améliorer le dispositif fiscal en place. Awad Taoufik, gérant d'Axiome Assurance, fait le point sur la branche Vie. - Finances News Hebdo : Qu'est-ce qui se cache au juste sous la bannière «Assurance Vie» ? - Awad Taoufik : L'assurance Vie couvre les assurances Décès et Vie. Son chiffre d'affaires au Maroc a atteint 6,6 milliards de dirhams en 2010, soit une légère baisse de 0,90% par rapport à 2009 (source DAPS) sur un chiffre d'affaires total s'élevant à 21,8 milliards de dirhams, soit le second marché en Afrique après l'Afrique du Sud. A titre de comparaison, la France occupe également le second rang en Europe, derrière le Royaume-Uni, avec un chiffre d'affaires de 207 milliards d'euros (source FFSA), dont 50 milliards pour la seule branche Vie. - F.N.H. : A quoi sert exactement ce genre de couverture ? - A. T. : Ces couvertures servent à indemniser les ayants droit ou bénéficiaires désignés en cas de décès, ou bien le bénéficiaire lui-même en cas de vie à l'échéance de son contrat, ou bien à sa retraite à l'âge de 60 ans, échéance la plus commune. Pour la partie décès, il s'agit des assurances temporaires en cas de décès qui prévoient : dans le cadre de la prévoyance, de payer le capital convenu contractuellement au profit des bénéficiaires désignés, ou à l'assuré lui-même en cas d'invalidité absolue et définitive. Dans le cadre de couvertures en cas de prêts : il s'agit là de la garantie emprunteur «décès emprunteur» qui, en cas de décès ou d'IAD de l'assuré (emprunteur ), l'assureur verse à l'organisme de crédit (banque ou autre) le restant du capital emprunté. Pour la partie Vie (survie), nous avons les produits d'assurance Vie sur une ou deux têtes et on distingue les contrats : 1) à prime périodique (versées durant une période au moins égale à la durée du contrat ; 2) à prime unique. On distingue aussi, dans les temporaires au décès, les temporaires à capital constant et les temporaires décroissantes (exemple : crédit emprunteur) Dans la branche Vie, nous avons aussi les contrats Epargne Capitalisation. Les contrats d'assurance temporaire au décès et épargne peuvent être souscrits à titre individuel ou collectif. - F.N.H. : Ne croyez-vous pas que le coût de ces produits soit un frein à leur développement ? - A. T. : Le coût de ces produits est assez bien cerné grâce : aux tables mortalité en vigueur au Maroc (PM 60 /64 par le passé et TD 88/90 actuellement), à la maitrise des coûts de gestion et d'acquisition, et au mécanisme de la réassurance. Le projet d'une table marocaine est en cours d'étude à la DAPS, semble-t-il. Ces produits se sont largement répandus grâce à l'encouragement des pouvoirs publics par le biais de la fiscalité, et grâce à l'action commerciale des compagnies et des intermédiaires, y compris les banques depuis l'instauration de la bancassurance. De plus, une forte concurrence depuis une dizaine d'années et les besoins de financement des particuliers et des entreprises auprès de tous les organismes financiers, banques et organismes de prêts, ont gonflé les volumes. - F.N.H. : Du point de vue de la jurisprudence islamique, ne croyez-vous pas que le développement de l'assurance-Vie soit freiné par cette problématique ? - A. T. : A l'instar des produits dits islamiques, les intérêts servis sont de plus en plus transformés en participation aux bénéfices. Le taux maximum garanti est arrêté tous les six mois et publié par la DAPS. - F.N.H. : A votre avis, qu'est-ce qui explique que les produits de capitalisation proposés par les compagnies d'assurance connaissent plus de succès que l'assurance sur la Vie ? - A. T. : Les produits de capitalisation ont connu une nouvelle jeunesse car ils s'apparentent, aux yeux du public, à des produits bancaires avec la certitude d'un gain minimum égal aux cotisations versées, alors que le produit Décès est perçu comme à fonds perdus même si le mécanisme de la contre-assurance n'est pas bien saisi par le public. En raison de la nécessité déclarée du gouvernement de réformer les régimes actuels de retraite (CMR+CNSS+RCAR) et même la CIMR dans une moindre mesure, le personnel-cadre des entreprises privées et du secteur public aussi, cherche à améliorer le taux de remplacement du salaire d'activité par la souscription, auprès des compagnies d'assurance ou des banques, des contrats collectifs ou individuels d'épargne-capitalisation. - F.N.H. : Les prestations d'assurance Vie bénéficient-elles d'exonération fiscale ? - A. T. : Le levier fiscal est un puissant stimuli pour tous les épargnants, salariés ou non, car sous réserve que le contrat soit au minimum de 8 ans et la sortie du contrat pas avant 50 ans, le cotisant salarié bénéficie : 1) de la déductibilité de son salaire imposable à la source ; 2) à la sortie d'un abattement de 40% et d'un étalement sur quatre ans des 60% restants, l'imposition à l'IR en vigueur se calculant à ce moment ; 3) les non salariés ont la possibilité, sous certaines conditions, de déduire leurs cotisations retraite dans leur déclaration annuelle de revenus. - F.N.H. : La branche Vie a connu une baisse lors de l'année 2010, quelles en sont les raisons à votre avis ? - A. T. : La baisse enregistrée en 2010 est semble-t-il, due à un redressement opéré par une compagnie leader du secteur et de la branche qui avait privilégié l'épargne à court terme, puis qui a préféré se recentrer sur l'épargne à plus long terme pour des raisons de coûts de gestion. - F.N.H. : Selon vous, quels sont les moyens nécessaires à mettre en place afin de dynamiser cette branche ? - A. T. : Les pouvoirs publics ont de plus en plus recours à l'épargne nationale à long terme pour accompagner les réformes de structure à venir, et une meilleure attractivité par une fiscalité plus attrayante serait un puissant levier, vis-à-vis des particuliers et des entreprises. Certains spécialistes prônent une défiscalisation dégressive à la sortie pour les contrats d'épargne à longue durée, c'est-à-dire supérieure à 20 ou 25 ans, et une plus grande limitation des avances et autres rachats partiels , trop attractifs pour des salariés à courte ou durée déterminée.